27/03/2007
Le festin nu
"La drogue sacrée, qui ne crée pas de sujétion, pas d'esclavage, est dépeinte comme une merveilleuse vague d'égoût... mais la couleur disparaît et on retrouve la came ordinaire, la came de toujours... Souviens-toi : le résultat est toujours le même : la possession absolue devient le seul but, et seule la drogue peut rendre chair et os au visage et aux jambes..."
Le chef-d'oeuvre de William S. Burroughs (1914-1997). Un curieux voyage dans l'Interzone, quelque part entre New-York et Tanger. Connu pour ses romans hallucinés (drogue, homosexualité, anticipation), il fut associé à la Beat Generation (Jack Kerouac, Allen Ginsberg. Il est aussi connu pour son utilisation littéraire du cut-up, technique qui consiste à recréer un texte à partir de bribes découpées et mélangées au hasard, utilisant parfois des fragments d'autres auteurs.
"Tu connais les vieux - plus aucune pudeur de l'estomac, tu as envie de vomir rien qu'à les voir se goinfrer. Les vétérans de la drogue sont tous pareils. A leur seule vue de la camelote, ils commencent à mouiller et gargouiller. Pendant qu'ils mitonnent leur sauce blanche, la bave leur dégouline du menton, ils ont le ventre clapoteux et les tripes qui papillotent en péristole, et le peu de peau intacte qui leur reste sur les os se dissout, tu t'attends à voir le protoplasme en gicler sous le coup de seringue et retomber en pluie. C'est répugnant à voir..." [...]
"Il déblatérait à perdre le souffle, se tenant tout droit dans l'ombre allongée de la salle du tribunal, son visage torturé comme une pellicule déchiquetée, crevant des besoins de ses organes larvaires qui palpitaient au fond de sa chair d'ectoplasme, la chair incertaine du corps en manque (dix jours de jeûne forcé quand vint la première audience), chair qui se dissout dès la première caresse silencieuse de l'héroïne retrouvée."
"La pute s'amène à la porte, je lui dis que je veux une tranche de cul et j'y refile les biftons. On monte dans sa piaule et elle tombe ses fringues. Aussi sec je sors mon surin à cran d'arrêt et je me découpe un bon bistèque de cul comme demandé. Du coup, elle pousse une goualante à la sauvage, l'a fallu que je me déchausse pour lui faire taire sa gueule à coups de pompe. Après quoi je l'ai tringlée en prime."
"Piaillements, fracas de carreaux cassés et d'étoffes déchirées. Raz de marée en crescendo de grognements et d'ululements et de gémissements et de hoquets et de sanglots... Puanteur de foutre et de con et de sueur, relent plus faisandé de rectums défoncés... Diamants, étoles, fourreaux de soie, orchidées, fracs, smokings et sous-vêtements jonchent le parquet, foulés par des grappes de corps nus qui s'empoignent les uns les autres avec des contorsions frénétiques."
William Burroughs, Le festin nu (The naked lunch, 1959), Gallimard, Folio SF, n° 93, 2002, 335 p.
19:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : william burroughs, le festin nu, Interzone, Beat Generation
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