04/08/2022
Robespierre
Aborder le personnage dans sa complexité : une nécessité.
Humaniste, imprégné des Lumières, « voix du peuple », Maximilien de Robespierre (1758-1794) aura lutté pour la mise en place du suffrage masculin universel et pour l’abolition de l’esclavage et de la peine de mort. Son refus de celle-ci ne l’empêche pas de condamner Louis XVI, sa détestation de la violence ne permet pas d’éviter la guerre contre l’Autriche (1792) puis de soutenir la Terreur (1793-1794), mise en œuvre par le Comité du Salut public.
Homme politique cynique et calculateur ? Ou martyr parfait d’une révolution sans précédent ? Controversé à souhait, amplement voué aux gémonies (encore et toujours), il était beaucoup de choses mais certainement pas un dictateur.
A l’image d’un monde qui change de manière chaotique mais par étapes distinctes et rapides, Robespierre est l’incarnation de cette succession de coups et contrecoups d’une conflagration bientôt continentale. Son intransigeance radicale et son jusqu’auboutisme nuancé seront finalement emportés par l’implacable machine de la Terreur. Mais ils n’effacent en rien son rôle de premier plan dans la révolution nationale et l’avènement de la République. J. N.
Collection "Ils ont fait l'Histoire" (Glénat, Tome 21)
Scénariste : Mathieu Gabella
Dessinateur : Roberto Meli
Conseiller historique : Hervé Leuwers
11:22 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robespierre, hervé leuwers, terreur, révolution française
26/07/2022
RAF
La RAF (Rotte Armee Fraktion), également surnommée « bande à Baader » ou « groupe Baader-Meinhof », symbole ouest-allemand le plus célèbre de la guérilla urbaine d’extrême-gauche des années 1970...
Issue du mouvement étudiant de 1967-1968 et s’attaquant au système impérialiste, la RAF a largement participé de ce qu’on appellera en Europe les « années de plomb » (chrononyme inspiré du titre éponyme du film réalisé par Margarethe von Trotta en 1981), période marquée par les bouillonnements idéologiques, la violence politique et le terrorisme. Les pendants de la RAF étaient (pour ne citer que ceux-là) les Brigades Rouges en Italie, Action directe en France, GRAPO en Espagne, 17N en Grèce et l’Armée rouge japonaise au Japon.
Transposition de la thèse de Doctorat d’Anne Steiner (1985), l’ouvrage retrace la période essentielle d’activisme du groupe (1968-1977), contée également par le film d’Uli Edel en 2008 (Der Baader-Meinhof Komplex). Hormis le fait que c’est un des rares ouvrages écrits en français qui retrace globalement la genèse, le parcours et le fonctionnement de ce groupuscule et son "irréductible singularité", c’est la place accordée à la lecture des textes produits par ses membres qui permettent à la fois de comprendre son combat, sa philosophie et son pouvoir de séduction.
A ce titre, le passage suivant (préface, p. 9) est édifiant :
« Les militants affirment leur volonté de s’inscrire dans une synergie d’actions avec les peuples de la « périphérie » en lutte contre l’impérialisme américain en ouvrant une ligne de front à l’intérieur des « métropoles ». Et ils y développent une théorie du sujet révolutionnaire qui ne s’incarne plus dans une classe qui aurait une mission historique à remplir mais qui se confond avec l’individu combattant ce système les armes à la main, sans faux-semblant, sans possibilité de retour en arrière. »
Anne Steiner, Loïc Debray, RAF. Guérilla urbaine en Europe occidentale, L’Echappée Poche, 2021 (1987), 237 p.
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : raf, baader, allemagne, allemagne de l'ouest, rfa, guérilla urbaine, extrême-gauche, terrorisme, impérialisme, 1970, mouvement étudiant, années de plomb, baader-meinhof, andreas baader, ulrike meinhof
21/07/2022
Quand notre monde est devenu chrétien
Universitaire et historien spécialiste de la Rome antique, Paul Veyne retrace ici la lente mais sûre transition au christianisme de l'Empire romain aux IVe-Ve siècles. Mais contrairement à l'historiographie classique (il reproche aux historiens d'être trop habitués "à la saine methode de "mise en série" et d'avoir le "sens de la banalité, de la quotidienneté") qui voit dans la conversion de Constantin 1er (en 312) un acte politique et pragmatique, il place ce dernier au centre de tout, "héros de cette grande histoire", destiné par le Décret divin pour jouer un rôle providentiel dans l'économie millénaire du Salut", et même, "sauveur de l'humanité".
Conséquemment, la propagation du christianisme au cours du IVe siècle est analysée comme un "chef-d'oeuvre", un tour de force génial, ou si nous pouvons nous permettre cette expression, le casse du siècle. Veyne ose même un parallèle avec Lénine, considérant que la "révolution bolchevik et le "tournant" constantinien reposent l'un et l'autre sur une "rationalité" du sens de l'histoire, matérialiste pour l'un, divine pour l'autre".
L'approche est intéressante, d'autant plus qu'elle provient d'un "incroyant" qui semble d'ailleurs user d'une ironie bienveillante et subtile. Il faut toutefois maîtriser certaines dimensions du christianisme (de l'époque, notamment) afin saisir globalement les propos de cet ouvrage érudit. J. N.
Paul Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien (312-394), Le Livre de Poche, 2021 (2007), 278 p.
23:07 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paul veyne, constantin, christianisme, constantin 1er, 312, quand notre monde est devenu chrétien
03/05/2022
La ruse
La géniale mais méconnue Operation Mincemeat (« viande hachée »). Afin de tromper Adolf Hitler et plus précisément le haut commandement de l’armée allemande (l’OKW) à un moment où la Seconde Guerre mondiale a déjà entamé son tournant (Midway, juin 1942 ; El Alamein, octobre 1942 ; Stalingrad, février 1943), les services de renseignements britanniques décident de faire croire à un débarquement allié dans les Balkans afin d’entraîner un transfert des troupes allemandes de Sicile (où aura finalement lieu le débarquement allié le 10 juillet 1943 – Opération Husky) vers la Grèce.
L’épisode le plus invraisemblable de l’espionnage britannique deviendra du coup l’opération la plus fascinante puisque réussie malgré sa haute improbabilité dès le départ, et un modèle du genre en termes de désinformation en temps de guerre (devenue une banalité de nos jours mais de manière beaucoup plus flagrante).
Histoire d’espionnage et de Seconde Guerre mondiale (une période sombre qui ne se tarit jamais au cinéma), ce thriller d’espionnage à l’ancienne a le premier mérite de proposer un suspense chirurgical sans être nerveux (la règle habituelle). Tout en finesse, la mise en scène, dotée d’un casting royal (magnifiques Colon Firth, Matthew MacFadyen, Kelly Macdonald) dégage plein d’intelligence émotionnelle. Celle d’êtres sensibles qui ont fait l’Histoire mais dont les livres d’Histoire ne parleront jamais.
Au passage, on pourra regretter quelques longueurs, trop de dialogues et un manque de rythme. Mais qu’importe, la dimension multiforme du film (un bel hommage implicite au maître Ian Flemming) en font un récit captivant et humaniste. Celui d’abord (et paradoxalement) d’un héros qui n’a jamais existé et in fine celui de ceux qui n’agissent qu’avec leur conscience et ne demandent rien en retour.
J. N. / R. H.
Operation Mincemeat (John Madden, USA/UK, 2022, 128 min)
Cast : Colin Firth, Matthew, MacFadyen, Kelly MacDonald, Rufus Wright, Mark Gatiss, Jason Isaacs.
27/03/2022
Deep Water
Retour aux affaires 20 ans plus tard pour Adrian Lyne - spécialiste du thriller érotique - qui adapte ici la romancière américaine Patricia Highsmith. Soit un couple aisé mais au bord de l'implosion. Tandis que les ressentiments, la rancoeur et le mépris continuent à s'installer insidieusement et inexorablement, Vic (Ben Affleck) semble s'accomoder des provocations de Bellinda (Ana de Armas), et plus précisément sa débauche et ses aventures extra-conjugales. Mais voilà que les amants commencent à disparaître.
L'histoire pose un questionnement bien connu (et déjà traité sur grand et petit écran ô combien de fois) : pourquoi un couple se maintient malgré un dysfonctionnement évident et porté au paroxysme? malgré la souffrance absolue? Pourquoi pas. Mais le problème est que la mise en scène est franchement lourdingue (pour ne pas dire hideuse), certaines situations tellement invraisemblables que cela en devient grand-guignolesque (notamment le final). Et in fine, un grand bémol sidérant : point de mystère (supposé tout de même être la pierre angulaire d'un thriller psychologique) puisque le décor est planté d'entrée, ce qui fait du film (sans aucun doute bien inférieur au matériau d'origine) un thriller érotique faussement sulfureux. Maigre consolation : la grande prestation des deux principaux protagonistes. J. N.
Deep Water (Adrian Lyne, USA, 2022, 115 min)
Cast : Ben Affleck, Ana de Armas, Tracy Letts, Grace Jenkins, Dash Mihok, Kristen Connolly, Rachel Blanchard.
17:02 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : deep water, adrian lyne, ben affleck, ana de armas, tracy letts, grace jenkins, patricia highsmith, thriller érotique