30/08/2015
Un soupçon légitime
Nous poursuivons notre apprentissage de l'oeuvre de Zweig (nous n'en sommes qu'à quelques nouvelles et un roman). Dans cette nouvelle écrite entre 1935 et 1940 et publiée à titre posthume en 1987 sous le titre original allemand War er es, Stefan Zweig, qui n'a d'égal que lui-même dans l'analyse psychologique des pauvres humains que nous sommes, se penche ici sur les tendances obsessionnelles et les débordements sentimentaux portés au paroxysme. L'action se passe dans la campagne anglaise, à Bath près de Londres (où Zweig s'était exilé un premier temps, fuyant le régime nazi). Ravis d'avoir de nouveaux voisins - un jeune couple, les Limpley - le couple allemand, très heureux jusqu'ici de pouvoir profiter du calme et de l'isolement, va très vite déchanter en raison du côté un peu trop expansif et enthousiaste du mari, John. Voilà qu'ils conseillent à ce dernier d'adopter un chien. Mal leur en a pris. Mis sur un piédestal, ce dernier se transforme en tyran. Et le sentiment d'adulation de la part de John va rapidement virer à l'ignorance totale... Dans ce roman où l'aspect dérangeant va inexorablement monter en crescendo, on ne peut que méditer sur ce thème de la démesure des sentiments, celle-ci pouvant s'immiscer en chacun de nous sans que l'on puisse la contrôler. On regrettera, tout simplement, une analyse psychologique que nous avons trouvé un peu trop tirée par les cheveux. Mais cela n'enlève rien à l'acuité d'une réflexion générale troublante mais juste. Par ailleurs, on notera - le fait est assez rare pour être cité - que le principal protagoniste est un chien et que pour une fois, le récit de Zweig, d'ordinaire très sombre, est parsemé ici d'un ersatz de gaieté, avant bien entendu que la "gravité" ne reprenne le dessus... J. N.
Stefan Zweig, Un soupçon légitime, Le Livre de Poche, 2011, 175 p.
Publié pour la première fois (en allemand et à titre posthume) en 1987.
21:16 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : stefan zweig, un soupçon légitime
Les commentaires sont fermés.