10/07/2021
The Act of Killing
Notre spécialiste cinéma et documentaires E. nous avait parlé il y a des années de cela de ce réalisateur américano-britannique engagé et de ses deux documentaires hors-normes, nous demandant également un petit commentaire. The Act of Killing revient sur le Mouvement du 30 septembre 1965 en Indonésie et des massacres de masse qui ont suivi. Prétextant un coup d'Etat tenté par le Parti communiste indonésien (PKI), après un coup de force tenté (instrumentalisé semble-t-il) par des officiers de l'armée, une répression sanglante dirigée par le général Soeharto (futur président de la république de 1967 à 1998) et menée par les milices du Nahdlatul Ulama (Parti musulman) et du Parti national indonésien décime les communistes indonésiens et leurs sympathisants sur l'ensemble du territoire indonésien, faisant de 500.000 à 2 millions de morts.
Sur place, Oppenheimer (1974 - ) invite certains auteurs des massacres, des chefs d'escadrons de la mort notamment, à reproduire pour la caméra leurs tueries (tout en racontant leurs ressentis) dans leur style cinématographique préféré (film de gangster, musical, western). Que dire de plus que tout ce qui a déjà été dit sur ce documentaire coup de poing (le mot est faible), chef-d'oeuvre terrifiant, largement acclamé par les critiques? S'immergeant pleinement dans la psyché humaine - Oppenheimer parle de "documentaire de l'imagination" - The Act of Killing traite du concept de la banalité du mal, développé en 1963 par la philosophe Hannah Arendt à la suite du procès d'Adolf Eichmann (1).
Au passage, Oppenheimer permet également de faire connaître ce massacre oublié, constituant encore un tabou en Indonésie où comme on pouvait s'y attendre, le film a été interdit. Soutenu par certaines puissances occidentales (Etats-Unis, Australie) et félicité par d'autres, le massacre a été occulté - volontairement sans doute - par les médias (2) de ces pays, dans un climat de guerre froide et de peur, côté occidental, d'effet domino concernant l'expansion communiste (la Guerre du Vietnam venait de commencer). Plus tard, un autre Etat d'Asie orientale (paragraphe ci-dessous) effectuera le même type de massacre mais il sera condamné cette fois-ci par l'Occident puisqu'il s'agissait d'une répression de type communiste, rappellant qu'en relations internationales, les intérêts et enjeux géopolitiques prennent très souvent le pas sur les considérations humaines et morales.
Dans un documentaire très proche et tout aussi dérangeant - S21. La machine de mort khmer rouge - il était demandé aux victimes et aux bourreaux des crimes du régime khmer rouge au Cambodge (1975-1979) de raconter ce qu'il avaient fait ou subi. Ici, il ne s'agit que des bourreaux (la question des victimes est traitée dans le second volet - The Look of Silence - sur lequel nous reviendrons par la suite). Au réalisme froid et sans concession des tortionnaires de S21 vient s'ajouter ici sadisme, cynisme et cruauté d'hommes qui ne semblent pas vraiment avoir de remords. Glaçant de terreur. J N
The Act of Killing (Joshua Oppenheimer, Dan/Nor/R.U, 2012, 117 min)
- Meilleur documentaire - BAFTA Awards 2014
- 1 nomination (meilleur documentaire) - Oscars 2014
- Prix du Jury oecuménique (Joshua Oppenheimer) - Festival de Berlin 2013
- Meilleur documentaire - European Film Awards 2013
- Meilleur documentaire - Gotham Awards 2013
- Meilleur documentaire - Chlotrudis Awards 2014
- Prix spécial (Joshua Oppenheimer) - Bodil Awards 2013
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(1) Cette théorisation est abordée dans le film Hannah Arendt de Margarethe von Trotta (2012).
(2) A noter ici le roman de l'écrivain australien Christopher Koch (1932-2013), L'Année de tous les dangers (1968), racontant une histoire se déroulant à Jakarta et inspirée des Massacres de 1965 (Koch s'est appuyé sur l'expérience de son frère Philip qui était journaliste en Indonésie sous le régime de Soekarno (1945-1967). Le livre fut adapté au cinéma, sous le même titre, par Peter Weir en 1982.
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