11/09/2006
Rosario - Aimer c'est mourir
A Medellin, ville des cartels de drogue et de la prostitution, il n'y a aucune place pour les femmes, c'est la première dure réalité que l'on découvre dans cette sorte de thriller socio-mélo-dramatique (très). Rosario possède des atouts qui devraient a priori lui permettre de survivre : belle, sensuelle, meneuse d'hommes et à caractère bien trempé. Mais dans une société colombienne très machiste (ce n'est pas la seule évidemment, après tout nous vivons dans un monde d'hommes), cela lui sera-t-il suffisant ? parviendra-t-elle à échapper à la mort ? C'est un des thèmes majeurs de ce film qui à travers la projection de la vie très mouvementée de Rosario Tijeras (Flora Martinez), vise un objectif bien plus large : susciter une réflexion globale sur la société colombienne, société en pleine implosion dans un Etat où sévissent misère totale, désenchantement, corruption et guerre (les FARC sont toujours actifs, demandez le à Ingrid Bétancourt), société où les femmes sont à la merci de tout le monde, où même les enfants n'attirent la moindre compassion (Rosario se fait violer par son propre père, devant sa mère qui ne bronche pas). Mais il n'y a pas que la réflexion critique d'une société, le réalisateur aime jouer sur les frontières : si David Lynch met en avant la frontière entre le réel et l'irréel (notamment dans Twin Peaks, Lost Highway et Mulholland Drive), Emilio Maille se penche sur la frontière ambigüe et très poreuse entre le bien et le mal, l'amour et la haine, la vie et la mort. Ce travail sur cette ambiguïté a justement rendu la structure du film un peu compliquée, ce qui a fait que certaines séquences sont un peu tirées par les cheveux. Par moments, le film tourne à un méli-mélo complètement bancal, on perd dès lors le fil conducteur. Mais peut-être est-ce justement le but du réalisateur ? semer le trouble chez le spectateur à travers la description d'un monde complètement déboussolé ? Toujours est-il que la toile de fond demeure intéressante : un Etat à deux vitesses, où pauvres et riches se cotoient intimement, tout en s'ignorant superbement (scènes de boîtes de nuit branchées - bidonvilles...) et où le légal et l'illégal sont très durs à démêler (juges corrompus, militaires agressifs). Quant à l'histoire de Rosario, il est possible de la cerner : comme dans Baise moi et Monster, c'est une femme (ou fille) maltraitée par les hommes (et même par sa mère) qui s'est transformée en mangeuse (tueuse) d'hommes. Le reste (tueuse à gages? à son compte? à celui des cartels? prostituée? trafiquante de cocaïne? tout à la fois?) n'est pas précisé mais cela importe-t-il ?
On pourrait aisément transformer le slogan de l'affiche française du film, "Tuer c'est aimer" en "Aimer c'est mourir". A chaque fois qu'un homme "osa" vouloir posséder Rosario, il se retrouva foudroyé par son pistolet. Rosario allait connaître le même sort, elle osa tomber amoureuse de son ami alors que sa vie et son métier ne le lui permettaient pas. La sentence fut fatale : elle quitta à son tour ce monde où il est interdit d'aimer.
ROSARIO (Emilio Maille, Colombie, 2006, 112 mins)
Titre original : Rosario Tijeras. Avec Flora Martinez, Unax Ugalde, Manolo Cardona, Rodrigo Oviedo, Alonso Arias.
Présenté au festival fu film policier de Cognac (2006).
Photos du film sur le site suivant (en espagnol) : http://xxxrosariotijerasxxx.blogspot.com/
02:40 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rosario, emilio maille, flora martinez, Unax Ugalde
Commentaires
Joli post, intéressant. J'ai vu ce film à la veille de mon départ. Tiré par les cheveux, est très juste, j'avais trouvé que tt ce qui lui arrive était trop fait de rebondissements. mais effectivement c riche, trop riche?, foisonnant, à la mesure de la société colombienne.
Écrit par : bee | 11/09/2006
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