26/08/2015
Les langages de Pao
Alors que la planète Pao, un peu trop pacifiste et guère préparée à une confrontation militaire, se fait envahir par la civilisation des Brumbos, la seule solution qui lui permettrait de se débarrasser des colons serait de remodeler la structure de son langage. En effet, la langue paonaise, particulière à bien des égards, ne permet pas à ces adeptes d'être pourvus de sentiments comme l'abnégation, la résistance, le stoïcisme...etc. "La langue consistait en noms, en postpositions suffixées et en indicateurs temporels ; il n'y avait ni verbes, ni adjectifs, ni formes comparatives définies, telles que bon et meilleur. Il n'existait pas de mots comme "prestige", "intégrité", "individualité", "honneur", ou "justice", car l'idée que le Paonais moyen se faisait de lui-même - à supposer qu'il se considérât comme une personnalité distincte - était celle d'un bouchon flottant sur un océan de vagues innombrables, soulevé, attiré, bousculé par des forces incompréhensibles (...)".
Dans ce roman des débuts de Jack Vance (1916-2013), "Grand Master" de science-fiction et figure de proue de la SF américaine "à l'ancienne" (l'écriture est linéaire, la psychologie des personnages peu développée), nous soulignerons au-delà du thème - récurrent chez Vance - de la rencontre des civilisations, une réflexion incisive sur les fonctions du langage, résumée dans le paragraphe suivant :
"Aucune langue n'est neutre. Toutes contribuent à donner une impulsion à l'esprit des masses, certaines avec plus de vigueur que d'autres. (...) Nous ne connaissons pas de langue "neutre" ; aucune n'est supérieure à une autre, même s'il arrive qu'un langage X soit mieux adapté à un contexte lambda qu'un langage Y. Si nous allons plus loin, nous remarquons que tout idiome induit dans l'esprit des masses un certain point de vue sur le monde. Quelle est la véritable image du monde ? Existe-t-il un langage qui l'exprime ? Premièrement, nous n'avons aucune raison de croire que la véritable image du monde, si tant est qu'elle existe, puisse être un outil très utile ou efficace. Deuxièmement, aucun standard ne nous permet de la définir. La Vérité est contenue dans l'opinion préconçue de celui qui cherche à la définir. Toute organisation d'idées, quelle qu'elle soit, présuppose un jugement sur le monde".
J. N
Jack Vance, Les langages de Pao, Gallimard, Folio SF, 2002, 262 p.
Paru pour la première fois en 1958 sous le titre original The languages of Pao.
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12/12/2013
La planète géante
Dirigée par Claude Glystra, une expédition est envoyée sur la Planète Géante où règne une totale anarchie, afin d'y effectuer une enquête. Mais le vaisseau est sabordé et échoue au milieu de nulle part. Pour survivre, le petit groupe n'a qu'une option : se rendre à pied jusqu'à l'enclave terrienne, à l'autre bout de la planète, à 65.000 km². Equipés de quelques pistolets ioniques et d'une petite quantité de métal (inexistant sur la planète, il peut servir de monnaie d'échange), les "survivors" devront, outre débusquer une taupe présente parmi eux, faire face aux hordes sauvages peuplant la forêt, aux vendeurs d'esclaves, et au redoutable Barjanum, informé de leur présence et voulant à tout prix leur mettre le grappin dessus.
On retrouve ici un des premiers romans de l'auteur, qui allait annoncer la suite de son oeuvre, notamment les grands espaces, les voyages interstellaires, et les rencontres entre civilisations différentes. Le fameux et culte Cycle de Tschaï est déjà annoncé ici (un vaisseau parti de la terre et s'écrasant sur une planète inhospitalière). Quant au périple de nos protagonistes, il rappelle un road movie tragique, produit il y a quelques années, The way back (Peter Weir, 2010). L'auteur a toujours excellé à dépeindre des contrées fascinantes. Petit bémol : un traitement assez faible des personnages. Mais comme cela ne constitue pas la pierre angulaire de son oeuvre, nous ne lui en tiendrons pas rigueur.
Décédé le 26 mai 2013 à l'âge de 96 ans, Jack Vance figure parmi les plus grands écrivains américains de science-fiction et de fantasy. Le cycle de Tschaï et La Geste des Princes-Démons constituent des chefs-d’œuvres en soi. En 1997, la Science Fiction and Fantasy Writers of America lui décernait la distinction de "Grand Master" pour l'ensemble de son oeuvre. Il fut également lauréat de nombreux prix prestigieux (Hugo, Nebula, Jupiter...etc.). J. N
Jack Vance, La planète géante, Gallimard, Folio SF, 2005, 288 p.
Paru pour la première fois en 1951 sous le titre original Big Planet.
20:29 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la planète géante, jack vance, science-fiction, big planet