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14/12/2024

No other Land

no other land,cisjordanie,palestine,israël,cinéma jean-paul belmondoNon content de commettre un génocide à Gaza, Israël poursuit sa colonisation systématique, scandaleuse et éhontée de la Cisjordanie, l'autre partie intégrante de la Palestine. Ce documentaire coup de poing montre un de ces nombreux épisodes d'expulsion de familles palestiniennes entières de leurs villages puis la destruction de ces derniers. Une raison particulière? Aucune. Mais le prétexte que l'espace deviendra une "zone militaire". Dans le registre des documentaires traitant d'exactions commises contre des groupes humains, il y en a qui font pleurer, comme S21 la machine de mort khmer rouge de Rithy Panh (2004), les deux opus époustouflants de Joshua Oppenheimer (The Act of Killing, 2012 ; The Look of Silence, 2014), ou encore l'effacement culturel des ouïghours (François Reinhardt, Chine : le drame ouïghour, 2021) et bien d'autres.

no other land,cisjordanie,palestine,israël,cinéma jean-paul belmondo,basel adra,yuval abrahamCelui-ci en fait également partie. Et j'ai été agréablement surpris de constater que dans une ville d'une part marquée par tellement d'inégalités et d'autre part très penchée à droite politiquement (et très ancrée dans une "effluve réac"), il existe un cinéma "gaucho", en l'occurence le cinéma Belmondo/Mercury, place Garibaldi, qui propose - entre autres - tous les vendredis un ciné-club pluri-mensuel, animé par l'Association Cinéma Sans Frontières, lors duquel le film en question est précédé d'une contextualisation et suivi d'un débat. J'ai noté que la présentatrice, cartes projetées à l'appui, a rappelé que le premier plan de partage de la Palestine accordait aux Palestiniens un territoire plus grand que celui prévu pour les Juifs (1937) mais la Seconde guerre mondiale est passée par là ainsi que la Shoah et les Occidentaux, "en raison de leur mauvaise conscience ont proposé lors du plan de partage de l'ONU (1947) un territoire plus grand aux Juifs" alors qu'ils étaient beaucoup moins nombreux. Notons donc le courage de dire les choses comme elles sont alors qu'affirmer aujourd'hui en France que les Occidentaux ont soutenu la création de l'Etat d'Israël par culpabilité et/ou pour se débarrasser d'un problème est devenu impossible et peut même être taxé d'antisémitisme, un mot largement galvaudé et utilisé comme arme contre toute critique émise envers l'Etat hébreu ou lorsque les Palestiniens sont défendus et/ou soutenus.

Mais recentrons-nous sur ce récit dur et poignant. Quelle est sa force essentielle ? Simplement le fait que l'histoire est vécue et racontée par une partie de l'équipe réalisatrice. Point besoin de militantisme ou d'interviews d'experts en géopolitique. Tout est là, l'horreur (les dernières séquences montrant les techniques usitées par les militaires pour contraindre les habitants à partir sont franchement consternantes) est racontée en direct par un Palestinien la supportant tous les jours, aidé par un journaliste et ami israélien. Un acte de résistance authentique et inclusif. On en sort en colère et sans voix.

JM Naoufal

 

No Other Land (Basel Adra, Yuval Abraham, Hamdan Ballal, Rachel Szor, Palestine/Norvège, 2024, 92 min)

- Ours d'or du meilleur documentaire - Festival de Berlin 2024

01/09/2018

A tombeau ouvert

michel warschawski,israël,palestine,apartheid,foyer national juif,accords d'oslo,yitzhak rabin "J'ai tenté de dresser l'état des mieux d'une société gravement malade qui a dans une large mesure perdu ses freins dans une course folle, effaçant "toute sensibilité morale et toute intelligence culturelle" et qui détruit tout sur son chemin, y compris la possibilité même de vivre un jour en coexistence pacifique avec le monde arabe alentour".

Alors que l'Accord d'Oslo d'août 1993 - signé entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin - semblait ouvrir une ère nouvelle dans les relations israélo-arabes, quelques années plus tard, le processus de paix israélo-palestinien était au point zéro. Pis encore, celui-ci est à un niveau bien en dessous de la période ante-1993. Hormis le fait qu'il est désormais "impossible" de critiquer Israël, comme l'a si bien montré et critiqué Pascal Boniface il y a une quinzaine d'années, l'establishment politico-militaire israélien a versé dans une violence et un cynisme sans précédent. Mais surtout, comme l'explique Michel Warschawski, journaliste, militant pacifiste d'extrême-gauche et anti-sioniste israélien, c'est la société israélienne dans sa grande majorité qui a sombré dans le messianisme et le militarisme, considérant le peuple palestinien comme moins que rien et estimant que le laisser exister est déjà beaucoup... Si l'auteur considère que le 5 novembre 1995 (assassinat de Rabin) marque un tournant dans la politique palestinienne de l'Etat hébreux, il va en fait beaucoup plus loin et remonte à la nature contradictoire (Juif et démocratique) de l'Etat israélien où, comme on le sait, l'armée joue un rôle politique sans précédent, où "les officiers supérieurs font des déclarations politiques, menacent le gouvernement et s'adressent directement au peuple".

A l'heure où la Knesset vient de voter une loi définissant Israël comme "foyer national juif", officialisant (sans le reconnaître bien entendu) une politique d'apartheid, il est essentiel de lire cet ouvrage écrit en 2003 et constituant à la fois un réquisitoire contre les politiques appliquées à la population palestinienne et un plaidoyer pour une société israélienne plus humaine. Un livre coup de poing.  J. N

"La dégénérescence d'Israël, ce n'est pas seulement sa militarisation extrême et le messianisme nationaliste qui dominent le discours politique actuel. C'est aussi (...) un pourrissement de tout ce qui distingue une société civilisée d'un gang de voyous. (...) Le problème d'Israël n'est pas tant le poids des partis religieux et de leur idéologie dans l'appareil d'Etat, que l'absence de mouvement véritablement laïc et démocratique. (...)

 

Michel Warschawski, A tombeau ouvert. La crise de la société israélienne, Paris, La Fabrique, 2003, 125 p.

25/08/2018

La guerre de 1948

31C9K3RDDHL._AC_US218_.jpgOn aurait pu penser à la confrontation de deux points de vue opposés mais il ne s'agit pas de cela. Historien, professeur d'Université, faisant partie des "nouveaux historiens" israéliens mais également marxiste et anti-sioniste, Ilan Pappé propose - nouvelles archives accessibles à l'appui - une nouvelle histoire de la création de l'Etat d'Israël en mai 1948 et de la première guerre israélo-arabe qui s'en est suivie, une histoire plus axée sur les développements politiques que vers les aspects militaires. La raison est que "le destin de cette guerre s'est joué entre les politiciens des deux bords, avant même que le premier coup de feu ait été tiré. La seconde est que l'échec des parties à conclure une paix globale, après la guerre, est la principale raison du conflit israélo-arabe actuel" (p. 8).

515rpBbV2sL._AC_US218_.jpgHistorien palestinien qui a enseigné à Oxford, Harvard et à l’Université américaine de Beyrouth, secrétaire général de l'Institut des études palestiniennes depuis sa fondation en 1963, Walid Khalidi retrace pour sa part l'histoire de la guerre qui a suivi la proclamation de l'Etat hébreux le 15 mai 1948. La nouveauté ici est qu'il bat en brèche deux récits mythiques liés à cette guerre et défendus par chacun des deux bords. Selon l'historiographie officielle israélienne, Israël affrontait les armées de cinq Etats arabes (Egypte, Transjordanie, Irak, Syrie, Liban), supérieures en effectifs et en armement sophistiqué. Pour les historiens arabes, les armées arabes l'auraient emporté s'il n'y avait pas eu un premier cessez-le-feu imposé par les grandes puissances, permettant à Israël de se réorganiser puis de l'emporter.

Voici donc deux ouvrages précieux qui se complètent, la description minutieuse de la guerre (Khalidi) s'accouplant parfaitement à une histoire politique et diplomatique détaillée (Khalidi). Deux ouvrages indispensables pour qui veut dépasser les fantasmes irrationnels (arabes comme israéliens) et comprendre comment l'Etat hébreux a pu être constitué au milieu de régimes arabes cyniques, incompétents (et ne s'intéressant à la question palestinienne que dans le sens d'un renforcement de leur puissance), comment ce dernier l'a emporté en 1948-1949, et pourquoi le conflit israélo-palestinien n'est toujours pas résolu 70 ans plus tard.  J. N

 Ilan Pappé, La guerre de 1948 en Palestine. Aux origines du conflit israélo-arabe, Paris, La Fabrique, 2000 (1992), 388 p. Traduit de l'anglais par Michel Luxembourg.

Walid Khalidi, 1948. La première guerre israélo-arabe, Beyrouth, Etudes palestiniennes, Paris, Actes Sud, 2013 (1998), 163 p. Traduit de l'arabe par Farouk Mardam-Bey.

22/10/2006

Women in struggle

medium_poster3.jpgCe documentaire palestinien a été diffusé ce vendredi 20 octobre, à la librairie Ishtar (10 rue du Cardinal Lemoine), à Paris. Le film est centré sur quatre femmes palestiniennes qui furent emprisonnées dans des geôles israëliennes, et sur leur témoignage concernant leurs conditions de détention. Dur... Mais le pire n'est pas la prison, affirment-elles, mais ce qui vient après : la difficulté de se ré-insérer dans la société, de reprendre une vie normale, la lente et dure reconstitution psychologique. Dix ans de prison, c'est long. Dix ans de "pauvreté" et de dénuement infimes, affirme une de ces ex-détenues politiques. Mais aussi, 10 ans jalonnés de torture régulière de la part de leurs tortionnaires. Si le spectateur est marqué par le témoignage concernant  les actes de tortures, que ressentaient donc ces femmes en racontant l'épouvantable expérience qu'elles endurèrent ?

Women in struggle a été projetté lors de nombreux festivals internationaux (Egypte, Qatar, Slovénie, Australie, Norvège, Canada, Belgique, Angleterre, Ecosse...). On notera donc son absence en France, sur grand écran, comme à la télé. La réalisatrice, Buthina Kanaan Khoury, qui était présente à la librairie Ishtar (pour un débat), expliquait que la raison d'une telle absence s'expliquait probablement par une forte pression exercée par le lobby juif sur les instances audiovisuelles et médiatiques. En effet, le film a un parti pris très clair (cela pourrait-il être autrement ?) et ne met pas sur un même pied d'égalité protagonistes palestiniens et israëliens. En gros, il ne serait pas objectif et cela déplaît... J. N

Women in struggle (Buthina Kanaan Khoury, 2005, Palestine, 56 mins).

Site officiel du film : http://www.womeninstruggle.com/