31/08/2025
Combattre le fascisme
C'est toujours un plaisir de lire et relire Antonio Gramsci (1891-1937), figure brillante et incontournable de la pensée de gauche, la vraie. Le fondateur du Parti communiste italien était tellement brillant que lors de son incarcération dans une Italie fasciste, Mussolini avait dit qu'il fallait faire en sorte que ce cerveau ne fonctionne pas pendant vingt ans. Tout ce qui est édité sur Gramsci - ici, quelques réflexions sur l'Italie politique et le fascisme tandis que l'ouvrage introductif de George Hoare et Nathan Sperber est indispensable - doit être lu afin de comprendre le passé mais aussi le monde actuel. A ce propos, dans cette postface édifiante, Manuel Esposito affirme :
"Les textes de Gramsci recueillis dans le présent volume doivent circuler le plus largement possible, alors que l'Europe est en plein bafouillement, alors qu'elle se répète un peu plus violemment chaque année, alors qu'elle est prisonnière de son propre passé qui ne cesse de revenir et de se répéter [...]. Regarder bien en face le présent - c'est cela qui compte pour Gramsci dans chacun de ses textes. C'est pour cela qu'il faut les lire aujourd'hui : pour voir comment avoir le courage de regarder le présent bien en face, ne pas avoir peur, ne pas se laisser impressionner, l'analyser inlassablement, avec comme seul instrument la raison."
La raison est bien ce qui manque aux humains. Il est primordial de s'en délester autant soit peu et d'analyser événements et phénomènes avec raison, justesse et justice. Je ne cesse de le répéter autout de moi, en tant qu'historien de formation. Cesser de réflechir en fonction d'une quelconque "appartenance" communautaire, identitaire, ethnoculturelle ou autre. Dépasser le classique clivage 'droite-gauche' est également une nécessité absolue. Analyser avec du recul. Lutter pour la vérité et la justice. Dur combat mais qui se poursuit.
JM Naoufal
"Le fascisme est le nom de la profonde décomposition de la société italienne, qui ne pouvait pas ne être redoublée par la profonde décomposition de l'Etat et qui ne peut être expliquée aujourd'hui qu'en le rapportant au bas niveau de civilisation que la nation italienne a pu atteindre au cours de soixante années d'administration italienne."
Antonio Gramsci, Combattre le fascisme, Editions La Variation, Collection (dis)continuités, 2025, 126 p.
13:58 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : antonio gramsci, gramsci, italie, fascisme, pensée de gauche, marxisme
23/05/2018
Introduction à Antonio Gramsci
"Nous devons empêcher ce cerveau de fonctionner pendant vingt ans"
Michele Isgro, procureur fasciste, lors de la condamnation de Gramsci, le 4 juin 1928.
Fondateur en 1921 du Parti communiste italien, Antonio Gramsci (1891-1937) n'a pas produit de théorie propre mais ses réflexions (écrites en code durant ses années passées en prison) ont été des sources d'influence (encore d'actualité) pour la théorie politique et économique, pour la philosophique et inspirèrent de même l'approche néo-marxiste des relations internationales.
On lui doit notamment le concept d'"hégémonie culturelle". Gramsci s'était posé une question essentielle : pourquoi n'y-a-t-il pas de révolution communiste en Europe occidentale (comme en Russie) ? Ce fait signifie qu'il y a un défaut dans l'analyse marxiste et pour répondre à cela, Gramsci utilise le concept d'"hégémonie culturelle". Sa conception de la puissance est inspirée de celle de Machiavel : un mélange de coercition et de consentement. Pour comprendre comment l'ordre traditionnel (capitaliste) s'est maintenu, les penseurs marxistes se sont exclusivement concentrés sur les capacités et pratiques coercitives de l'Etat (décrit par Engels comme une machine d'oppression d'une classe par une autre). Ce serait donc la peur de la coercition qui a maintenu les classes exploitées dans une situation d'oppression et qui les a empêchés de se révolter.
Selon Gramsci, la coercition a certes joué un rôle mais le consentement également. Celui-ci est créé et recréé par l'hégémonie de la couche sociale dominante. C'est cette hégémonie qui permet aux valeurs des classes dominantes de se répandre et se greffer au sein des couches sociales dominées. Cela se fait à travers les institutions de la société civile (médias, Eglise...etc.).
Gramsci utilisa le terme "bloc historique" pour décrire les relations réciproques et se renforçant mutuellement, entre la sphère socio-économique (base) et les pratiques politique et culturelle (superstructure) qui forment ensemble un ordre. C'est l'interaction entre les relations économiques et la politique et les idées qui est importante.
En prison - où il décèdera - Gramsci avait écrit en code. Ses écrits sont donc fragmentaires et sujets à différentes interprétations. C'est ainsi qu'il est bien de le lire directement (lire par exemple "Guerre de mouvement et guerre de position - Textes choisis et présentés par Ramzig Keucheyan - La Fabrique, 2011) mais de lire également cet ouvrage où les deux auteurs nous expliquent en 5 chapitres (de manière très claire et accessible) les concepts-clé que cet auteur culte a développés. Un ouvrage précieux. J. N
George Hoare, Nathan Sperber, Introduction à Antonio Gramsci, Paris, La Découverte, Repères, 2013, 125 p.
10:20 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : antonio gramsci, introduction à antonio gramsci, george hoare, nathan sperber, hégémonie culturelle, philosophie, relations internationales, sociologie