08/11/2020
Barbaren
Diffusée sur Netflix le 23 octobre dernier, Barbaren ("Barbares") recouvre en une première saison de 6 épisodes la Bataille de la forêt de Teutobourg (ou Bataille de Teutobourg) en l'an 9 de notre ère (1). Mettant aux prises six légions romaines et leurs auxilliaires) et une alliance de tribus germaniques, cet affrontement déboucha sur la victoire innatendue des Germains.
L'histoire tourne autour d'Arminius. Chérusque d'origine, il fut donné tout jeune à Rome comme otage, afin de préserver la paix entre Rome et sa tribu. Mais alors que les taxes imposées par l'Empire aux "barbares" sont de plus en plus astronomiques, la rebellion gronde et Arminius, officier de rang élevé dans l'armée romaine, est envoyé sur place afin de régler le conflit, par la force s'il le faut. Il n'a pas oublié ni ses origines ni ses proches et surtout, son dégoût des exactions romaines à l'encontre des peuples germains lui fait prendre conscience qu'il n'est peut-être pas dans le bon camp.
Apprécier ou pas cette série dépend en fait du fait qu'on ait vu d'autres séries du genre. Si ce n'est pas le cas, elle sera appréciée, en raison de quelques critères simples : un scénario plutôt complexe et bien rythmé, une direction d'acteurs solide, et une reconstitution historique pertinente. A cela, il faut ajouter des sous-thèmes qui rendent le récit réaliste : personnages ambivalents à moralité floue, trahison, culpabilité, lacheté, bravoure, complexité des relations humaines, et un peu d'amour évidemment... Par contre, les dévoreurs de films/séries (nous en faisons partie) n'y verront peut-être qu'une énième production péplum, qu'il s'agisse des relations entre l'Empire romain et les populations périphériques (Centurion, 2010 ; The Eagle, 2011, la série Britannia (2016 - )...etc) ou d'autres chocs civilisationnels (Game of Thrones, Vikings). La série souffre d'ailleurs d'une comparaison entre ces deux dernières séries citées et à ce niveau-là, difficile en effet d'affirmer qu'elle fait le poids en matière de comparaison. Si la noirceur du récit et la dimension démonstrative des scènes de violence n'ont pas grand chose à envier, la densité narrative des moments de rupture (la saison 1 ne comporte que 6 épisodes) et le charisme des personnages constituent un gros bémol. Et par conséquent, la série peut être perçue comme à la fois un condensé et une pâle copie des deux autres.
Conscient qu'il ne peut égaler le niveau des chaînes phares produisant des séries (HBO, AMC et consorts) et visant l'hégémonie en terme de productions de série (du moins au niveau des sites de streaming), Netflix poursuit son exercice attitré du binge-watching, en proposant des récits combinant des éléments réalistes et les recettes typiques des séries streaming, qui attireront le grand public. En gros, c'est divertissant, instructif ici (l'histoire s'est rééllement passée) et ça se regarde vite. En ce qui nous concerne strictement (notre formation d'historien et notre métier d'enseignant en Histoire conjugués à notre grande appréciation des productions audiovisuelles pèsent dans la balance), nous relevons trois éléments qui rendent la série intéressante :
- Le fait que les dialogues soient en Latin (les Romains) et en Allemand (les peuples germaniques), soit une dimension authentique et éviter au passage la langue anglaise (ou américaine) dont le coté grandiloquent (nécessaire dans les péplums..) aurait été immonde ici.
- Souligner la complexité des relations entre l'Empire et les Barbares, pas souvent mise en avant même si elle était déjà évoquée en 98 après J. C par l'historien romain Tacite (De Origine et Situ Germanorum).
- Aborder une bataille méconnue du grand public mais considérée comme "la plus grande défaite de Rome" (2) et surtout comme "un point tournant dans l'histoire mondiale" (3). En effet, la victoire germanique à Teutobourg mettra un coup d'arrêt durable à l'expansion romaine en Germanie et déterminera la trajectoire historique, politique et économique de l'espace germain qui demeurera en dehors de la tutelle romaine.
J N
BARBAREN
(saison 1, 6 épisodes diffusés le 23 octobre 2020)
Production : Netflix
Créateurs : Andreas Heckmann, Arne Nolting, Jan Martin Scharf
(1) Elle s'est déroulée dans le comté d'Osnabrück (Basse-Saxe) dans l'Allemagne actuelle.
(2) Adrian Murdoch, Rome's Greatest Defeat: Massacre in the Teutobourg Forest (2012).
(3) Peter S. Wells, The Battle that stopped Rome: Emperor Augustus, Arminius, and the Slaughter of the legions in the Teutobourg Forest (2004).
13:39 Publié dans Series | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : empire romain, netflix, varus, germains, barbares, germanie, bataille de teutobourg, romains, barbarians, barbaren, vikings, latin
22/06/2017
L'Empire romain
A l'instar de Jacqueline de Romilly pour la civilisation grecque, Pierre Grimal (1912-1996) est un spécialiste éminent de la civilisation romaine. Dans cet ouvrage percutant, il propose une reflexion sur l'idée d'Empire, en analysant en premier lieu les sources du pouvoir (introduction) puis en abordant la transition République-Empire et l'avènement de l'Empire (chapitre 1 et 2). C'est ainsi que la structure du livre est thématique (sept chapitres au total dont le dernier traite logiquement de la Fin de l'Empire) et sa lecture nécessite par conséquent une grande concentration. Lire une grande quantité de pages en une seule traite est à conseiller (dans le cas contraire, perdre le fil des idées est une possibilité). D'une longueur de "seulement" 200 pages, cette réflexion n'en est pas moins incisive et permet d'acquérir une connaissance globale de ce que fut l'Empire romain. Indispensable aux amateurs d'antiquité romaine. J. N
Pierre Grimal, L'Empire romain, Paris, Le Livre de Poche, 2010, 221 p.
Paru pour la première fois en 1993.
10:40 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : l'empire romain, pierre grimal, empire romain
26/06/2011
The Eagle
A quelques mois d'intervalles, deux longs-métrages made in Hollywood et traitant du même sujet (L'Empire Romain), sont sortis. Mais là où le bât blesse c'est qu'il traitent presque du même thème, soit la fameuse 9ème Légion de l'Empire et ses actions héroïques en Ecosse, là où les peuples indigènes n'ont pu être soumis à l'autorité romaine et où l'Empereur Hadrien a fait construire la fameuse muraille qui porte son nom, visant à stopper les invasions "barbares". Dans Centurion (Neil Marshall, 2010), nous sommes en 117 après Jésus Christ et quelques soldats rescapés de la 9ème, sont pris en chasse par les Pictes dans la forêt. Ici, nous sommes en 140 ap. J.C. Rescapé de la 9ème (toujours), le centurion Marcus Aquila, aidé par son esclave Esca, décide de partir en Ecosse sur les traces de son père et de découvrir ce qui est vraiment advenu de l'ex-légion, et surtout retrouver le fameux aigle, étendard-symbole ô combien important... Moins spectaculaire que Centurion (scènes de combat sobres, absence de figure féminine marquante), The Eagle est également moins efficace. Le résultats est toutefois le même, soit l'apologie de la grandeur d'un empire et rien d'autre. Le sujet commence sérieusement à s'essouffler et nous sommes toujours très loin du brillant Rome de HBO (mais ça, nous le savions) qui s'est évertué à traiter de la complexité des événements politiques qui jallonèrent aussi bien la République romaine que l'Empire romain qui lui fit suite.
The Eagle (Kevin MacDonald, USA, 2011, 110 mins). Avec Channing Tatum, Jamie Bell, Donald Sutherland, Mark Strong, Tahar Rahim, Denis O'Hare.
14:34 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : kevin macdonald, channing tatum, jamie bell, donald sutherland, the eagle, empire romain, mur d'hadrien, mark strong, tahar rahim, denis o'hare, centurion