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05/05/2018
De la résistance à la guerre civile en Grèce
Diplômée de Sciences Po, agrégée, et spécialiste de la Résistance grecque (Seconde guerre mondiale), Joëlle Fontaine, fait bien de retracer les jalonnements politiques survenues en Grèce durant la période 1941-1946, période méconnue du grand public. Elle y explique comment la Résistance grecque (1), l'une des plus actives et efficaces de l'Europe occupée par les nazis, fut systématiquement court-circuitée par les Anglais (on ne percevra plus jamais Winston Churchill de la même manière) en pleine résistance à l'occupant allemand, avant d'être définitivement massacrée vers la fin de la guerre par ces mêmes Anglais travaillant main dans la main avec les collaborateurs.
Cette période, racontée de manière on ne peut plus claire et s'appuyant sur une documentation très solide, est le prélude de la guerre civile qui dura du 12 février 1946 au 16 octobre 1949 et qui opposa le Parti communiste de Grèce (appuyé par l'URSS et la Yougoslavie) au Royaume de Grèce (2), soutenu fort logiquement par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, désireux coûte que coûte d'éradiquer la "menace communiste" dans un contexte de début de Guerre froide et du bipolarité du monde (3).
Comprendre l'état politique et économique de la Grèce d'aujourd'hui mais également la période de la dictature des colonels (1967-1974) passe nécessairement par appréhender cette période critique qui annonce que la Grèce sera maintenue "dans le statut de pays dominé qui est le sien depuis sa création, avec la complicité de ses gouvernements successifs" (p. 360). Un ouvrage précieux.
Extraits
"On ne peut comprendre ce qu'est la Grèce actuelle en ignorant toutes ces années de guerre et de dictature qui ont laissé des traces profondes. Elles expliquent en partie le maintien jusqu'à aujourd'hui d'une armée surdimensionnée par rapport à ce petit pays. Elles ont retardé la modernisation des structures économiques et sociales qui s'est faite dans la plupart des pays européens après la guerre. Elles ont au contraire permis le maintien en place d'élites parasites, complices de la domination des grandes puissances, entretenant la corruption et le clientélisme à l'origine du gonflement de la fonction publique. [...]
La tutelle financière et politique actuellement imposée à la Grèce par l'Union européenne et le Fonds monétaire international, le scandale déclenché en novembre 2011 par la timide tentative du premier ministre grec pour consulter le peuple et "l'invitation" humiliante à y renoncer qui s'en est suivie - tout cela rappelle que la Grèce ne dispose que d'une souveraineté très limitée, comme elle en a fait maintes fois la douloureuse expérience au cours de son histoire."
J. N
Joëlle Fontaine, De la résistance à la guerre civile en Grèce. 1941-1946, Paris, La Fabrique, 2012, 373 p.
(1) Le Front de libération nationale (ELAM) et sa branche armée, l'Armée populaire de libération nationale grecque (ELAS) constituaient le principal mouvement de résistance à l'occupation nazie. Ils étaient contrôlés par le Parti communiste de Grèce (KKE).
(2) La Grèce fut politiquement un Royaume durant trois périodes : 1832-1924, 1935-1941 et 1944-1973. Le retour en Grèce du roi Georges II en septembre 1946 est assuré par les Anglais.
(3) C'est le 5 mars 1946 que Winston Churchill popularise l'expression "rideau de fer", désignant une Europe divisée en deux blocs politiques et idéologiques antagonistes.
12:58 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : de la résistance à la guerre civile en grèce. 1941-1946, joëlle fontaine, grèce, communisme, seconde guerre mondiale, guerre civile grecque, goerges ii, winston churchill