18/11/2018
Au cœur du troisième Reich
Figure complexe et controversée de l'Allemagne nazie, Albert Speer (1905-1981) était l'architecte en chef du Parti nazi (NSDAP, il y adhère en 1931) puis du IIIème Reich (1934). A partir de sa prise de fonctions ministérielles, il intégrait le cercle très restreint des proches d'Adolf Hitler. En temps que ministre des armements et la production de guerre (1942-1945), Speer parvint à accroître la production allemande malgré les bombardements alliés. Cette fonction le rendait ainsi responsable des travaux forcés imposés à des centaines de milliers de Juifs et autres nationalités dans les usines ou camps de concentration allemands.
C'est ainsi que lors du fameux procès de Nuremberg (20 novembre 1945 - 1er octobre 1946), jugeant les dignitaires allemands à la fin de la Seconde guerre mondiale (1939-1945), il fut inculpé de deux chefs d'inculpation (crimes de guerres, crimes contre l'humanité) sur quatre. Il échappa de peu à la pendaison car son sort nécessita deux jours de négociation et un marchandage féroce entre les huit juges (3 désirant la peine de mort) pour qu'un compromis fut trouvé. Pour avoir désobéi vers la fin du conflit aux ordres de Hitler de démolir toutes les installations industrielles en Allemagne et dans les territoires occupés, Speer n'écopa finalement que de 20 ans de prison. C'est quelques années après sa libération qu'il publia cette autobiographie, considérée comme le témoignage le plus clairvoyant et précieux de l'univers hitlérien et de la Seconde guerre mondiale vue d'Allemagne. J. N
Quatrième de couverture
"Maintenant, écrivit Hugh Trevor-Roper en 1948, après qu'Albert Speer eut été condamné à vingt ans de réclusion, il va peut-être avoir le loisir de rédiger son autobiographie, et il se pourrait bien que ce soient là les seuls mémoires légués par le IIIe Reich qui méritent d'être lus." Ce livre, Albert Speer nous le propose aujourd'hui. C'est le récit d'un homme dont le destin fut, douze années durant, lié à celui de Hitler. Occupant des situations très différentes mais toujours exceptionnelles, il fut tour à tour l'architecte de la métropole germanique, l'ami fidèle des réunions nocturnes à la Chancellerie du Reich et au Berghof, le technocrate et l'organisateur qui obtint, dans la production d'armements, des résultats qui étonnèrent le monde, l'opposant enfin, aussi efficace qu'inattendu, à qui l'Europe doit, pour sa large part, sa survie économique.
De la naissance à la chute du IIIe Reich, Albert Speer occupa un poste d'observation idéal. Appartenant au cercle des intimes de Hitler sans pourtant s'y intégrer, il fut puissant sans rechercher la pouvoir. Restant en marge, il conserva, seul dans l'entourage immédiat du "Führer", un regard droit et lucide. Même ses détracteurs les plus résolus ont reconnu qu'il avait préservé son intégrité morale tout au long de sa carrière au service d'un système amoral. Après avoir entendu ses déclarations à Nuremberg, Göring affirma que Speer n'avait jamais réellement été des leurs et conclut : "Nous n'aurions jamais du lui faire confiance!"
Les souvenirs que nous ont laissés jusqu'ici les principaux protagonistes de cette époque ont ceci de paradoxal que, parmi ces derniers, ceux qui furent les témoins directs de l'aventure hitlérienne ne se montrent ni intellectuellement ni moralement qualifiés pour porter témoignage, tandis que ceux qui étaient doués de clairvoyance et de lucidité ne purent jamais, approcher Hitler d'assez près pour nous livrer un témoignage instructif. Albert Speer est l'exception. Il possède à la fois le discernement et la connaissance intime des faits. "Je n'ai pas seulement voulu raconter, mais aussi comprendre", affirme-t-il dans le dernier chapitre de ses mémoires, tirant ainsi le bilan de sa vie et de ses souvenirs.
Eugène Davidson, président de la Yale University Press, auteur d'un livre sur les procès des criminels de guerre, écrivit, après avoir lu le manuscrit des mémoires de Speer, que ceux-ci ne constituaient pas une tentative de justification ni une plaidoirie, mais "un témoignage historique incomparable, un document absolument irremplaçable".
Albert Speer, Au coeur du troisième Reich, Paris, Fayard, 1971 (1969), 816 p.
16:27 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : au coeur du troisième reich, hitler, speer, albert speer, seconde guerre mondiale, procès de nuremberg, parti nazi, nsdap, iiième reich
10/01/2018
Tout sur Mein Kampf
Lorsque la "bible des nazis", ouvrage écrit par Adolf Hitler, le plus grand criminel de tous les temps, tombait le 1er janvier 2016 dans le domaine public, une polémique éclatait en France en ce qui concerne l'impact de cette décision. Entre les "pour" et "contre" une diffusion gratuite et donc largement accessible, Claude Quétel (historien, directeur de recherche au CNRS et ancien directeur scientifique du Mémorial de Caen) a préféré dépasser ce débat (qui à notre sens n'a pas lieu d'être) et proposer une réflexion en 10 questions (voir ci-dessous) sur la genèse et l'influence du discours haineux d'Hitler, permettant au lecteur de saisir ce qu'il représente essentiellement. Bien lui en a pris. Dans un style limpide (comme l'affirme d'ailleurs la quatrième de couverture) qui n'enlève rien au côté rigoureux et académique, il permet aussi bien aux spécialistes qu'aux néophytes de bien comprendre toutes les dimensions d'un livre bien trop fantasmé et souvent pris pour ce qu'il n'est pas. A lire absolument pour ceux qui veulent comprendre à la fois le contexte sociopolitique de l'époque, le parcours ante-IIIème Reich de Hitler et ce que "vaut" véritablement ce livre abject. J. N
Claude Quétel, Tout sur Mein Kampf, Paris, Perrin, 2017, 278 p.
1. Qui était Hitler avant Mein Kampf ?
2. Comment Mein Kampf est-il né ?
3. Que dit Mein Kampf ?
4. Mein Kampf annonce-t-il les crimes à venir du IIIe Reich ?
5. Mein Kampf est-il le seul livre de Hitler ?
6. Quelle a été la diffusion de Mein Kampf en Allemagne ?
7. La France a-t-elle ignoré Mein Kampf ?
8. Quels autres pays ont publié Mein Kampf ?
9. Mein Kampf a-t-il été évoqué au cours du procès de Nuremberg ?
10. Qu'est devenu Mein Kampf jusqu'à nos jours ?
10:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : claude quétel, adolf hitler, tout sur mein kampf, hitler, nazisme
26/02/2016
Apocalypse, Hitler
Dans l'excellente série Apocalypse dont la première production concernait la Seconde guerre mondiale (1), le troisième volet fut dédié au tristement célèbre Adolf Hitler. Ce volet est lui-même divisé en deux segments, le premier ("la menace") relate la jeunesse de cet artiste raté qui fut caporal-estafette durant la Première guerre mondiale. Marqué par la défaite et l'humiliation allemande (le fameux diktat imposé à Versailles en 1919), le futur Führer, nourri par un nationalisme exacerbé et un antisémitisme maladif, devient durant les débuts de l'éphémère République de Weimar (2) "agitateur politique à temps plein", avant de rejoindre les rangs d'un groupuscule d'extrême-droite, le DAP (3).
Le putsh raté de la brasserie (4) lui vaudra quatre ans de prison mais il purgera moins du quart de la sentence. C'est durant ce séjour à la prison de Landsberg qu'il rédigera ce qui deviendra par la suite la bible des nazis, Mein Kampf (5), pamphlet antisémiste et xénophobe qui constituera la pierre angulaire de la politique qu'il élaborera dans son IIIème Reich (1933-1945).
Le second segment relate ce que le dramaturge allemand Bertold Brecht (1898-1956) appela "la résistible ascension d'Adolf Hitler". Dans une Allemagne saignée par la crise économique de 1929 et minée par l'instabilité politique, Hitler profitera de l'impossible coopération entre les deux partis politiques traditionnels, le DSP (socialiste) et le KPD (communiste) pour accentuer le chaos et gravir les marches du pouvoir. Aux élections législatives de novembre 1932, le parti nazi est en tête (33.1%) mais socialistes (20.4%) et communistes (16.9%) constituent encore une force non négligeable. En vain, l'incendie du Reichstag (février 1933) leur sera imputé et leur score sera annulé avant qu'ils ne soient envoyés au premier camp de concentration, Dachau, fondé en mars 1933.
Archives inédites, narration puissante, et montage impeccable font de ce documentaire court (cerner le plus grand tyran de tous les temps en moins de deux heures est un exercice délicat) une source vidéo inestimable. Le souci permanent d'objectivité permet de même au spectateur de comprendre avec acuité cette Allemagne foudroyée par Versailles et marchant vers l'Apocalypse. J N
Apocalypse, Hitler (2 épisodes de 55 minutes chacun)
Réalisation : Isabelle Clarke, Danielle Costelle.
Narration : Mathieu Kassowitz.
(1) Apocalypse, la Seconde guerre mondiale (6 épisodes, 2009, France 2) fut le premier volet de cette longue série. Il sera suivi d'Apocalypse, Hitler (2011, France 2), d'Apocalypse, la Première guerre mondiale (5 ep, 2014, co-production), puis d'Apocalypse, Staline (2015, 3 ep, France 2) et d'Apocalypse, Verdun (2016, 90 min, France 2).
(2) Nom donné au régime politique qui dura en Allemagne de 1918 à 1933.
(3) Fondé en janvier 1919 par Anton Drexler et Michael Lotter, le DAP (Parti ouvrier allemand) est l'ancêtre du NSDAP, le parti nazi.
(4) C'est à la brasserie Bürgerbräukeller, située à Munich et où se déroulaient les meetings du NSDAP, que débuta le putsch du 8 novembre 1923.
(5) Intitulé à la base "Quatre ans et demi de lutte contre les mensonges, la stupidité, et la couardise", Mein Kampf sera rédigé avec l'aide de Rudolf Hess, également protagoniste du putsch et futur bras droit d'Hitler.
23:50 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hitler, seconde guerre mondiale, iiième reich, allemagne nazie, nazisme, apocalypse hitler, apocalypse
19/11/2010
Stauffenberg
Mais qui était donc Claus Schenk von Stauffenberg, celui qui amorça le fameux attentat raté contre Adolf Hitler le 20 juillet 1944 ? Pourquoi le personnage est-il si peu connu en France ? Spécialiste en histoire contemporaine, Jean-Louis Thiérot affirme qu'il n'avait pas "le charme angélique de Sophie Scholl" (1), qu'il n'était pas "un prolétaire comme Georg Elser" (2) ou qu'il n'avait rien à voir non plus "avec les forces de progrès de l'Orchestre rouge" (3). Antibolchévique, antidémocratique, aristocrate, conservateur, admirateur de la Prusse, fervent catholique, voilà autant d'épithètes qui rendent le personnage peu sympathique et qui expliquent mal la conjuration qu'il mit en place contre le système national-socialiste. Pourtant, il est le seul qui fut à deux doigts de supprimer Adolf Hitler.
Dans cet ouvrage critique, l'auteur revient sur le parcours exemplaire d'une figure centrale de la résistance allemande au nazisme. Cette biographie pertinente et objective, basée sur une bibliographie solide, nous permet de cerner le personnage Stauffenberg et surtout de comprendre la volte-face d'un "soldat" que rien, a priori, ne devait pousser à se rebeller contre le système. Le livre a obtenu le prix Christophe Robert de l'Association des écrivains combattants.
Jean-Louis Thiérot, Stauffenberg, Perrin, 2009, 310 pages.
Stauffenberg au cinéma :
- C'est arrivé le 20 juillet (Georg Wilhelm Pabst, 1955).
- La nuit des généraux (Anatoli Litvak, 1967).
- Opération Walkyrie (Joe Baier, 2004).
- Walkyrie (Bryan Singer, 2008).
(1) Membre du cercle résistant de la Rose Blanche, Sophie Scholl et son frère Hans, furent exécutés en 1943 pour avoir distribué des tracts subversifs à l'université de Munich. Ils avaient respectivement 21 et 23 ans.
(2) Ce petit horloger de Stuttgart avait fait exploser en 1939 une bombe dans une brasserie de Munich. Malheureusement, Hitler avait quitté la place 12 minutes plus tôt.
(3) Dirigé par Leopold Trepper et chapeauté par l'URSS, ce groupe de résistance communiste fut décimé par la répression policière allemande à la fin de 1943.
11:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : stauffenberg, attentat du 20 juillet 1944, seconde guerre mondiale, jean-louis thiérot, hitler
07/06/2009
Speer & Hitler
Ce documentaire consacré au personnage d'Albert Speer est très pertinent, notamment de par sa structure : mi-docu, avec des images d'époque, mi-fiction avec l'excellent acteur allemand Sebastian Koch dans le rôle de Speer (Koch joue souvent le rôle de dirigeants nazis, comme dans "Opération Valkyrie" ou "Black Book"). Le film est également parsemé en permanence d'interviews de proches de Speer, d'historiens allemands et de son biographe officiel, Joachim Fest (1). Tout cela apporte très certainement de l'authenticité à ce "film-documentaire", ce que n'aurait probablement pas réalisé par exemple une fiction librement adaptée sur le très controversé Speer. Coupable ? Repenti ? opportuniste ? manipulateur ? méritait-il ses 20 ans de prison ou devait-il être pendu comme la majorité des autres chefs nazis ? Il n'y a pas de vérité définitive et ce documentaire est une excellente piste de reflexion sur un Albert Speer qui plus de 25 ans après sa mort demeure un sujet à débattre. J N
Speer & Hitler (Heinrich Breloer, Allemagne, 2005, 270 mins). Avec Sebastian Koch, Tobias Moretti, Dagmar Manzel, Andre Hennicke, Axel Milberg.
- Meilleur acteur (Sebastian Koch) - Bavarian TV Awards 2005.
- Meilleur acteur dans une série télévisée (Sebastian Koch) - German Television Awards 2005.
- Best Biography & History program - Banff Television Festival 2006.
(1) Journaliste et historien allemand, Joachim Fest (1926-2006) est un spécialiste mondialement reconnu du IIIème Reich. En 1973, sa biographie consacrée à Adolf Hitler, Le Fuhrer, est traduite en 20 langues. En 2002, il décrit dans Les derniers jours de Hitler les derniers mois de la guerre (la seconde guerre mondiale), la chute de Berlin et le suicide de Hitler dans son Bunker. Ce livre inspirera le long-métrage allemand Der untergang ("La chute"), réalisé par Oliver Hirschbiegel.
21:23 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : albert speer, hitler, seconde guerre mondiale, iiième reich