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28/03/2025

La désobéissance civile

81JSUvP3a9L._SY425_.jpgPhilosophe, poète et naturaliste américain, Henry David Thoreau (1817-1862) était connu, entre autres, pour avoir été un des fondateurs du mouvement transcendentaliste. Connu pour ses réflexions sur la nature et l’économie, auteur protéiforme aux inspirations très variées (mythologie grecque, stoïcisme, bouddhisme, cynisme, humanisme et bien d’autres), sa réflexion sur le matérialisme et sa critique de la société industrielle naissante en font une sorte d’anticapitaliste avant l’heure.

Pamphlet anti-esclavagiste, ce fondement de la notion de désobéissance civile, avant-gardiste et inspirant au XXe siècle Martin Luther King et Gandhi dans les combats, se situe dans la lignée de certains auteurs des Lumières. Au-delà d’un appel à refuser l’oppression des systèmes politiques modernes, il constitue une supplique pour une élévation éthique des humains, in fine un authentique traité d’éthique, qui n’aurait pas déplu à un certain Sénèque ou plus récemment, Emmanuel Kant. A l’heure d’une planète « humaine » franchement hystérique et un brin déboussolée, ce type de réflexion devrait servir (ou pas). JM Naoufal

500px-Benjamin_D._Maxham_-_Henry_David_Thoreau_-_Restored_-_greyscale_-_straightened.jpg[…] Je pense que nous devrions être d’abord des hommes, et ensuite des sujets. Il est moins souhaitable de cultiver le respect de la loi que le respect du bien moral. La seule obligation que j’ai le droit de suivre est celle de faire en tout temps ce que je pense être le bien. On dit à fort juste titre qu’une corporation ne possède pas de conscience – mais une corporation d’hommes de conscience est une corporation qui dispose d’une conscience. La loi n’a jamais en rien rendu les hommes plus justes ; et, par le fait même qu’ils la respectent, même les hommes de bonne disposition se transforment chaque jour en agents de l’injustice.

[…] Nous avons coutume de dire que la masse des hommes n’est pas prête ; mais le progrès est lent, car l’élite n’est sensiblement ni plus sage ni meilleure que la foule. Ce qui importe n’est pas tant que la foule soit douée d’une aussi grande bonté que vous, mais qu’il existe, quelque part, une bonté absolue, car cette bonté absolue sera le levain qui fera gonfler toute la masse de la pâte. 

[…] L’Etat ne tente jamais de s’adresser au jugement, intellectuel ou moral, d’un homme, mais seulement à son corps, à ses sens. L’Etat n’est doué ni d’un esprit supérieur ni d’une honnêteté supérieure, mais uniquement d’une force physique supérieure. Je ne suis pas né pour que l’on exerce sur moi une quelconque forme de force. Je tiens à respirer comme bon me semble. […]

Henry David Thoreau, La désobéissance civile, TOTEM n°79, 2017, 47 p.

(essai paru pour la première fois en 1849)

28/02/2025

Le crépuscule des chimères

Barberi-Jacques-Le-Crepuscule-Des-Chimeres-Livre-2377970008_L.jpg"La nuit était un puits de cendres. Des veines de braise, néon rougeoyants, pulsaient tels de gros insectes phosphorescents sur les façades calcinées des immeubles. [...]

Le sang bouillonnait entre ses seins. Il n'arrivait pas à le contenir. Des décharges épileptiques cambraient son corps qui se vidait comme une truie fraîchement surinée. [...] Elle était immobile. Nourrisson mort-né recouvert d'un habit rouge et gluant, Christ transsexuel d'une moderne Piéta. [...]

Les grues capturaient d'énormes insectes gorgés de luciférine pour combattre l'assaut de la nuit. Des nébuleuses vivantes plongeaient dans l'eau noire pour réchauffer la coeur de la ville. [...] "

Ce qui est considéré comme le roman le plus ambitieux de Barbéri est, en effet, très imagé, sensoriel, lugubrement poétique par endroits. Il y a des livres de SF qui ne sont pas évidents à lire, celui-ci en fait partie. Non pas en raison de la narration mais en raison des nombreuses dimensions que prend cette SF à la fois dark, sexuelle, grinçante et surtout, transgressive. Entre hallucinations horrifiques et fantasmagorie, délires mystiques, thriller psychologique et même eugénisme, c'est beaucoup de thématiques qui s'emboitent, quitte à vous perdre par moments. Mais pour une raison qui m'échappe, j'ai plutôt adhéré. et c'est toujours une bonne chose de trouver la première édition (et à prix réduit) de ce livre désormais publié aux coûteuses éditions La Volte. JM Naoufal

Jacques Barbéri, Le crépuscule des chimères, Flammarion (Imagine), 2002, 296 p.

27/01/2025

La fabrique du mensonge

joseph goebbels,hitler,iiième reich,allemagne nazie,goebbels,propagande,manipulationLe premier constat en regardant ce premier film traitant de ce personnage infâme est que la tendance cinématographique est définitivement au vrai-faux biopic. Le biopic classique est révolu et on insiste désormais sur un aspect incisif du personnage. Dans The Apprentice (2024), il s'agissait, semble-t-il, de l'absence totale d'empathie chez le futur président des Etats-Unis . Chez Joseph Goebbels, il s'agit de son étonnante capacité à transformer immédiatement un obstacle en gain (n'avait-il pas affirmé à la suite de la Nuit de Cristal en 1938 - qui le fragilisait - "c'est les Juifs qui paieront"?), ou l'art de la manipulation via l'outil indémodable de la propagande. C'est ce qui lui a valu, entre autres, de rester dans le cercle intime d'Adolf Hitler (à ce propos, la série documentaire Hitler's Circle of Evil (2018) vaut le détour.

joseph goebbels,hitler,iiième reich,allemagne nazie,goebbels,propagande,manipulationLe tristement célèbre ministre de l'information et de la propagande (1897-1945) était un homme qui a été au bout de ses principes et de ses idées, puisqu'il accompagna Hitler et le parti nazi jusqu'à la mort en jusqu'auboutiste maximaliste, quitte à sacrifier ses six enfants... Cela valait-il la peine d'en faire un film? Cela se discute et notons d'ailleurs qu'il y a très peu de long-métrages fictionnels sur les principaux dirigeants du Troisième Reich hormis Hitler bien entendu (auquel il faut ajouter Reinhard Heydrich et Albert Speer). Pourquoi donc Goebbels? Sans doute parce que son zèle effréné a grandement participé de l'effroyable machine de mort nazie. R. Hilal, JM Naoufal

Führer und Verführer (Joachim Lang, All, 2024, 130 min)

 

 

26/01/2025

La planète inquiète

christian léourier,la planète inquiète,science-fiction,dystopie"L'air surchauffé racornit narines et gosiers. Des hommes, des femmes luttent. Ils marchent, mécaniques, comme ces recrues de fatigue, soldats de la défaite qu'on fait tourner dans l'enceinte barbelée d'un camp disciplinaire. Ils marchent, sans savoir où les mènera tant de souffrance reniée. Sans comprendre ce qui les pousse ni connaître le but. De loin en loin, quelqu'un tombe. La horde l'absorbe en une meurtrière phagocytose. Rien ne peut la détourner. Elle a une route à ouvrir, une voie à tracer. Bien après que sera tari le flot monotone, la plaine éventrée gardera la cicatrice de son passage".

C'est ainsi que débute Christian Léourier débute cette complainte stridente d'humains impuissants face au désespoir et l'absurdité de l'existence. L'auteur du célèbre Cycle de Lanmeur (1984-1994) et du génial Hellstrid (2019) sonde ici la psychose terrienne. Un récit très sensoriel et non moins lyrique.

Christian Léourier, La planète inquiète, Hélios, 2019, 336 p.

(Ouvrage paru pour la première fois en 1979).

 

23/12/2024

Comment le peuple juif fut inventé

Comment-le-peuple-juif-fut-invente-.jpeg"Une nation [...] est un groupe de personnes unies par une erreur commune sur leurs ancêtres et une aversion commune envers leurs voisins."  Karl W. Deutsch, Le Nationalisme et ses alternatives, 1969 (cité par l'auteur p. 19). Rappelons dans ce sens que les mouvements nationaux du XIXe siècle (notamment le Printemps des peuples en 1848), nés dans ce foisonnement d'idéologies naissantes et de toutes sortes, étaient à la base quelque chose de "positif" puisqu'il s'agissait, après tout, de libérer le peuple, la "nation" de l'asservissement des empires. "L'idée nationale est devenue, avec l'aide des historiens, une idéologie optimiste par nature. De là, notamment, vient son succès" (p. 131).

Screenshot (2490).pngCritique acerbe de la politique israélienne et plus précisément de l'historiographie de l'Etat d'Israël, sans être antisioniste pour antant (se considérant "post-sioniste"), Shlomo Sand décortique cette historiographie avec une érudition méticuleuse afin de démontrer sa nature factice et plus précisément "l'invention du peuple juif", c'est-à-dire la transformation d'un groupe religieux en groupe national et ce, afin de justifier la main-mise juive puis israélienne sur la totalité du territoire qui était palestinien à la base. Dans un style similaire, le sociologue français Etienne Copeaux avait analysé et démonté l'historiographie turque et sa fabrication de mythes - sous la houlette de Mustafa Kemal Atatürk - afin de justifier la conquête de certains espaces (l'Anatolie) et la mise en place de certaines politiques (photo ci-contre).

348980.jpgAprès un premier chapitre réflexif sur le nationalisme où Sand brasse les grandes théories (notamment Benedict Anderson, Ernest Gellner et Eric Hobsbawm), il rappelle que toutes les histoires nationales sont inventées, valide que "c'est le nationalisme qui a créé les nations" (Gellner) et affirme que "c'est l'idéologie nationale qui a en grande partie contribué à établir les limites du domaine de la religion moderne et à en élaborer le caractère" (p. 73). Si Benedict Anderson parlait de "communautés imaginées", Shlomo Sand développe, pour sa part, le concept de "mythistoire" pour caractériser l'historiographie d'Israël. C'est ainsi que dans le chapitre 2, considérant que l'histoire nationale ne supporte pas les "trous", de même qu'elle efface les "aspérités irrégulières" (p. 151), il démontre comment les penseurs sionistes du XIXe siècle ont inventé une nation juive en se fondant sur le texte biblique... "Pour éveiller un sentiment national, c'est-à-dire une identité collective moderne, il faut une mythologie et une téléologie" (p. 152).

Shlomo_Sand_12_juillet_2014.jpgSont ensuite traitées dans le chapitre 3 les questions de l'exil (prétendument déclenché par la seule destruction du Temple en l'an 70), du prosélytisme et de la conversion (forcée). La première est battue en brêche tandis que les deux secondes sont validées alors que l'historiographie officielle - afin de justifier les intentions juives sur la terre de Palestine - affirme qu'il n'y a jamais rien eu de tel. Intitulé "Lieux de silence", le chapitre 5 montre comment des communautés juives mais non-ashkénazes ont été effacées de l'histoire d'Israël car elles ne pouvaient participer au mythe et à la continuité historique. Enfin, est abordée "la distinction" et son corrolaire, la "politique identitaire en Israël", ou le fameux "nous" et "eux". Les autorités israéliennes ont méthodiquement et dès le départ construit un discours et des lois établissement la supériorité des Juifs ashkénazes à l'égard des Juifs sépharades et des Arabes.

IMG_7162.jpgL'invention de mythes par Israël n'étonne pas vraiment. Comment justifier la création illégale et illégitime de cet Etat établi par la force? Ce qui fascine et entraîne l'admiration est l'analyse ultra-pointue effectuée par Shlomo Sand, dénotant une recherche dense et rigoureuse et permettant in fine d'acquérir nombreuses connaissances sur le sujet. A l'heure où Israël poursuit son génocide à Gaza, sa politique de terreur en Cisjordanie mais également son expansionnisme ailleurs (Syrie, Liban), le livre a également le don d'énerver, pas en soi mais en raison de ce qu'il raconte, puisque dans le même temps aucune nation influente n'a explicitement condamné Israël et ce dernier continue d'agir en toute impunité tandis que l'Occident, de par son acquiescement à la guerre à Gaza, montre au grand jour son abdication morale, affirme Didier Fassin dans un ouvrage édifiant, paru il y a quelques mois et analysant cette défaite morale (photo ci-contre).  JM Naoufal

Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, Flammarion, Champs essais, 2008, 606 p.

(publication originale en hébreu)