19/11/2020
The Queen's Gambit
L'histoire, fictive (inspirée du roman éponyme de Walter Tevis, publié en 1983), suit le parcours de Beth Harmon (de 8 à 22 ans, années 1950-1960), une surdouée des échec en quête de devenir la meilleure joueuse au monde. Ce n'est ni la structure narrative (un biopic classique) ni le scénario (un génie dans ce qu'il fait mais qui en même temps a des problèmes d'addiction à l'alcool et aux tranquilisants, couplés à des troubles émotionnels, schéma ô combien de fois déja vu) qui sont les plus intéressants mais le côté fable féministe couplée à un jeu d'échecs à la fois exclusivement masculin (tous les vainqueurs du championnat du monde d'échecs sont des hommes...) et difficile à porter à l'écran en raison de son côté peu glamour. A cela, il faut ajouter un réalisme situationnel et psychologique impeccable (sans fioritures, sans fan service...), une reconstitution des sixties tout aussi parfaite, une réflexion édifiante sur l'égo de ces pratiquants d'un sport qui les consume, et la performance captivante de la principale protagoniste. Suffisant pour faire du "jeu de la dame" une des meilleures séries produite par le premier générateur de binge-watching. J N
The Queen's Gambit
(7 épisodes de 45-60 min diffusés le 23 octobre 2020)
Production : Netflix
Créateurs : Scott Frank, Allan Scott
Cast : Anya Taylor-Joy, Bill Camp, Moses Ingram, Thomas Brodie-Sangster, Harry Melling, Isla Johnston
17:35 Publié dans Series | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : netflix, échecs, chess, the queen's gambit, le jeu de la dame, anya taylor-joy, walter tevis, thomas brodie-sangster, moses ingram, bill camp, harry melling, isla johnston, scott frank, allan scott, beth harmon
15/11/2020
World's Most Wanted
Covid oblige, Netflix a balancé l'été passé quelques séries documentaires courtes, nécessitant essentiellement un travail technique (et une narration bien évidemment) autour d'images d'archives. La série explore le cas de cinq hors-la-loi notoires, ayant pour dénominateur commun le fait d'être passés entre les mailles du filet et d'être toujours en cavale (à l'exception de Félicien Kabuga, arrêté après la diffusion de cette docu-série). Les cinq truands :
- Ep. 1 : Ismael "El Mayo" Zambada Garcia. Après avoir échappé à un raid de la police mexicaine, le chef du cartel de Sinaloa se cache quelque part. L'étau s'est reserré autour de sa famille et son fils a coopéré (ce qui a mené à l'arrestation de Joaquin "El Chapo" Guzman). L'horreur engendrée par un des cartels les plus puissants du Mexique est bien connue, évoquée par la docu-série Dirty Money (l'épisode 4 de la saison 1 révèle le blanchiment de l'argent du cartel par la banque HSBC), abordée dans Narcos Mexico (2018 - ) et détaillée dans El Chapo (2017 - ).
- Ep. 2 : Félicien Kabuga. Ancien homme d'affaires rwandais, il est accusé de participation au génocide des Tutsis au Rwanda en raison du financement qu'il a fourni à Radio télévision libre des Lille Collines (radio extrêmiste anti-tutsi qu'il présidait au moment du génocide), au magazine extrémiste Kangura et aux milices hutus (leur fournissant 5000 machettes). Après des années de cavale, il est arrêté en France en mai 2020 puis transféré le 30 septembre dernier au Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (MTPI), instance créée par l'ONU en 2010 et prenant la suite des Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda.
- Ep. 3 : Samantha Lewthwaite. Surnommée la "veuve blanche", cette britannique d'origine nord-irlandaise est l'un des suspects de terrorisme islamiste les plus recherchés du monde occidental. Veuve de Germaine Lindsay, l'un des terroristes des attentats de Londres du 7 juillet 2005. Supposément membre du groupe terroriste islamiste somalien "Al Shabab", elle est accusée d'avoir causé la mort de plus de 400 personnes. On suppose de même qu'elle se cache en Somalie et est actuellement sous un mandat d'arrêt d'Interpol.
- Ep. 4 : Semion Mogilevich. Egalement en cavale, le "Don intellectuel" , considéré par les agences de renseignement européennes et américaines comme le "parrain des parrains", fait partie des crimes organisés ukrainien et russe. Parmi ses nombreuses activités "légales" : des restaurants japonais à Prague, les pompes funèbres et le basket à Moscou, le textile en Israël, import/export à Los Angeles... Celui qui détient officiellement plusieurs nationalités aurait également des connexions politiques solides lui permettant d'échapper à la justice.
- Ep. 5 : Massimo Denaro Messina. En fuite depuis 1993, le plus haut gradé de la Cosa Nostra a fait fortune dans le trafic d'héroïne et de cocaïne (et a également été impliqué dans le trafic d'armes, le racket, des attentats à la bombe et des assassinats). Le 19 octobre 2020, il est condamné par la justice italienne à la réclusion à perpétuité (par contumace) pour l'assassinat durant les années 1990 des juges Falcone et Borselino. Il tient son surnom "Diabolik" de la bande-dessinée éponyme qu'il affectionne et du fait de sa brutalité notoire.
En ce qui nous concerne, nous aurions aimé savoir pour quelle raison ces cinq hommes ont été considérés comme "les hommes les plus recherchés", vu qu'il est impossible d'établir une hiérarchie dans ce type de sujet. Vu les différentes juridictions nationales (ou internationale) auxquels ils sont liés mais également la nature différente des crimes commis, ils ne peuvent être placés sur une même liste (comme la liste des dix fugitifs les plus recherchés du FBI ou la liste d'Interpol). Par conséquent, la question demeure. Pourquoi ceux-là et pas d'autres? On regrette également que les cinq cas abordés, hormis le terrorisme islamiste et le génocide, trois concernent le crime organisé (mexicain, italien et russo-ukrainien). Davantage de diversité (et d'épisodes) aurait été souhaité. J N
World's Most Wanted
(5 épisodes de 45-48 min diffusés le 5 août 2020)
Production : Netflix
10:00 Publié dans Documentaire, Series | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : world's most wanted, félicien kabuga, netflix, interpol, samantha lewthwaite, semion mogilevich, massimo denaro messina, cosa nostra, attentats de londres
09/11/2020
13th
Pas sûr que l'actuelle passation de pouvoir aux Etats-Unis y change grand chose mais il est intéressant quand même de revenir sur ce documentaire. En effet, celui-ci (dont le titre fait référence au 13ème amendement de la Constitution américaine, qui abolissait l'esclavage) dépeint à charge les liens entre le pouvoir républicain (dont Donald Trump est actuellement la grande figure perdante) et l'incarcération de masse aux Etats-Unis, un débat récurrent qui semble oublié par la politique américaine, qu'elle soit démocrate ou républicaine.
Le documentaire démarre avec une statistique édifiante. Si les Etats-Unis représentent 5% de la population mondiale, ils concentrent par contre 25% de la population carcérale mondiale. La réalisatrice soutient qu'aux Etats-Unis, l'esclavage s'est perpétué sous d'autres formes, plus pernicieuses et implicites. Et depuis la fin du XXème siècle, nous assistons à un phénomène d'incarcération de masse (ou "hyper-incarcération"), résultat de nouvelles lois très strictes, du moins "illégitimes", comme la guerre contre la drogue ou la privatisation du droit de vote de la population afro-américaine. Or ceux qui sont victimes de ces lois sont les populations de couleur (latinos, blacks)...
Dans le même temps, le fonctionnement de l'univers carcéral est examiné. Les centres pénitentiaires sont devenus des machines à sous pour les entreprises privées qui les financent. Or, le secteur privé est très influent auprès de la sphère politique (notamment républicaine) lorsqu'il s'agit de voter des lois liées au code pénal. Coup double : Ava DuVernay dénonce à la fois la collusion entre business et univers carcéral et le processus de criminalisation volontaire des populations de seconde zone. Le tout forme un magnifique triangle où les liens entre société, économie et politique sont inextricables, soit faire de l'argent, se maintenir au pouvoir, et détruire des composantes de la société américaine, qui ont toujours été traitées comme des peuples "colonisés", après que les peuples autochtones (les Amérindiens) furent génocidés.
C'est se rappeler ici que la recherche permanente du profit (coûte que coûte), le conflit d'intérêt et la domination politique d'une élite blanche, protestante, riche et raciste constituent la pierre angulaire du système américain. Et se rappeler également que les Etats-Unis (on ne le dit pas assez), "the land of freedom", sont encore et toujours une des sociétés les plus inégalitaires au monde. Efficace, rapide (01h40) et instructive, cette réflexion qui ne se veut pas ambitieuse mais cherche à éveiller les esprits, est un tour de force. Comme nous l'avons dit, pas sûr que cela change grand chose. Mais à voir quand même. J N
13th (Ava DuVernay, 2016, USA, 100 min)
- Nominé (meilleur documentaire) - Oscars 2017
- Présenté - New York Film Festival 2016
- Meilleur documentaire - BAFTA Awards 2017
- 4 prix - Primetime Emmy Awards 2017
....
11:00 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : univers carcéral américain, 13th, ava duvernay, conflit d'intérêt, etats-unis, netflix, population afro-américaine, blacks, latinos, esclavage
08/11/2020
Barbaren
Diffusée sur Netflix le 23 octobre dernier, Barbaren ("Barbares") recouvre en une première saison de 6 épisodes la Bataille de la forêt de Teutobourg (ou Bataille de Teutobourg) en l'an 9 de notre ère (1). Mettant aux prises six légions romaines et leurs auxilliaires) et une alliance de tribus germaniques, cet affrontement déboucha sur la victoire innatendue des Germains.
L'histoire tourne autour d'Arminius. Chérusque d'origine, il fut donné tout jeune à Rome comme otage, afin de préserver la paix entre Rome et sa tribu. Mais alors que les taxes imposées par l'Empire aux "barbares" sont de plus en plus astronomiques, la rebellion gronde et Arminius, officier de rang élevé dans l'armée romaine, est envoyé sur place afin de régler le conflit, par la force s'il le faut. Il n'a pas oublié ni ses origines ni ses proches et surtout, son dégoût des exactions romaines à l'encontre des peuples germains lui fait prendre conscience qu'il n'est peut-être pas dans le bon camp.
Apprécier ou pas cette série dépend en fait du fait qu'on ait vu d'autres séries du genre. Si ce n'est pas le cas, elle sera appréciée, en raison de quelques critères simples : un scénario plutôt complexe et bien rythmé, une direction d'acteurs solide, et une reconstitution historique pertinente. A cela, il faut ajouter des sous-thèmes qui rendent le récit réaliste : personnages ambivalents à moralité floue, trahison, culpabilité, lacheté, bravoure, complexité des relations humaines, et un peu d'amour évidemment... Par contre, les dévoreurs de films/séries (nous en faisons partie) n'y verront peut-être qu'une énième production péplum, qu'il s'agisse des relations entre l'Empire romain et les populations périphériques (Centurion, 2010 ; The Eagle, 2011, la série Britannia (2016 - )...etc) ou d'autres chocs civilisationnels (Game of Thrones, Vikings). La série souffre d'ailleurs d'une comparaison entre ces deux dernières séries citées et à ce niveau-là, difficile en effet d'affirmer qu'elle fait le poids en matière de comparaison. Si la noirceur du récit et la dimension démonstrative des scènes de violence n'ont pas grand chose à envier, la densité narrative des moments de rupture (la saison 1 ne comporte que 6 épisodes) et le charisme des personnages constituent un gros bémol. Et par conséquent, la série peut être perçue comme à la fois un condensé et une pâle copie des deux autres.
Conscient qu'il ne peut égaler le niveau des chaînes phares produisant des séries (HBO, AMC et consorts) et visant l'hégémonie en terme de productions de série (du moins au niveau des sites de streaming), Netflix poursuit son exercice attitré du binge-watching, en proposant des récits combinant des éléments réalistes et les recettes typiques des séries streaming, qui attireront le grand public. En gros, c'est divertissant, instructif ici (l'histoire s'est rééllement passée) et ça se regarde vite. En ce qui nous concerne strictement (notre formation d'historien et notre métier d'enseignant en Histoire conjugués à notre grande appréciation des productions audiovisuelles pèsent dans la balance), nous relevons trois éléments qui rendent la série intéressante :
- Le fait que les dialogues soient en Latin (les Romains) et en Allemand (les peuples germaniques), soit une dimension authentique et éviter au passage la langue anglaise (ou américaine) dont le coté grandiloquent (nécessaire dans les péplums..) aurait été immonde ici.
- Souligner la complexité des relations entre l'Empire et les Barbares, pas souvent mise en avant même si elle était déjà évoquée en 98 après J. C par l'historien romain Tacite (De Origine et Situ Germanorum).
- Aborder une bataille méconnue du grand public mais considérée comme "la plus grande défaite de Rome" (2) et surtout comme "un point tournant dans l'histoire mondiale" (3). En effet, la victoire germanique à Teutobourg mettra un coup d'arrêt durable à l'expansion romaine en Germanie et déterminera la trajectoire historique, politique et économique de l'espace germain qui demeurera en dehors de la tutelle romaine.
J N
BARBAREN
(saison 1, 6 épisodes diffusés le 23 octobre 2020)
Production : Netflix
Créateurs : Andreas Heckmann, Arne Nolting, Jan Martin Scharf
(1) Elle s'est déroulée dans le comté d'Osnabrück (Basse-Saxe) dans l'Allemagne actuelle.
(2) Adrian Murdoch, Rome's Greatest Defeat: Massacre in the Teutobourg Forest (2012).
(3) Peter S. Wells, The Battle that stopped Rome: Emperor Augustus, Arminius, and the Slaughter of the legions in the Teutobourg Forest (2004).
13:39 Publié dans Series | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : empire romain, netflix, varus, germains, barbares, germanie, bataille de teutobourg, romains, barbarians, barbaren, vikings, latin
23/08/2020
The Last Czars
Si le géant du streaming, Netflix, produit de très nombreuses séries moyennes (c'est ce qui arrive quand on privilégie la quantité à la qualité), force est de constater toutefois que les séries historiques produites tiennent la route, pour deux raisons essentielles : la pertinence historique du récit et le format (mini-série de quelques épisodes). En bref, c'est sérieux et court, donc efficace.
En novembre 2019, la série documentaire Greatest Events of WWII in Colour éclipsait ce qui était considéré jusque-là comme la série documentaire de référence sur la Seconde guerre mondiale, Apocalypse: la Seconde guerre mondiale (2009). Comme cette dernière, Greatest Events présentait des images d'archives coloriées mais en lieu et place d'un seul narrateur, les 10 épisodes (6 pour Apocalypse) retraçant des moments-clés du conflit le plus meurtrier étaient accompagnés d'éclairages apportés par des historiens.
Retraçant les dernières années de la dynastie des Romanov (1), du sacre de Nicolas II (1894) jusqu'à l'exécution de la famille entière à Ekaterinbourg (juillet 1918), The Last Czars (ou "la saga des Romanov") - diffusée en 2019 avant la série précédemment citée - fait encore mieux coté novateur puisqu'il s'agit d'une série de docufiction, le scénario fictif étant jalonné d'expertises apportées par des historiens britanniques, américains et russes. Adressée à un grand public, la série permet donc de cerner en 6 épisodes de 45 minutes chacun et avec plus ou moins d'acuité ce qu'était le dernier tsar de Russie (2), ce qu'était le moine guérisseur Raspoutine et quelle fut sa relation à la famille royale, et la montée du mécontentement populaire qui mènera à deux révolutions en 1917 (puis à la mise en place du premier Etat communiste au monde, sujet non traité ici). Efficace comme nous le disions.
Enfin, la famille royale a-t-elle vraiment été assassinée dans le sous-sol de la maison Ipatiev à Ekaterinbourg? Y-a-t-il eu des survivants? Au vu des réserves de certains historiens (3), la fameuse question n'est pas complètement tranchée, même si personnellement nous penchons vers l'affirmatif. Concernant cela, nous recommandons l'épisode 8 de la saison 2 de la série documentaire française L'ombre d'un doute (2011-2015), qui consacre pas moins d'une heure et demi à cette question : "Les Romanov, enquête sur la mort du tsar et de sa famille" (4).
J N
The last czars (Netflix, 3 juillet 2019) - 6 épisodes
Réalisation : Adrian McDowall, Gareth Tunley
Cast : Robert Jack, Susanna Herbert, Ben Cartwright, Oliver Dimsdale, Bernice Stegers.
(1) Celle-ci débute avec Michel 1er le 21 février 1613.
(2) Nicolas II est considéré comme le dernier tsar russe mais "techniquement", c'est son frère Michel II qui le fut, succédant à ce dernier après son abdication mais tsar durant seulement 24 heures (15-16 mars 1917).
(3) Comme par exemple l'éminent historien français (spécialiste de la Russie et de l'URSS), Marc Ferro, qui dans son ouvrage La vérité sur la tragédie des Romanov (2012), il considère, documentation à l'appui, que la tsarine et les grandes duchesses n'auraient pas été assassinées et furent exfiltrées en Allemagne.
(4) Episode diffusé pour la première fois le 30 janvier 2013 sur France 3.
14:38 Publié dans Documentaire, Series | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : the last czars, les derniers tsars, nicolas ii, netflix, romanov, révolution d'octobre, russie, ekaterinbourg