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25/01/2015
West of Memphis
Le 5 mai 1993, dans la petite ville américaine de West Memphis (Arkansas) trois gamins de huit ans (Stevie Branch, Christopher Byers, et Michael Moore) sont portés disparus. Le soir, les trois corps sont retrouvés dans un marécage. Les trois garçons ont été violés puis assassinés. En 1994, Damien Echols, Jessie Misskelley et Jason Baldwin, sont accusés du meutre sordide. Alors que le premier est condamné à mort, les deux autres écopent de la peine maximale. On les appelera "The West Memphis Three".
En 2007, la défense des Trois de Memphis présente de nouvelles preuves, ADN à l'appui, disculpant en partie les condamnés. Une campagne en leur faveur voit également le jour, incluant des célébrités comme l'acteur Johnny Depp (ami de Damien Echols) et le chanteur Henry Rollins. L'affaire est compliquée. La Cour de justice de l'Arkansas rouvre le dossier et le 19 août 2011, les trois accusés effectuent ce qu'on appelle un Alford Plea ("plaidoyer Alford"), ce qui leur permet de se déclarer innocents tout en reconnaissant que la justice détient assez d'éléments incriminables pour les inculper. Ils sonr donc condamnés au temps déjà effectué à présent et relâchés avec une peine de 10 ans avec sursis.
Pour son troisième documentaire, la réalisatrice Amy Berg (Deliver Us from Evil, 2006 ; An Open Secret, 2014) revient donc sur cet événement qui défraya la chronique et retrace les faits : l'enquête policière, l'inculpation des trois adolescents, le premier procès puis le second, des interviews des proches des victimes et des présumés meurtriers...etc. Au-delà de ce documentaire très bien construit (alternance entre les événements de 93-94 et ceux des années 2007-2011, constat social d'une Amérique profonde complètement déglinguée, documentation juridique précise), Berg jette une lumière crue sur les dysfonctionnements du système juridique américain. Les fictions sur ce thème sont légion (1). La différence ici est que les images sont réelles, permettant de saisir avec acuité ce problème persistant et jamais résolu. En effet, combien d'innocents sont chaque année inculpés(et souvent exécutés) aux Etats-Unis pour des crimes qu'ils n'ont pas commis ? Documentaire nécessaire. J N
West of Memphis (Amy Berg, USA, Nouvelle-Zélande, 2012, 147 min)
- 1 nomination (Meilleur documentaire) - BAFTA Awards 2013.
- 1 nomination (Meilleur scénario de documentaire) - Writers Guild of America 2013.
- Présenté - Festival de Sundance 2012.
- Présenté - Festival de Toronto 2012.
- Présenté - Festival de Deauville 2012.
(1) Cette histoire inspira le roman de Mara Leveritt (Devil's Knot: The True Story of the West Memphis Three, 2002), lui-même adapté au cinéma en 2013 par Atom Egoyan sous le titre Devil's Knot.
14:00 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : west of memphis, amy berg, three of memphis, arkansas, système judiciaire américain
24/01/2015
Le temps des humiliés
Dans son dernier ouvrage, paru cette année, « Le temps des humiliés. Pathologie des relations internationales », Bertrand Badie opère une critique acerbe du fonctionnement des relations internationales contemporaines, affirmant que celles-ci sont façonnées par une humiliation systématique.
Qui ne se souvient pas des images montrant en 1998 l’ex-président indonésien Suharto signant, à la manière d’une reddition, le plan de rigueur imposé par le FMI ? Et derrière lui Michel Camdessus le dominant de sa stature ? Tout dans l’attitude de ce dernier semblait humiliant explique M. Badie, politologue français réputé et théoricien des relations internationales. Il estime que de tous temps l’humiliation a fait partie intégrante des relations entre Etats, et que la modernité n’y a rien changé. Bien au contraire, « le jeu de concurrence et d’individualisation qui affecte de plus en plus les rapports sociaux accélère et dramatise tous ces penchants ». Les exemples sont nombreux. A travers une première partie historique et richement documentée, l’auteur analyse divers événements conflictuels, marqués par le rabaissement de certains Etats par les grandes puissances : l’expédition punitive menée par le Royaume-Uni contre la Chine en 1840 (Guerre de l’opium), le dépeçage de l’Empire ottoman, l’intervention française au Mali…etc. « Incontestablement, l’idée s’impose et, dans sa diversité, l’humiliation devient un paramètre des relations internationales », affirme M. Badie dont l’objectif (réussi) est de montrer comment un système international génère de l’humiliation et provoque ainsi l’émergence de diplomaties réactives (les cas de l’Iran et de la Corée du nord constituent des exemples édifiants). La seconde partie du livre analyse l’humiliation dans sa forme actuelle, tandis que la troisième évalue les réactions périlleuses qu’entraîne l’humiliation. Ces trois volets ont pour but de nous faire « comprendre […] les impasses actuelles de la vie internationale, irréductibles aux catégories classiques de la science politique ».
C’est rappeler ici que M. Badie critique le système international actuel mais également les théories qui l’expliquent, en l’occurrence le courant néo-réaliste (né aux Etats-Unis), dominant, et qui considère que les intérêts des Etats et la quête de puissance sont les seuls variables explicatives des relations internationales. L’auteur martèle justement que le monde est devenu bien plus complexe depuis la fin de la Guerre froide et que la mondialisation a entraîné l’émergence d’acteurs non-étatiques qui viennent perturber le jeu international. Car si l’humiliation entraîne quatre types de diplomaties inédits de la part des Etats humiliés (revancharde ; souverainiste ; contestataire ; déviante), elle tend également à former un « anti-système » dans lequel les sociétés opprimées se rebellent (Printemps arabe) et les acteurs transnationaux ont la part du lion. La prééminence du Hezbollah au Liban et la marche apocalyptique de l’Etat islamique lui donneraient-ils raison ?S’il est trop tôt encore pour affirmer que les acteurs non-étatiques constituent un élément cardinal des relations internationales, la réflexion de M. Badie a toutefois le mérite d’ouvrir nos horizons quant à nos perceptions du système international. Celui-ci ne peut plus être vu comme une simple joute entre Etats rivaux. L’autre satisfaction concernant ce livre est qu’il est très accessible.
Autant vous aurez envie de prendre un anxiolytique après la lecture de certains ouvrages de l’auteur (La fin des territoires, 1992), tant les concepts expliqués nécessitent des connaissances préalables, autant vous lirez celui-ci sans déplaisir, tant l’explication est fluide et adressée à un large public. Fossoyeur de la dictature de la pensée, Bertrand Badie démocratise ici la compréhension des relations internationales. Et c’est une excellente nouvelle. J. N
Bertrand Badie, Le temps des humiliés. Pathologie des relations internationales, Odile Jacob, 2014, 249 p.
20:12 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bertrand badie, relations internationales, le temps des humiliés
21/01/2015
Côte d'Ivoire / Irlande
Deux nouveaux drapeaux se ressemblant de près. Les deux sont composés de trois bandes verticales de même dimension et comportant les mêmes couleurs, à la nuance près que dans le cas irlandais (premier drapeau), le mât est placé du côté de la couleur verte. Mis à part cette différence non négligeable, le ton des couleurs semble presque le même. Par contre, les dimensions des drapeaux diffèrent (1:2 pour l'Irlande ; 2:3 pour la Côte d'Ivoire. Le drapeau de l'Irlande est attesté depuis 1830 mais sa première utilisation dans sa disposition actuelle est à mettre au compte du mouvement Jeune Irlande (1848). Le drapeau sera ensuite brandi par les mouvements révolutionnaires irlandais suite aux événements sanglants de 1916 (victoire contre les troupes britanniques puis proclamation de l'indépendance le 24 avril). Lorsque la souveraineté irlandaise est ratifiée (le 27 janvier 1919), il devient officiel (1).
Inspiré du drapeau de la France, le Irish tricolour comporte le vert naturellement, couleur emblématique de l'Irlande et plus précisément du mouvement catholique de libération (2). Le blanc symbolise la paix entre les deux communautés, catholique et protestante, tandis que l'orange symbolise la victoire protestante le 30 juillet 1690 du roi d'Angleterre Guillaume III sur les partisans catholiques de Jacques II à la Boyne. Cela représente un esprit positif et d'apaisement puisque les protestants sont très minoritaires. Dans le cas de la Côte d'Ivoire (indépendance acquise en 1960), le blanc est également symbole de paix, tandis que l'orange renvoie à la savane du nord du pays. Quant au vert, il représente à la fois l'espoir et les forêts du sud du pays. Le drapeau fut adopté avant l'indépendance, le 3 décembre 1959. J. N
(1) La reconnaissance de cette indépendance par la couronne britannique intervient le 6 décembre 1922.
(2) Pour plus de détails concernant la génèse de la symbolique du vert, Cf.
http://www.crwflags.com/fotw/flags/ie-green.html
12:00 Publié dans Drapeau | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : drapeau irlande, drapeau côte d'ivoire, irlande, côte d'ivoire, drapeau à trois bandes égales, drapeau à trois bandes verticales égales, drapeaux similaires
20/01/2015
Le temps des changements
Dans un monde qui semble être néo-retro, et plus précisément sur la planète Borthan, toute manifestation d'individualité est strictement interdite. Il est en effet proscrit de dire "Je". Pour Kinal Darrival, les choses ne sont pas figées et le temps des changements est à venir. Dans sa quête de soi, il rencontre Schweiz, un marchand venu de la Terre et fort logiquement adepte d'autres coutumes et d'une autre conception du monde. Avec Schweiz, Kinal va découvrir la drogue (clin d’œil de l'auteur à toutes sortes de substances hallucinogènes : LSD, peyotl, amphétamines...etc), subissant une "liquéfaction générale de la réalité, un effondrement des murs, une rupture des contraintes" (...). Mais surtout, cet état second va lui permettre d'ouvrir son esprit, casser les tabous, prélude à "sa" révolution.
Réquisitoire contre la dictature de la pensée et des traditions, oeuvre introspective (1) mais également messianique, Le temps des changements est un autre tour de force parmi les très nombreux chefs-d'oeuvre de Robert Silverberg, et demeure largement d'actualité plus de quarante ans après sa publication.
J. N
Robert Silverberg, Le temps des changements, Le Livre de Poche, 2013, 254 p.
Publié pour la première fois en 1971 sous le titre original A Time of Changes.
- Prix Nebula - 1971.
(1) Quête de l'identité comme dans Le livre des crânes (1972) mais également introspection concernant le judaïsme, qui apparaît également en filigrane dans L'oreille interne (1972).
11:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le temps des changements, robert silverberg, science-fiction, prix nebula, a time of changes
19/01/2015
Berthe Morisot
Membre de l'Académie française depuis avril 2013 et lauréate du Prix Renaudot, Dominique Bona nous propose ici une biographie de Berthe Morisot (1841-1895). Pourquoi elle ? Dominique Bona s'est interrogée sur ce portrait peint par Edouard Manet en 1872 (Berthe Morisot au bouquet de violettes), constituant la couverture du livre. Enigmatique ce portrait de la future belle-soeur de Manet (sourit-elle ?), représenté dans un mélange de clair et d'obscur. Mais surtout, Berthe Morisot fut la seule femme au sein de ce groupe d'Impressionnistes décriés à leurs débuts et refusés par les Salons officiels. A travers ce récit, tous ces peintres et amis seront d'ailleurs évoqués (Manet, Monet, Pissarro, Degas, Renoir...etc). Impossible en effet de ne pas raconter leur histoire puisque leurs parcours sont étroitement liés (Mallarmé et Zola faisaient également partie de la bande). Voici donc un livre passionnant sur les débuts de l'Impressionnisme, pour ceux qui s'y intéressent. Et pour voir les toiles en vrai, hormis les Musées d'Orsay, de l'Orangerie, et Marmottan-Monet, à Paris, le Musée du Luxembourg propose jusqu'au 8 février une exposition consacrée à Paul Durand-Ruel - marchand d'art et promoteur des peintres impressionnistes - et permettant d'apprécier 80 toiles provenant de musées français et étrangers. J. N
Dominique Bona, Berthe Morisot - Le secret de la femme en noir, Le Livre de Poche, 2000, 378 p.
- Bourse Goncourt de la biographie
- Prix Bernier de l'Académie des Beaux-Arts
14:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : impressionnisme, berthe morisot, dominique bona, paul durand-ruel
18/01/2015
The Affair
La dernière série dramatique de Showtime, récompensée aux derniers Golden Globe, traite du thème de l'adultère, ô combien de fois exploité sur grand ou petit écran. Soit Noah Solloway (Dominic West, le fameux détective Jimmy McNulty dans la série culte de HBO, The Wire), professeur des écoles, écrivain à ses heures, marié, 4 gosses, s'amourachant d'Alison (Ruth Wilson, la psychopathe dans Luther de BBC), serveuse dans une brasserie, également mariée mais écorchée de la vie. La série - reconduite en novembre dernier pour un second acte - explore donc l'impact socio-familial de cette relation extraconjugale. Si la thématique traitée est éculée (c'est sexy et provocant mais c'est un peu normal non ?), nous retiendrons par contre deux points non négligeables : une performance époustouflante des deux principaux protagonistes et une structure narrative innovante (prenant en compte les points de vue des deux). J N
The Affair (Showtime / 2014 / 55 min / 12 oct - 21 déc)
Créateurs : Hagai Levi, Sarah Treem.
Cast : Dominic West, Ruth Wilson, Maura Tierney, Joshua Jackson, John Doman, Julia Goldani Telles, Victor Williams, Mare Winningham.
- Meilleure série dramatique - Golden Globe 2015.
- Meilleure actrice dans une série dramatique (Ruth Wilson) - Golden Globe 2015.
- 1 nomination - Dominic West (Meilleur acteur dans une série dramatique) - Golden Globe 2015.
- 2 nominations - Satellite Awards 2014.
14:15 Publié dans Series | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : the affair, dominic west, ruth wilson, showtime, adultère, joshua jackson