01/05/2016
The Expanse
Il faut reconnaître que la chaîne spécialisée en science-fiction - SyFy - ne nous a rien proposé de franchement transcendant ces dernières années. Plusieurs raisons expliquent cette tendance. Tout d'abord, qu'il s'agisse de grand ou de petit écran, l'adaptation de la science-fiction littéraire (space opera ou autre) n'a jamais rien donné de très consistant (n'est pas Stanley Kubrick ou Ridley Scott qui veut). Ensuite, SyFy est adressé à une large audience. Par conséquent, le "fan service" l'emporte largement sur la reflexion. Enfin, difficile d'innover après le brillant Battlestar Galactica (2004-2009).
Difficile d'innover tout court tant la thématique a été traitée. Et s'il s'agit de science-fiction complexe (des auteurs comme Philip K. Dick, Philip José Farmer ou Christopher Priest), l'oeuvre initiale sera dénaturée car elle vise à la base un public trop restreint. Ces dernières années, SyFy a multiplié les ratages : Defiance (2013-2015) : adaptation simultanée d'un jeux vidéo ou lorsque les extraterrestres occupent la terre pour en prendre les ressources.... ; Helix (2014-2015) : crainte de la propagation d'un virus ; Z nation (2014 - ) : monde post-apocalyptique envahi par des zombies... Autant de thèmes éculés qui expliquent que les deux premières furent annulées en 2015 et que la troisième, plagiat de The Walking dead, n'a pas été encensée par la critique.
C'est là où The Expanse apporte un vent de fraîcheur. C'est une adaptation de la série de romans éponyme (comprenant 5 tomes et dont la saison 1 de la série adapte les trois premiers), écrite par James S. A. Corey, pseudonyme rassemblant les auteurs américains Daniel Abraham et Ty Frank.
En ce XXIIIème siècle, le système solaire est entièrement colonisé. Tandis que l'ONU - surpuissant - contrôle la Terre et que Mars est désormais une puissance militaire indépendante, les habitants de la Ceinture d'Astéroïdes, non contents de manquer d'eau et d'air, sont également surexploités par les Terriens. L'équilibre entre ces trois entités est précaire, manquant de se briser à tout moment...
Ce qui semble être au départ un space opera classique est en fait bien plus que cela. Transposition futuriste des relations internationales actuelles (où terrorisme, persistance des conflits et attitude arrogante des Etats constituent désormais la pierre angulaire de notre système), reflexion sur le monde de demain (tarissement des ressources naturelles) accompagnent cette bataille des planètes. L'intrigue est complexe, le scénario réaliste (des protagonistes qui disparaissent les uns après les autres), et surtout, l'univers est très sombre. Ca en vaut le détour. J N
THE EXPANSE
Saison 1 (10 épisodes ; 23 novembre 2015 - 2 février 2016)
Chaîne : SyFy
Création : Mark Fergus, Hawk Ostby.
13:08 Publié dans Series | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : the expanse, syfy, science-fiction, james s. a. corey, daniel abraham, ty frank
28/08/2015
Le glamour
Grièvement blessé par un attentat à la voiture piégée, Richard Grey se fait soigner dans une clinique britannique. Son ancienne petite amie (ou amante, c'est selon) finit par le retrouver. Hélas, Richard n'a absolument aucun souvenir d'elle. Progressivement, la mémoire lui revient, ce qui permet à Susan d'aborder avec lui une faculté qu'elle possède : le glamour, ou l'art de se rendre invisible... A l'instar de ses autres romans, notamment le vertigineux La séparation, Christopher Priest, maître britannique incontesté des mondes parallèles, poursuit son exploration de la réalité et de sa perception. Moins incisif que le précédent ouvrage cité, Le glamour n'en est pas moins déroutant et demeure un des romans les plus complexes de l'auteur. Celui-ci, histoire de brouiller les pistes et de susciter en nous une remise en cause permanente de ce que nous sommes et de notre perception de tout ce qui nous entoure, a articulé son récit autour de la narration de six protagonistes différents. Un tour de force. J. N.
Christopher Priest, Le glamour, FOLIO SF, 2012, 412 p.
Publié pour la première fois en 1984 sous le titre original The Glamour.
12:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christopher priest, mondes parallèles, le glamour, science-fiction
26/08/2015
Les langages de Pao
Alors que la planète Pao, un peu trop pacifiste et guère préparée à une confrontation militaire, se fait envahir par la civilisation des Brumbos, la seule solution qui lui permettrait de se débarrasser des colons serait de remodeler la structure de son langage. En effet, la langue paonaise, particulière à bien des égards, ne permet pas à ces adeptes d'être pourvus de sentiments comme l'abnégation, la résistance, le stoïcisme...etc. "La langue consistait en noms, en postpositions suffixées et en indicateurs temporels ; il n'y avait ni verbes, ni adjectifs, ni formes comparatives définies, telles que bon et meilleur. Il n'existait pas de mots comme "prestige", "intégrité", "individualité", "honneur", ou "justice", car l'idée que le Paonais moyen se faisait de lui-même - à supposer qu'il se considérât comme une personnalité distincte - était celle d'un bouchon flottant sur un océan de vagues innombrables, soulevé, attiré, bousculé par des forces incompréhensibles (...)".
Dans ce roman des débuts de Jack Vance (1916-2013), "Grand Master" de science-fiction et figure de proue de la SF américaine "à l'ancienne" (l'écriture est linéaire, la psychologie des personnages peu développée), nous soulignerons au-delà du thème - récurrent chez Vance - de la rencontre des civilisations, une réflexion incisive sur les fonctions du langage, résumée dans le paragraphe suivant :
"Aucune langue n'est neutre. Toutes contribuent à donner une impulsion à l'esprit des masses, certaines avec plus de vigueur que d'autres. (...) Nous ne connaissons pas de langue "neutre" ; aucune n'est supérieure à une autre, même s'il arrive qu'un langage X soit mieux adapté à un contexte lambda qu'un langage Y. Si nous allons plus loin, nous remarquons que tout idiome induit dans l'esprit des masses un certain point de vue sur le monde. Quelle est la véritable image du monde ? Existe-t-il un langage qui l'exprime ? Premièrement, nous n'avons aucune raison de croire que la véritable image du monde, si tant est qu'elle existe, puisse être un outil très utile ou efficace. Deuxièmement, aucun standard ne nous permet de la définir. La Vérité est contenue dans l'opinion préconçue de celui qui cherche à la définir. Toute organisation d'idées, quelle qu'elle soit, présuppose un jugement sur le monde".
J. N
Jack Vance, Les langages de Pao, Gallimard, Folio SF, 2002, 262 p.
Paru pour la première fois en 1958 sous le titre original The languages of Pao.
16:56 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jack vance, science-fiction, les langages de pao
20/01/2015
Le temps des changements
Dans un monde qui semble être néo-retro, et plus précisément sur la planète Borthan, toute manifestation d'individualité est strictement interdite. Il est en effet proscrit de dire "Je". Pour Kinal Darrival, les choses ne sont pas figées et le temps des changements est à venir. Dans sa quête de soi, il rencontre Schweiz, un marchand venu de la Terre et fort logiquement adepte d'autres coutumes et d'une autre conception du monde. Avec Schweiz, Kinal va découvrir la drogue (clin d’œil de l'auteur à toutes sortes de substances hallucinogènes : LSD, peyotl, amphétamines...etc), subissant une "liquéfaction générale de la réalité, un effondrement des murs, une rupture des contraintes" (...). Mais surtout, cet état second va lui permettre d'ouvrir son esprit, casser les tabous, prélude à "sa" révolution.
Réquisitoire contre la dictature de la pensée et des traditions, oeuvre introspective (1) mais également messianique, Le temps des changements est un autre tour de force parmi les très nombreux chefs-d'oeuvre de Robert Silverberg, et demeure largement d'actualité plus de quarante ans après sa publication.
J. N
Robert Silverberg, Le temps des changements, Le Livre de Poche, 2013, 254 p.
Publié pour la première fois en 1971 sous le titre original A Time of Changes.
- Prix Nebula - 1971.
(1) Quête de l'identité comme dans Le livre des crânes (1972) mais également introspection concernant le judaïsme, qui apparaît également en filigrane dans L'oreille interne (1972).
11:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le temps des changements, robert silverberg, science-fiction, prix nebula, a time of changes
22/06/2014
Le syndrome du scaphandrier
"Chasseur de rêves", David Sarella, fonctionnaire de son Etat, s'enfonce dans son sommeil afin de rapporter des objets d'arts vendus ensuite à des collectionneurs sans scrupules. Ce monde parallèle, jalonné d'aventures dangereuses lui permet de s'évader de son univers aseptisé. Devenu accro à cette réalité parallèle, en viendrait-il à la confondre avec le "monde réel" ? Malgré l'avertissement de ses supérieurs et des psychologues, et en dépit d'une santé qui ne fait que décroître, il ne peut s'empêcher de plonger et replonger dans cette zone... Si Christopher Priest est le pendant britannique du génie Philip K. Dick et de ses mondes parallèles, Serge Brussolo l'est assurément côté français, du moins à travers ce roman sombre. En effet, outre l'exploration de ce qu'est la réalité, Brussolo articule son récit autour d'un principal protagoniste en marge de la société, au bord de la rupture, et survivant tant bien que mal dans un monde de plus en plus déshumanisé. L'atmosphère lugubre est également permanente et l'histoire - comme chez Philip K. Dick - se termine sur une touche de désespoir. On pourra reprocher au récit d'être linéaire, plutôt prévisible, et somme toute, assez court. Mais il n'en demeure pas moins une exploration incisive sur le monde des rêves, thème développé il y a quelques années dans le vertigineux anime japonais Paprika (2006), et dans le nom moins étourdissant Inception (2010) de Christopher Nolan. J. N
Serge Brussolo, Le syndrome du scaphandrier, FOLIO SF, 2005, 192 p.
Publié pour la première fois en 1992.
17:21 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : science-fiction, serge brussolo, le syndrome du scaphandrier, mondes parallèles, réalité, monde virtuel, monde des rêves