28/08/2015
Le glamour
Grièvement blessé par un attentat à la voiture piégée, Richard Grey se fait soigner dans une clinique britannique. Son ancienne petite amie (ou amante, c'est selon) finit par le retrouver. Hélas, Richard n'a absolument aucun souvenir d'elle. Progressivement, la mémoire lui revient, ce qui permet à Susan d'aborder avec lui une faculté qu'elle possède : le glamour, ou l'art de se rendre invisible... A l'instar de ses autres romans, notamment le vertigineux La séparation, Christopher Priest, maître britannique incontesté des mondes parallèles, poursuit son exploration de la réalité et de sa perception. Moins incisif que le précédent ouvrage cité, Le glamour n'en est pas moins déroutant et demeure un des romans les plus complexes de l'auteur. Celui-ci, histoire de brouiller les pistes et de susciter en nous une remise en cause permanente de ce que nous sommes et de notre perception de tout ce qui nous entoure, a articulé son récit autour de la narration de six protagonistes différents. Un tour de force. J. N.
Christopher Priest, Le glamour, FOLIO SF, 2012, 412 p.
Publié pour la première fois en 1984 sous le titre original The Glamour.
12:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christopher priest, mondes parallèles, le glamour, science-fiction
26/08/2015
Les langages de Pao
Alors que la planète Pao, un peu trop pacifiste et guère préparée à une confrontation militaire, se fait envahir par la civilisation des Brumbos, la seule solution qui lui permettrait de se débarrasser des colons serait de remodeler la structure de son langage. En effet, la langue paonaise, particulière à bien des égards, ne permet pas à ces adeptes d'être pourvus de sentiments comme l'abnégation, la résistance, le stoïcisme...etc. "La langue consistait en noms, en postpositions suffixées et en indicateurs temporels ; il n'y avait ni verbes, ni adjectifs, ni formes comparatives définies, telles que bon et meilleur. Il n'existait pas de mots comme "prestige", "intégrité", "individualité", "honneur", ou "justice", car l'idée que le Paonais moyen se faisait de lui-même - à supposer qu'il se considérât comme une personnalité distincte - était celle d'un bouchon flottant sur un océan de vagues innombrables, soulevé, attiré, bousculé par des forces incompréhensibles (...)".
Dans ce roman des débuts de Jack Vance (1916-2013), "Grand Master" de science-fiction et figure de proue de la SF américaine "à l'ancienne" (l'écriture est linéaire, la psychologie des personnages peu développée), nous soulignerons au-delà du thème - récurrent chez Vance - de la rencontre des civilisations, une réflexion incisive sur les fonctions du langage, résumée dans le paragraphe suivant :
"Aucune langue n'est neutre. Toutes contribuent à donner une impulsion à l'esprit des masses, certaines avec plus de vigueur que d'autres. (...) Nous ne connaissons pas de langue "neutre" ; aucune n'est supérieure à une autre, même s'il arrive qu'un langage X soit mieux adapté à un contexte lambda qu'un langage Y. Si nous allons plus loin, nous remarquons que tout idiome induit dans l'esprit des masses un certain point de vue sur le monde. Quelle est la véritable image du monde ? Existe-t-il un langage qui l'exprime ? Premièrement, nous n'avons aucune raison de croire que la véritable image du monde, si tant est qu'elle existe, puisse être un outil très utile ou efficace. Deuxièmement, aucun standard ne nous permet de la définir. La Vérité est contenue dans l'opinion préconçue de celui qui cherche à la définir. Toute organisation d'idées, quelle qu'elle soit, présuppose un jugement sur le monde".
J. N
Jack Vance, Les langages de Pao, Gallimard, Folio SF, 2002, 262 p.
Paru pour la première fois en 1958 sous le titre original The languages of Pao.
16:56 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jack vance, science-fiction, les langages de pao
20/01/2015
Le temps des changements
Dans un monde qui semble être néo-retro, et plus précisément sur la planète Borthan, toute manifestation d'individualité est strictement interdite. Il est en effet proscrit de dire "Je". Pour Kinal Darrival, les choses ne sont pas figées et le temps des changements est à venir. Dans sa quête de soi, il rencontre Schweiz, un marchand venu de la Terre et fort logiquement adepte d'autres coutumes et d'une autre conception du monde. Avec Schweiz, Kinal va découvrir la drogue (clin d’œil de l'auteur à toutes sortes de substances hallucinogènes : LSD, peyotl, amphétamines...etc), subissant une "liquéfaction générale de la réalité, un effondrement des murs, une rupture des contraintes" (...). Mais surtout, cet état second va lui permettre d'ouvrir son esprit, casser les tabous, prélude à "sa" révolution.
Réquisitoire contre la dictature de la pensée et des traditions, oeuvre introspective (1) mais également messianique, Le temps des changements est un autre tour de force parmi les très nombreux chefs-d'oeuvre de Robert Silverberg, et demeure largement d'actualité plus de quarante ans après sa publication.
J. N
Robert Silverberg, Le temps des changements, Le Livre de Poche, 2013, 254 p.
Publié pour la première fois en 1971 sous le titre original A Time of Changes.
- Prix Nebula - 1971.
(1) Quête de l'identité comme dans Le livre des crânes (1972) mais également introspection concernant le judaïsme, qui apparaît également en filigrane dans L'oreille interne (1972).
11:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le temps des changements, robert silverberg, science-fiction, prix nebula, a time of changes
22/06/2014
Le syndrome du scaphandrier
"Chasseur de rêves", David Sarella, fonctionnaire de son Etat, s'enfonce dans son sommeil afin de rapporter des objets d'arts vendus ensuite à des collectionneurs sans scrupules. Ce monde parallèle, jalonné d'aventures dangereuses lui permet de s'évader de son univers aseptisé. Devenu accro à cette réalité parallèle, en viendrait-il à la confondre avec le "monde réel" ? Malgré l'avertissement de ses supérieurs et des psychologues, et en dépit d'une santé qui ne fait que décroître, il ne peut s'empêcher de plonger et replonger dans cette zone... Si Christopher Priest est le pendant britannique du génie Philip K. Dick et de ses mondes parallèles, Serge Brussolo l'est assurément côté français, du moins à travers ce roman sombre. En effet, outre l'exploration de ce qu'est la réalité, Brussolo articule son récit autour d'un principal protagoniste en marge de la société, au bord de la rupture, et survivant tant bien que mal dans un monde de plus en plus déshumanisé. L'atmosphère lugubre est également permanente et l'histoire - comme chez Philip K. Dick - se termine sur une touche de désespoir. On pourra reprocher au récit d'être linéaire, plutôt prévisible, et somme toute, assez court. Mais il n'en demeure pas moins une exploration incisive sur le monde des rêves, thème développé il y a quelques années dans le vertigineux anime japonais Paprika (2006), et dans le nom moins étourdissant Inception (2010) de Christopher Nolan. J. N
Serge Brussolo, Le syndrome du scaphandrier, FOLIO SF, 2005, 192 p.
Publié pour la première fois en 1992.
17:21 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : science-fiction, serge brussolo, le syndrome du scaphandrier, mondes parallèles, réalité, monde virtuel, monde des rêves
19/06/2014
Le berceau du chat
Journaliste à ses heures, Jonas effectue des recherches sur un des pères de la bombe atomique, le Dr. Hoenikker. Sa quête le mène sur l'île de San Lorenzo, dans les Caraïbes. Il y rencontre "Papa" Manzano, qui tient cette sorte de république bananière d'une main de maître, faisant exécuter toute personne coupable du délit le plus banal, Bokonon, un prophète hors-la loi prêchant une religion bizarroïde (clin d’œil à la scientologie de Ron Hubbard ?), et surtout les enfants de Hoenikker, qui détiendraient a priori la dernière invention de leur génial de père, la glace-9, pouvant solidifier tout liquide...
Roman apocalyptique, Le berceau du chat est surtout une satire acerbe de notre monde. Comme William Golding (mais d'une manière différente) et son fameux Sa majesté des mouches, Vonnegut met en exergue toutes les tares d'une humanité en déliquescence, à travers ce microcosme social formé sur une île coupée du monde. Au thème du nucléaire (l'auteur prit part à la Seconde Guerre mondiale et fut fait prisonnier par l'armée allemande), s'ajoutent ceux des avancées technologiques et de la religion, le tout concourant à la stupidité humaine. Très apprécié de Haruki Murakami, Kurt Voneggut est considéré comme l'un des auteurs les plus influents du XXème siècle. Ses romans Slaughterhouse 5 or The Children's Crusade (1969) et Breakfast of Champions or Good Bye Blue Monday (1973) sont cultes. Celui-ci est également un tour de force. J. N
Kurt Vonnegut Jr, Le berceau du chat, J'ai Lu, 1974, 254 p.
Publié pour la première fois en 1963 sous le titre original Cat's Craddle.
16:08 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : science-fiction, kurt vonnegut, cat's craddle, le berceau du chat, apocalypse, nucléaire, bombe atomique, bokonon, hoenikker, religion