04/01/2007
Radio Libre Albemuth
"C'est vrai, Phil, tu écris des trucs plus bizarres que n'importe qui aux Etats-Unis, des bouquins vraiment psychotiques, des bouquins qui parlent de cinglés et de camés, de givrés et de paumés de toutes sortes ; en fait, de toutes les sortes qui n'ont jamais été décrites avant. Tu ne peux pas blâmer le gouvernement parce qu'il éprouve de la curiosité pour le genre de mec capable d'écrire de tels livres, n'est-ce pas ? Je veux dire, ton personnage principal est toujours un gars extérieur au système, un perdant qui finit d'une manière ou d'une autre par..."
Le chef d'oeuvre de Philipp K. Dick. Intitulé à l'origine Valisystem A, ce roman devait compléter Coulez mes larmes, dit le policier (lire la préface de Emmanuel Jouanne) et poursuivre la description d'un Etat américain policier. Le "tyran" Ferris F. Fremont renverrait à Richard Nixon, dit la préface. On pourrait y voir également un clin d'oeil à la politique menée dans les années 50-56 par le sénateur américain Joseph McCarthy (1908-1957), et sa fameuse chasse aux sorcières ("red scare" - terreur rouge - ou Maccarthisme). Tout le monde est potentiellement suspect de collusion avec "l'ennemi communiste".
Comme nous le constaterons assez vite, l'auteur a inclus dans son récit des épisodes de sa vie, qu'il considérait significatifs. Le livre fut écrit en 12 jours mais fut nourri d'une longue reflexion (4 ans). Son éditeur refusa de lui publier son oeuvre, lui demandant de retravailler son manuscrit. Mais Dick refusa. Il offrit par la suite son texte à son ami Tim Powers, lui aussi écrivain de science-fiction. Il entama par la suite la rédaction de SIVA, premier volet de la Trilogie divine. Après la mort de Dick (1982), Paul Williams, exécuteur testamentaire chargé de la succession littéraire de Dick, et également fondateur de la Philip K. Dick Society, permit la publication de Valisystem A, rebaptisé Radio Free Albemuth. L'oeuvre fut éditée en 1985. Elle vient éclairer la Trilogie divine. Et quelle baffe! Il est impossible de distinguer quelque chose de clair : confusion entre réel et irréel, délires mystiques, autobiographie, paranoïa ambiante... et ajoutons à cela que les épisodes de la vie de Dick sont étroitement imbriqués aux passages fictifs... difficile donc de se faire une image nette. Bienvenue à nouveau (note sur Philip K. Dick dans les catégories Film et Livre) dans le monde complexe et ambigu de Philip K. Dick.
"Les USA et l'URSS, réalisais-je, étaient les deux sections de l'Empire tel qu'il avait été découpé par l'empereur Dioclétien à des fins purement administratives ; au fond, il s'agissait d'une unique entité, avec un unique système de valeurs. Et son système de valeurs se résumait à la notion de suprématie de l'Etat. L'individu comptait pour rien selon ses critères d'évaluation, et les individus qui se retournaient contre l'Etat et engendraient leurs propres valeurs étaient l'ennemi."
"L'aide qui te parvient provient d'un univers parallèle. Une autre Terre qui a suivi un développement historique différent du nôtre. Celle-ci semble ne pas avoir traversé la révolution protestante, la Réforme ; le monde s'est sans doute trouvé divisé entre le Portugal et l'Espagne, les deux plus grandes puissances catholiques. Leurs sciences évolueraient, servantes d'objectifs religieux et non d'objectifs rationnels comme nous avons dans notre univers. Tu as tous les éléments pour ça : une aide de nature manifestement religieuse, en provenance d'un univers, d'une Amérique contrôlée par la première puissance maritime catholique.
Philipp K. Dick, Radio Libre Albemuth, Gallimard, Folio Science-Fiction. Traduit de l'américain et préfacé par Emmanuel Jouanne. (Titre original : Radio Free Albemuth, paru pour la première fois en 1985).
20:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : science-fiction, philip k. dick, radio libre albemuth, tim powers, paul williams
21/11/2006
The prestige
Après Following (1998), Memento (2000), Insomnia (2002) et Batman begins (2005), c'est le 5ème long-métrage réalisé par le jeune (il a 36 ans) Christopher Nolan. Avec une moyenne d'un film tous les 2 ans, celui-ci acquiert un rythme bien soutenu puisque The Dark Knight (aka Batman 2) est prévu pour 2008. Le réalisateur de la "bombe" Memento devient ce que l'on appelle un réalisateur prolifique. Pour l'adapation du roman éponyme de Christopher Priest (qui a valu à l'auteur le World Fantasy Award), Nolan a collaboré pour la deuxième fois avec son frère Jonathan, scénariste du film, comme il le fut également pour Memento.
Dans l'Angleterre victorienne du XIXème siècle, deux amis et brillants apprenti-magiciens sont voués à un grand avenir. Mais la compétition qui les oppose va vite tourner à la rivalité (jalousie oblige) qui elle va se transformer en affrontement sans pitié.
Les fans de thriller et de tours de passe-passe seront ravis. Le talentueux Christopher Nolan a su une nouvelle fois faire de son "produit" un savant mélange. Car si "Le prestige" est un film grand public, il n'en demeure pas moins une excellente refléxion sur les perversités cachées des hommes. Jusqu'où est-on prêt à aller lorsque la gloire, "le prestige" devient une quête obsessionnelle ? Au delà de perdre deux doigts d'une main, semble-t-il. La réponse est ici, à travers les tours de magie permettant aux deux malins et ex-comparses de subjuguer les foules, Nolan nous entraîne dans les arcanes de l'esprit humain, le tout conjugué à une intrigue faite de coups de théâtre et de fausse pistes surprenants. Normal, Nolan est un adepte du thriller (Insomnia, Memento). Impossible de savoir qui est qui et surtout qui l'emportera. Mais finalement, y aura-t-il un vainqueur dans ce jeu malsain ?
N'oublions pas de signaler aussi la prestation de l'excellent Christian Bale.
THE PRESTIGE (USA, Christopher Nolan, 130 mins). Avec Christian Bale, Hugh Jackman, Michael Caine, Scarlett Johansson, Piper Perabo, Rebecca Hall, David Bowie.
16:15 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : the prestige, christopher nolan, christian bale, hugh jackman, michael caine, scarlett johansson, rebecca hall, christopher priest, science-fiction, piper perabo, david bowie
18/11/2006
Pontesprit
Petite annonce publiée dans tous les journaux importants du Nevada pendant la semaine du 4 au 11 mars 2052 :
MOUREZ EN GAGNANT DE L'ARGENT
On recherche : des autorisés au suicide
Si vous possédez un permis de suicide légal et si vous pouvez prouver votre bonne santé ainsi que votre équilibre mental, nous vous offrons l'occasion d'apporter votre contribution à la science tout en laissant un héritage important à vos héritiers. Le PROJET THANOS versera jusqu'à 10.000 dollars aux sujets agréés. La somme versée dépendra des résultats obtenus par le sujet à la suite d'une série de tests psychologiques. Le minimum sera de 2500 dollars. [...]
Dans la même lignée que La guerre éternelle, Joe Hadelman (déja présenté dans une note précédente) nous entraîne dans une nouvelle confrontation spatiale entre humains et individus venant de lointaines galaxies. Ces être dotés de facultés télépathiques tuent avec une rapidité inouïe, est-ce possible dès lors de pouvoir communiquer avec eux ?
Traitant implicitement du même thème - l'absurdité de la guerre - Pontesprit (Mindbridge en anglais) est moins marquant que le roman qui valut à l'auteur le Prix Hugo. Toutefois la complexité de la structure narrative du texte le rend d'autant plus intéressant.
Joe Haldeman, Pontesprit, Gallimard, Folio Science-Fiction, 2004, 297 p. Traduit de l'anglais par Bruno Martin. (la première version du roman est de 1976).
02:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : joe hadelman, pontesprit, la guerre éternelle, prix hugo, science-fiction
16/11/2006
Au coeur de l'echo
En 1986, le désarmement mondial est accompli, ou presque. Les armes nucléaires soviétiques sont stockées sur la lune, les américaines sur mars. Toutefois, les américains possèdent un atout non négligeable, le transmetteur de matière, inventé par le mathématicien polonais Panofsky. Cet engin permet de multiplier à volonté des êtres humains. Pour perpétrer un massacre de masse ?
Un seul mot : inoubliable.
Né en 1940 à Des Moines (Iowa), Thomas M. Dish est un éminent écrivain américain de science-fiction. Très cynique, il se moque et porte un jugement sans appel sur l'humanité et ses tares. Dans Poussière de lune (Edition Denoël, Collection Présence du Futur, n° 172), son récit pousse jusqu'à l'horreur. Génocides et Camp de concentration sont également des chefs-d'oeuvre.
Thomas Michael Dish, Au coeur de l'echo, Denoël, Présence du Futur, n° 144, 224 p.
00:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : thomas m. dish, au coeur de l'echo, science-fiction
27/10/2006
The Forever War
1997, un astronef terrien est abattu par un vaisseau Tauran dans la constellation du Taureau. C'est le prélude d'une guerre totale. La Terre envoie un contingent d'élite pour combattre l'ennemi. Mais avant cela, les "surdoués" devront subir un entraînement inhumain, auquel nombreux ne survivront pas. William Mandella fait partie des plus résistants, il va être de toutes les campagnes militaires, et survit à cette guerre qui n'en finit pas. Mais il n'est pas au bout de ses peines. Sans le savoir, il va franchir des portes de distortion spatio-temporelles, des centaines d'années s'écoulent...
Ce livre très bien écrit et passionnant (et un joli happy-end) est considéré comme l'une des oeuvres de science-fiction les plus réussies. Il obtint d'ailleurs le prix Hugo, en 1976 (Hugo Award ou Science Fiction Achievment Award), récompensant chaque année les meilleurs récits de science-fiction ou de fantasy publiés l'année précédente. Le nom de la récompense rend hommage à Hugo Gernsback, fondateur d'un des premiers magazines de science-fiction américain, Amazing Stories. Autre consécration : le prix Nebula (1975), décerné chaque année par la Science Fiction and Fantasy Writers of America à l'oeuvre de science-fiction jugée la plus novatrice.
L'auteur
A travers son roman, Joe Haldeman, un vétéran de la guerre, met en avant ses convictions : absurdité de la guerre, déshumanisation des soldats, manipulations psycho-mentales, comportement va-t-en guerre des politiques...
Né à Oklahoma City en 1943, il grandit dans plusieurs endroits (Nouvelle-Orléans, Washington D.C, Alaska...). Après des études d'astronomie, il part pour le Vietnam en 1967. A son retour il étudie les mathématiques et l'informatique de 1969 à 1970. Puis se coonsacre à l'écriture. Sa première nouvelle s'intitule War Year (1972). Puis on retrouve son expérience de guerre dans son roman, La guerre éternelle (1975), pour lequel il obtient un master en écriture de l'université de l'Iowa. En 1977, il publie une anthologie, "La troisième guerre mondiale n'aura pas lieu" (Study war no more). En 1997, il donne une suite à "La guerre éternelle", La paix éternelle (Prix Hugo et Nebula), suivi de La liberté éternelle (1999). Cette trilogie sera adaptée en une bande dessinée de 3 volumes par Marvano (colorisée par Bruno Marchand sous le titre Libre à jamais, dans la collection FictionS, aux éditions Darguaud). En qui concerne La guerre éternelle, une série télévisée (USA) est en cours de production : The Forever War series. Le long-métrage Starship Troopers (Paul Verhoven, 1998) ressemble étrangement à l'histoire du roman de Haldeman, que l'on ne s'y trompe, c'est une adaptation du roman éponyme de Robert A. Heinlein, paru en 1959.
Joe Haldeman est également conseiller pour la National Space Society, membre du Space Studies Institue, et a été président de la Science Fiction and Fantasy Writers of America (1992-1994). Parmi ses autres romans connus : Pontesprit (Mindbridge, 1976), En mémoire de mes pêchés (All my sins remembered, 1977), Le vieil homme et son double (The Hewingway hoax, 1990), Camouflage (2004), War stories (2005)...
Joe Haldeman, La guerre éternelle, J'ai Lu, SF, numéro 1769, 2001. (Le livre est paru pour la première fois en 1975). Titre original (en anglais) : THE FOREVER WAR.
Site officiel : http://www.home.earthlink.net/~haldeman/
Biblio en français : http://www.bdfi.net/auteurs/h/haldeman_joe.htm
16:10 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : joe hadelman, the forever war, prix hugo, la guerre éternelle, science-fiction