11/01/2018
Egypte - Irak - Syrie - Yémen
Hormis le fait que ces quatre Etats présentent des drapeaux similaires, ils ont également en commun une histoire toute récente très mouvementée (l'adjectif est faible). Trois de ces pays arabes du Moyen-Orient ont vécu en 2011 le "Printemps arabe". Après une Première révolution (25 janvier-11 février 2011) qui mettait sur la touche le président Hosni Moubarak mais qui se terminait le 3 juillet 2013 avec le renversement de Mohamed Morsi (1), l'Egypte rentrait dans le rang avec le retour d'une présidence exercée par un homme issu de l'armée (Al-Sissi). Modifié à plusieurs reprises durant la deuxième moitié du XXème siècle, le drapeau (voir ci-contre) fut le même que celui de la Syrie entre 1958 et 1961 (les deux pays formaient à ce moment-là l'éphémère République Arabe Unie) puis entre 1972 et 1980 (les deux pays formant avec le Yémen une autre association éphémère, l'Union des Républiques arabes).
Le drapeau actuel date du 4 octobre 1984 (proportions 2:3) et porte au milieu de la bande blanche l'Aigle de Saladin (2) portant un écu et un bandeau portant le nom du pays en arabe. Plongée depuis 2011 dans ce qu'on peut appeler une guerre civile et régionale très complexe, la Syrie a changé de drapeau pas moins de neuf fois depuis 1920. Réadopté le 30 mars 1980, celui-ci (2ème drapeau) est le même que celui de la République Arabe Unie (voir plus haut), avec une couleur rouge légèrement éclaircie. Les deux étoiles représentent ainsi la Syrie et l'Egypte.
Inutile de rappeler ce que vécut l'Irak depuis 2003 : invasion américaine, guerre civile, présence de l'Etat islamique (Daech) sur une portion du territoire... Au centre de la bande du milieu (3ème drapeau, est inscrite (version courte) la shahâda, la profession de foi de l'islam dont elle constitue le premier des cinq piliers. Avec le Somaliland et l'Arabie Saoudite, l'Irak est la troisième entité politique à arborer ce symbole. Après la guerre civile (1967-1990) dont la fin marquait l'unification du Yémen, celui-ci entrait dans une nouvelle guerre locale en 2004 (Guerre du Saada).
A celle-ci se conjuguait la Révolution yéménite du Printemps arabe (27 janvier 2011-25 février 2012), mouvement de contestation populaire qui s'acheva avec le départ du président de la République Ali Abdallah Saleh. En 2014, une nouvelle guerre civile éclate, opposant la rébellion chiite Houthi aux forces fidèles à l'ex-président Saleh (celui-ci est tué par les Houthis le 7 décembre 2017). En mars 2015, le conflit s'internationalisait avec l'intervention militaire d'une coalition de pays arabes menée par l'Arabie Saoudite. Seul PMA du Moyen-Orient (si l'on considère que l'Afghanistan n'est pas compris dans cette zone géographique), le Yémen vit actuellement une famine touchant 8 millions de personnes (la population totale est de 26 millions). Son parcours politico-économique récent en fait par excellence ce qu'on appelle un Etat failli, ou encore, un Etat effondré. Les couleurs du drapeau adopté le 22 mai 1990 sont, comme pour les trois autres drapeaux, les couleurs panarabes :
- bande rouge : maison Hachémite du prophète Mohamed
- bande blanche : dynastie Omeyyade de Damas (661-750)
- bande noire : dynastie abbasside de Bagdad (750-1258) (3)
J. N
République arabe unie (1958-1961)
Union des Républiques arabes (1972-1977)
(1) Président du Parti Liberté et Justice (formation politique issue des Frères musulmans), il remporte l'élection présidentielle du 14 juin 2012, devenant le premier président égyptien élu démocratiquement. Le 3 juillet 2013, il est renversé par un coup d'Etat militaire, à la suite d'un vaste mouvement de contestation populaire.
(2) Objet panarabe utilisé en héraldique comme ornement extérieur de l'écu, l'Aigle de Saladin tire son origine du vizir d'Egypte Saladin qui avait unifié le monde arabe au XIIème siècle.
(3) Le vert est également une couleur du panarabisme (représentant la dynastie Fatimide) et se trouve sur d'autres drapeaux de pays arabes comme ceux de l'Autorité palestinienne et de la Jordanie.
16:00 Publié dans Drapeau | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : etat failli, etat effondré, couleurs panarabes, yémen, egypte, syrie, irak, shahâda, printemps arabe, république arabe unie
26/12/2013
Failed States Index - 2013
Le think tank américain Fund for Peace (1) publie chaque année depuis 2005 son classement des "Etats faillis" (Failed States). Flou et controversé, le concept définit généralement un Etat failli comme étant incapable aussi bien de maintenir un contrôle sur l'ensemble de son territoire (et d'avoir le monopole de la violence légitime, une idée chère à Max Weber), d'exercer une autorité légitime afin de prendre des décisions collectives, de procurer des services publics, et inapte à interagir avec la communauté internationale comme membre à part entière de cette dernière.
Souvent utilisée par les journalistes et commentateurs politiques pour décrire un Etat qui ne remplit pas les critères objectifs de souveraineté (2), cette notion fut critiquée par le linguiste et philosophe américain Noam Chomsky qui, dans son ouvrage Failed States : The Abuse of Power and the Assault on Democracy (2007), souligne l'ambigüité du concept, applicable selon lui aux Etats-Unis d'Amérique qui représenteraient une menace pour la sécurité internationale.
En théorie des Relations Internationales, cette notion fait suite à d'autres théories convergentes sur le dysfonctionnement de l'Etat. L'américain Robert Jackson parle en 1993 (3) de "quasi-Etat". Tout en détenant une personnalité juridique, cet Etat est privé de prérogatives essentielles (monopole de la violence, ressources économiques), et ne survit que grâce à la bienveillance de la communauté internationale. En 1995, un autre académicien américain, William Zartman, exposait sa théorie de l'"Etat effondré" (collapsed State) (4). Incapable de générer de la cohésion sociale, cet Etat est marqué par le patrimonialisme et la corruption. Les instances officielles sont dès lors concurrencées par des sources de pouvoir alternatives qui remettent en cause sa légitimité (Zartman appliqua ce concept à la Somalie, le Libéria, et l'ex-Yougoslavie). Quatre éléments montrent le caractère effondré de l'Etat :
- Il ne fonctionne plus comme centre de décision, perd sa légitimité, perd le droit de dicter les droits et les finalités collectives de la société.
- Il n'est plus le symbole de l'identité nationale. Il ne peut plus donner un nom à ces habitants et une signification à leurs actions sociales.
- L'organisation politique centrale n'exerce plus son autorité sur l'ensemble du territoire.
- L'Etat, en tant qu'acteur économique, ne dispose plus de capacités extractives et redistributives.
En 2005, est apparue la notion d'"Etat fragile". Elle présente une différence ostensible avec les autres. "Son émergence provient spécifiquement de l'initiative d'organisations : elle n'est pas le fruit de recherches politologiques mais d'une production institutionnelles de normes" (5).
Ainsi, au-delà des nuances existantes, ces quelques notions, sensiblement proches finalement, ont pour dénominateur commun d'évaluer (ou de stigmatiser) l'ampleur de dysfonctionnement d'un Etat reconnu par l'ensemble de la communauté internationale.
Portant sur 178 Etats, le classement de Fund for Peace qualifie d'Etat le plus failli en 2013 la Somalie (1e), suivie de la République Démocratique du Congo (ou Congo-Kinshasa) (2e) et du Soudan (3e). Les Etats les plus faillis de la planète sont fort logiquement des territoires pauvres ou marqués par des conflits militaires (présents ou passés). On retrouve chez les moins faillis les Etats scandinaves, toujours bien placés dans les classements "politiques" d'Etats. La Finlande est "première" (178e), suivie de la Suède (177e) et de la Norvège (176e). Jihad Naoufal
Les 10 Etats les plus faillis
1.Somalie
2.Congo-Kinshasa
3.Soudan
4.Sud-Soudan
5.Tchad
6.Yémen
7.Afghanistan
8.Haïti
9.Centrafrique
10.Zimbabwe
Les 10 Etats les moins faillis
178.Finlande
177.Suède
176.Norvège
175.Suisse
174.Danemark
173.Nouvelle-Zélande
172.Luxembourg
171.Islande
170.Irlande
169.Australie
Classement complet :
http://ffp.statesindex.org/rankings-2013-sortable
(1) Fund for Peace fut fondé en 1957. Basé à Washington D.C, son objectif principal est de prévenir les conflits.
(2) Pour une reflexion sur la souveraineté de l'Etat, Cf. Bertrand Badie, "De la souveraineté à la capacité de l'Etat", in Marie-Claude Smouts, Les nouvelles relations internationales - Pratiques et théories, 1998.
(3) Robert H. Jackson, Quasi-States : sovereignty, international relations and the third world.
(4) William H. Zartman, Collapsed States : The Desintegration and Restoration of Legitimate Authority.
(5) Jean-Marc Chataigner, Hervé Magro, Etats et sociétés fragiles: entre conflits, reconstruction et développement, 2007.
15:00 Publié dans Liste/Classement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fund for peace, etat failli, etat effondré, quasi-etat, etat fragile, william zartman, robert jackson, somalie, soudan, sud-soudan, yémen, zimbabwe, république démocratique du congo, finlande, suisse, suède, norvège, islande, nouvelle-zélande, luxembourg, tchad, afghanistan, haïti, centrafrique