26/12/2013
Failed States Index - 2013
Le think tank américain Fund for Peace (1) publie chaque année depuis 2005 son classement des "Etats faillis" (Failed States). Flou et controversé, le concept définit généralement un Etat failli comme étant incapable aussi bien de maintenir un contrôle sur l'ensemble de son territoire (et d'avoir le monopole de la violence légitime, une idée chère à Max Weber), d'exercer une autorité légitime afin de prendre des décisions collectives, de procurer des services publics, et inapte à interagir avec la communauté internationale comme membre à part entière de cette dernière.
Souvent utilisée par les journalistes et commentateurs politiques pour décrire un Etat qui ne remplit pas les critères objectifs de souveraineté (2), cette notion fut critiquée par le linguiste et philosophe américain Noam Chomsky qui, dans son ouvrage Failed States : The Abuse of Power and the Assault on Democracy (2007), souligne l'ambigüité du concept, applicable selon lui aux Etats-Unis d'Amérique qui représenteraient une menace pour la sécurité internationale.
En théorie des Relations Internationales, cette notion fait suite à d'autres théories convergentes sur le dysfonctionnement de l'Etat. L'américain Robert Jackson parle en 1993 (3) de "quasi-Etat". Tout en détenant une personnalité juridique, cet Etat est privé de prérogatives essentielles (monopole de la violence, ressources économiques), et ne survit que grâce à la bienveillance de la communauté internationale. En 1995, un autre académicien américain, William Zartman, exposait sa théorie de l'"Etat effondré" (collapsed State) (4). Incapable de générer de la cohésion sociale, cet Etat est marqué par le patrimonialisme et la corruption. Les instances officielles sont dès lors concurrencées par des sources de pouvoir alternatives qui remettent en cause sa légitimité (Zartman appliqua ce concept à la Somalie, le Libéria, et l'ex-Yougoslavie). Quatre éléments montrent le caractère effondré de l'Etat :
- Il ne fonctionne plus comme centre de décision, perd sa légitimité, perd le droit de dicter les droits et les finalités collectives de la société.
- Il n'est plus le symbole de l'identité nationale. Il ne peut plus donner un nom à ces habitants et une signification à leurs actions sociales.
- L'organisation politique centrale n'exerce plus son autorité sur l'ensemble du territoire.
- L'Etat, en tant qu'acteur économique, ne dispose plus de capacités extractives et redistributives.
En 2005, est apparue la notion d'"Etat fragile". Elle présente une différence ostensible avec les autres. "Son émergence provient spécifiquement de l'initiative d'organisations : elle n'est pas le fruit de recherches politologiques mais d'une production institutionnelles de normes" (5).
Ainsi, au-delà des nuances existantes, ces quelques notions, sensiblement proches finalement, ont pour dénominateur commun d'évaluer (ou de stigmatiser) l'ampleur de dysfonctionnement d'un Etat reconnu par l'ensemble de la communauté internationale.
Portant sur 178 Etats, le classement de Fund for Peace qualifie d'Etat le plus failli en 2013 la Somalie (1e), suivie de la République Démocratique du Congo (ou Congo-Kinshasa) (2e) et du Soudan (3e). Les Etats les plus faillis de la planète sont fort logiquement des territoires pauvres ou marqués par des conflits militaires (présents ou passés). On retrouve chez les moins faillis les Etats scandinaves, toujours bien placés dans les classements "politiques" d'Etats. La Finlande est "première" (178e), suivie de la Suède (177e) et de la Norvège (176e). Jihad Naoufal
Les 10 Etats les plus faillis
1.Somalie
2.Congo-Kinshasa
3.Soudan
4.Sud-Soudan
5.Tchad
6.Yémen
7.Afghanistan
8.Haïti
9.Centrafrique
10.Zimbabwe
Les 10 Etats les moins faillis
178.Finlande
177.Suède
176.Norvège
175.Suisse
174.Danemark
173.Nouvelle-Zélande
172.Luxembourg
171.Islande
170.Irlande
169.Australie
Classement complet :
http://ffp.statesindex.org/rankings-2013-sortable
(1) Fund for Peace fut fondé en 1957. Basé à Washington D.C, son objectif principal est de prévenir les conflits.
(2) Pour une reflexion sur la souveraineté de l'Etat, Cf. Bertrand Badie, "De la souveraineté à la capacité de l'Etat", in Marie-Claude Smouts, Les nouvelles relations internationales - Pratiques et théories, 1998.
(3) Robert H. Jackson, Quasi-States : sovereignty, international relations and the third world.
(4) William H. Zartman, Collapsed States : The Desintegration and Restoration of Legitimate Authority.
(5) Jean-Marc Chataigner, Hervé Magro, Etats et sociétés fragiles: entre conflits, reconstruction et développement, 2007.
15:00 Publié dans Liste/Classement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fund for peace, etat failli, etat effondré, quasi-etat, etat fragile, william zartman, robert jackson, somalie, soudan, sud-soudan, yémen, zimbabwe, république démocratique du congo, finlande, suisse, suède, norvège, islande, nouvelle-zélande, luxembourg, tchad, afghanistan, haïti, centrafrique
24/03/2011
Happy Planet Index
Le Happy Planet Index ou "indice de la planète heureuse" est un indicateur économique alternatif au PIB (et par extension à l'Indicateur de développement humain - IDH). Créé par un think tank britannique, le New Economics Foundation, cet indicateur prend en compte le bien-être humain et les incidences sur l'environnement. Classant les pays d'après trois indicateurs qui sont l'espérance de vie, le degré de bonheur des populations et l'empreinte écologique (1), l'IPH est considéré comme un indicateur d'efficience écologique.
Le classement 2009 comprenait 143 pays. Il faut noter qu'on ne retrouve aucun pays "occidental" dans les 42 premiers du classement, les Pays-Bas étant 43èmes et Malte 44ème. Viennent ensuite l'Allemagne (51e), la Suisse (52e) et la Suède (53e). La France n'est que 71ème, les Etats-Unis 114èmes, alors que la Chine est classée 20ème. Le haut du classement consacre l'Amérique latine avec pas moins de 8 pays dans les 11 premiers (figurent également Cuba et la Jamaïque appartenant à la zone Caraïbes). La palme d'or revient au Costa-Rica (1er), l'un des rares pays démocratiques du monde à fonctionner sans armée (le budget a été transféré à l'éducation). Viennet ensuite la République dominicaine (2e), la Jamaïque (3e), le Guatemala (4e) et le Vietnam (5e). L'Egypte est bizarement 12ème, un classement qui a certainement du changé depuis le soulèvement populaire de l'hiver 2011 qui mettait en exergue le malaise d'une société souffrant de précarité.
Le bas du classement est logiquement occupé par des pays africains. Sur les 20 derniers du classements, 18 sont des pays africains (on retrouve également l'Estonie, 131ème...). Le Zimbabwe est bon dernier (143ème). Viennent ensuite la Tanzanie (142e), le Botswana (141e), la Namibie (140e) et le Burundi (139e).
Classement complet sur le site du NEF :
http://www.happyplanetindex.org/
(1) L'empreinte écologique comptabilise la demande exercée par les hommes envers les "services écologiques".
18:40 Publié dans Liste/Classement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : happy planet index, zimbabwe, tanzanie, botswana, namibie, costa-rica, jamaïque, république dominicaine, états-unis, france, pays-bas, guatemala, estonie, vietnam, egypte, new economics foundation