17/11/2020
Active Measures
Diffusé il y a deux ans de cela, ce documentaire est le premier à mettre en avant une interférence politique russe dans la campagne présidentielle américaine de 2016 en faveur de l'ancien président US Donald Trump. Le raisonnement part du principe des "mesures actives" (nom du documentaire) qui sont les "techniques de guerre politique conduite par les services de sécurité en URSS puis en Fédération de Russie pour influencer le cours des événements mondiaux, en plus de collecter du renseignement" (Chritopher Andrew, Vasili Mitrokhin, The Mitrokhin Archive. The KGB in Europe and The West, 2018). Elles incluent la désinformation, la propagande, la contrefaçon de documents officiels...etc.
Le journaliste Jack Bryan fonde son raisonnement en démontrant les liens entre Trump et les milieux "économico-mafieux" russes au début des années 2000 après que le business de l'ex-locataire de la Maison-Blanche se soit trouvé dans le rouge durant les années 1990 (notamment des propriétés foncières acquises par l'oligarque russe David Bogatine). Que le documentaire montre à travers la collusion entre milieux économiques et sphère politique que l'élection de Trump n'était pas honnête (et que ce dernier baigne dans l'illégalité) est une bonne chose. On le savait déjà mais le réalisateur a le mérite d'établir pour le grand public tellement ignorant un récit pertinent et des images d'archives appuyant son propos principal. La pertinence est appuyée par l'expertise de nombreux interviewés (sauf que la plupart, politiques, hauts fonctionnaires, politologues (etc...) sont tous quasiment américains...).
Par contre, beaucoup moins intéressant et crédible est le discours complotiste, si nous partons du principe que cette vision des choses - synonyme de paresse intellectuelle - constitue une thèse selon laquelle des événements seraient secrètement planifiés par un groupe d'individus dans le but de conquérir politiquement et de dominer économiquement le monde. Discours complotiste, propagandiste et largement manichéen (une marque de fabrique purement américaine). On a un problème avec cette vision largement véhiculée par une certaine élite politique américaine qui consiste à dire "les politiques russes sont mauvais, ils complotent contre nous et déstabilisent des gouvernements". Le constat n'est probablement pas faux (et cette interférence russe a d'ailleurs inspiré la saison 7 de la série Homeland (2011-2020) et notamment l'épisode 5 intitulé "Active Measures"...) mais les autorités américaines ont fait de même, tout au long du XXème siècle par exemple, n'hésitant pas à déstabiliser en Amérique Latine des gouvernements démocratiquement élus et à financer des coups d'Etat.
Que le documentaire soit anti-russe et à charge n'est pas un problème en soi. Le souci est l'hypocrisie (ou simplement la myopie) du raisonnement. Plus intéressant est le fait que le documentaire nous enjoint à réflechir sur un thème récent, celui du lien entre cyberespace et souveraineté des Etats, que posait déjà un autre documentaire , traitant de cyberguerre, Zero Days (2016). J N
Active Measures (Jack Bryan, USA, 2018, 109 min)
09:26 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : active mesures, jack bryan, donald trump, vladimir poutine, etats-unis, russie, urss, union soviétique, campagne présidentielle américaine de 2016, élection présidentielle américaine de 2016, mesures actives, kgb, politique, complot, théorie du complot
12/06/2019
Chernobyl : HBO is Back
Le 26 avril 1986 survenait la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, plus grand accident nucléaire du XXème siècle. Celui-ci se déroulait non pas à Tchernobyl même (ville située à 96 km au nord de Kiev, capitale actuelle de l'Ukraine) mais à Prypiat, ville fondée en 1970 et située à 3 km de la centrale nucléaire et à 10 km au nord de Tchernobyl. En raison de la zone d'exclusion de 30 km mise en place autour de la centrale suite à l'accident, Prypiat est désormais inhabitée et constitue une "ville fantôme".
L'accident a été provoqué par l'augmentation incontrôlée de la puissance du réacteur n°4 , conduisant à la fusion du cœur. Cela entraîna le craquage de l'eau des circuits de refroidissement, entraînant un explosion et la libération d'importantes quantités d'éléments radioactifs dans l'atmosphère, provoquant une très large contamination de l'environnement.
Cela faisait un moment que la chaîne culte HBO ne nous avait proposé quelque chose de transcendant dans la catégorie 'drame'. Celle qui inaugura les séries à épisodes d'une heure (OZ, 1997-2003), qui concocta la meilleure série de tous les temps (The Wire, 2002-2008) et qui vient de boucler la mythique Game of Thrones (diffusée dans 173 pays) semblait être relativement en perte de vitesse face aux productions solides des chaînes (AMC, Showtime, Starz et autres) ou sites (Netflix, Amazon) concurrents. En effet, si la saison 1 de True Detective (2014-2018) était brillante, elle comportait toutefois un bémol majeur : le peu de caractères féminins. Par ailleurs, le ratage total de la saison 2 (innover tout en restant dans la logique de la saison 1) et la déception de la saison 3 (ça manque cruellement de rythme) "baissaient" la note de cette série-anthologie.
Il faut dire qu'il était difficile de faire aussi bien que le foisonnement brillant des années 2000. Citons sans exhaustivité la fable sociale The Sopranos (1999-2004), Six Feet Under (2001-2005), les mini-séries de guerre (Band of Brothers, 2001 ; Generation Kill, 2008 ; The Pacific, 2010), la poétique Deadwood (2004-2006), arrêtée faute de budget, l'ultraréalisme de Rome (2005-2007), également stoppée faute de moyens, l'univers mormon de Big Love (2006-2011), les vampires sexy de True Blood (2008-2014)...etc.
Pour la décennie en cours, nous avons été secoués par l'extrémisme de The Leftovers (2014-2017), épatés par la réflexion décalée sur le pape de The Young Pope (2017), ennuyés par Show me a hero (2015), Big Little Lies (2017 - ) et The Deuce (2017- ), même si le thème traité par la troisième citée (l'ascension de l'industrie porno à New York durant les années 1970) est intéressant en soi, et sans avis sur l'univers familial et sans pitié de la haute finance dans Succession (2018- ). Quant à la géniale Westworld (2016- ), une des meilleures productions HBO de ces dernières années, à notre sens, nous la classons à part pour son côté surréel (même chose pour Carnivale (2003-2005) et sa dimension surnaturelle).
Quatre éléments essentiels font de Chernobyl une mini-série brillante : une reconstitution minutieuse du drame conjuguée à une explication technique claire (permettant aux néophytes dont nous faisons partie de s'y retrouver), un récit poignant rendant hommage à toutes ces personnes touchées de près ou de loin par le drame (des pompiers - premiers arrivés sur les lieux et contaminés de manière effroyable - aux scientifiques déchus pour avoir dit la vérité), une narration à la fois palpitante et angoissante (comme seule sait le faire HBO...), et enfin l'atmosphère délétère (magnifique photographie) d'une Union soviétique en pleine déliquescence. Dans ce sens, Chernobyl est également une allégorie d'un système socio-politique qui ne fonctionnait plus. Arrivé au pouvoir en mars 1985 (soit un an avant le drame), l'ancien premier secrétaire du Parti communiste d'Union soviétique (1985-1991), Mikhaïl Gorbatchev tentait en vain de stopper hémorragie (avec les fameuses perestroïka et glasnot). En 2006, il écrivait que "c'est peut-être le drame de Tchernobyl qui a causé l'effondrement de l'URSS". Tandis que cette tragédie mettait en exergue l'impéritie et l'incurie d'une administration soviétique autoproclamée omnisciente, elle menait dans le même temps à la mort (directe et indirecte) de 4000 à 93.000 personnes d'après des études scientifiques. Aujourd'hui, le nombre officiel (établi en 1987) est toujours de 31 morts...
Si nous affirmions que Chernobyl est la meilleure production HBO depuis The Wire, c'est parce que nous considérons que Game of Thrones avait perdu de sa splendeur à partir de la saison 5, moment à partir duquel la série dévie ostensiblement du roman, pression des producteurs et des fans (entre autres) oblige... Cela ne change pas le fait que cette série demeure avec The Wire et Breaking Bad (AMC) les trois séries que nous notons 10/10 sur le site IMDB, auxquelles nous ajoutons désormais Chernobyl. Cette dernière est d'ailleurs la série la mieux notée actuellement sur IMDB avec une moyenne de 9.6, devant Breaking Bad (9.5), Game of Thrones (9.4) et The Wire (9.3). Il faut toutefois noter que les deux premières enregistrent respectivement 1.217.789 et 1.548.207 votants tandis que Chernobyl n'en enregistre pour le moment que 219.046 (moins connue du grand public, The Wire enregistre pour sa part 246.667 votes).
Enfin, côté russe, les médias n'ont pas apprécié et ont qualifié la série d'être grosso modo de la propagande anti-russe. A l'heure de la nouvelle guerre froide entre Russes et Américains, la réaction est fort logique... J N
CHERNOBYL (HBO, 5 épisodes, 6 mai - 3 juin 2019)
- Création : Craig Mazin.
- Réalisateur : Johan Renck.
- Cast : Jared Harris, Stellan Skarsgard, Emily Watson, Paul Ritter, Adam Nagaitis, Con O'Neill, Jessie Buckley, Sam Troughton.
16:09 Publié dans Series | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : hbo, chernobyl, catastrophe de tchernobyl, jared harris, emma thompson, union soviétique, urss, ukraine, russie, mikhaïl gorbatchev, catastrophe écologique, réacteur n°4, the wire, breaking bad, game of thrones
14/01/2012
Azerbaïdjan
On termine avec la dernière ex-république soviétique turcophone. Le drapeau fut d'abord utilisé entre 1918 et 1920, période de guerre civile dans l'Empire russe, suite à aux deux révolutions russes de février et octobre 1917. Il fut celui de l'éphémère Répblique de Transcaucasie. Le bleu renvoie renvoie aux racines turques du peuple azéri, le vert à ses racines musulmanes et le rouge au progrès et à la modernisation. La signification de ces couleurs fut exprimée par le leader nationaliste Ali Bey Hussein Zade. Le croissant de lune est également un symbole de l'islam et l'étoile à 8 branches renvoie officiellement aux 8 familles ethno-linguistiques de l'islam et ce qui est étonnant est que 7 branches uniquement sont cités ! C'est du moins l'information fournie par les différents sites spécialisés. Il s'agit des groupes suivants : Azéris d'Azerbaïdjan, Ottomans (turcs d'Anatolie), Chagataï (ou turkmènes), Kiptchaks (Kazakhs et Kirghizs), Seldjouks (Azéris d'Iran) et Turkomans (Turkmènes du Turkménistan)... Très étonnant. Il faut préciser qu'aujourd'hui cette classification n'a pas vraiment de valeur. Par ailleurs, opérer une classification des peuples turcs est très compliqué à réaliser, en raison des mélanges de populations (sans oublier l'influence perse sur l'Asie centrale) qui se sont fait tout au long de l'histoire de l'Asie centrale, des migrations est-ouest...etc. J. N