free website counter html
free website counter html

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/10/2021

La patrouille du temps

51ae-eggz9L._SX307_BO1,204,203,200_.jpgEncore un auteur qu'on lit sur le tard. On a clairement compris, en lisant cette nouvelle d'une centaine de pages (les autres nouvelles qui lui font suite dans cette édition Le Livre de Poche sont des histoires connexes), la raison pour laquelle Poul Anderson (1926-2001), lauréat de 7 prix Hugo et trois prix Nebulla (excusez du peu) était un auteur de science-fiction avec une grande influence, aussi bien sur la littérature du même genre que sur le cinéma (une de ses oeuvres a d'ailleurs inspiré l'ambitieux Avatar de James Cameron).

Poul-Anderson-Guardians-of-Time-Cover-1961.jpgDans les années 1950, Manse Everard, en quête désespérée de travail, est recrutée par la "Patrouille du temps". Lors d'un stage intensif, les recrues apprennent le "temporel", la langue commune des patrouilleurs. Et pour cause, ces derniers sont éparpillés sur d'incalculables temporalités. Le voyage dans le temps? Découvert 100 siècles plus tard par les Danelliens, cette race de surhommes qui n'en peut plus que des hurluberlus sautent dans le temps qui pour se tailler un empire qui pour effacer une civilisation. Car au final, c'est eux l'enjeu... Les patrouilleurs ont pour mission de "restaurer" le temps, ce qui n'est sans rappeler Loki et le Tribunal des variations anchroniques. Everard est balancé d'époque en époque (ça commence en Angleterre, au XIXe) pour résoudre plusieurs énigmes pressantes. Il n'en sortira pas indemne.

Vaste projet débuté avec cette nouvelle dont les suites seront innombrables : place de l'homme dans l'univers, thématique de la renaissance métaphysique, sujet incontournable du libre-arbitre, clash des civilisations, le temps, la mémoire...etc. C'est foisonnant et c'est brillamment distillé dans un récit aussi court. Au final, il s'agit essentiellement d'un traitement intelligent via le space opera du thème du paradoxe du temps, qu'on retrouvera également chez de nombreux auteurs de SF de la même génération (Robert Silverberg, Richard Matheson) ou qui les précéda (Clifford Simak, Robert Heinlein). Avec un peu plus de temps, on arrivera bien à "choper" et lire deux autres romans majeurs de celui qui a reçu également le prix de Grand maître de la science-fiction (1997), Barrière mentale (1954) et Tau Zero (1970). J. N.

Poul Anderson, La patrouille du temps (et autres nouvelles), Le Livre de Poche, 2020 (2014), 286 p.

(publié pour la première fois en 1960 sous le titre original Guardians of Time)

06/10/2021

Mondocane

jacques barbéri,mondocane,science-fictionEncore et toujours ces hasards que nous aimons bien. Encore un auteur de SF confirmé depuis un moment déjà et que nous avons découvert il y a quelques temps seulement, dans une librairie d'un pays certes francophone (au Moyen-Orient) mais où il n'y a quasiment pas de public pour la Science-Fiction, catégorie littéraire au "style très codifié" disait N. En termes de hasard, on découvrait également que l'auteur - publié chez La Volte depuis la fin des années 2000 - était né à Nice, la ville où on se rendait pour la première fois. On s'est étonné d'avoir pu abattre la moitié de ce roman de SF décousue durant ce vol de nuit de 04h30.

Il faut dire que l'univers de l'auteur était présenté comme proche de celui de Philip K. Dick (1), notre auteur préféré, et que ses thématiques le rapprochaient de même de notre cinéaste préféré, David Cronenberg. La messe était dite. Plus aucune hésitation possible. Un monde aseptisé mais distordu à souhait et géré par les intelligences artificielles Petit Poucet et Guerre et Paix. Préserver la race humaine. Mais peut-on encore parler de "race" ou d'"espèce" à l'heure de la recomposition permanente? Dans ce spectacle fantasmagorique où parler de désespoir humain dans un monde post-apocalyptique serait un euphémisme, Jack Ebner se réveille après 7 ans ce cryogénisation. Un monde qui lui est inconnu mais qui ne l'empêche pas de s'enfoncer dans sa quête désespérée. Il faut avoir beaucoup de talent et une imagination puissante pour concocter du post-cyberpunk retourné dans tous les sens. De la grande SF sombre et surréaliste que nous aurions sans doute gagné à lire dans un contexte plus tranquille. Un récit inoubliable. J. N.

Jacques Barbéri, Mondocane, Folio SF, 2018, 277 p. 

(Publié pour la première fois aux éditions La Volte en 2016)

 

(1) Le dieu venu du centaure (1965), un des romans phares de Philip K. Dick aurait définitivement fait pencher Barbéri vers l'écriture de la SF durant les années 1970. Il rédigera en 2010 Le tueur venu du Centaure...

30/09/2021

L'étoile et le fouet

L-etoile-et-le-fouet.jpgEn attendant d'aller regarder Dune (pass sanitaire oblige...), nouvelle adaptation du chef-d'oeuvre incontournable de Frank Herbert, nous avions décidé de lire une saga moins connue, notre première de l'auteur. L'étoile et le fouet - traduction imparfaite mais obligée de Whipping Star... - est le premier volet du Cycle des Saboteurs (titre original : ConSentiency), écrit en 1973 et 1979 (The Dosadi Experiment constitue le volet 2) mais fréfigurée par deux nouvelles, écrites en 1958 (Tracer son sillon) et 1964 (Délicatesse de terroristes).

Au menu : univers de la CoSentience, Bureau du Sabotage, couloirs S'oeils... Les autorités n'ont d'autre choix que d'envoyer en mission Jorj X. McKie, saboteur Extraordinaire, auprès d'une Calibane, pour un résoudre un problème urgent : l'augmentation vertigineuse de suicides de Calibans un peu partout dans l'univers. Le problème est d'autant plus grave que ces derniers sont les seuls qui maîtrisent les couloirs S'oeils permettant de se déplacer instantanément à travers la galaxie. On retrouve à travers ce récit d'êtres omnipotents bien malgré eux un  thème central (et jamais épuisé) chez Frank Herbert, celui de la divinité. Apparaît également l'autre thème central, problème ô combien fondamental aujourd'hui, la communication, à la fois pierre angulaire et noeud gordien de sociétés qui n'en finissent pas de dépérir. De la SF complexe et intellectualisée. Comme on l'aime.

J. N.

Frank Herbert, L'étoile et le fouet, Le Livre de Poche, 2018, 219 p.

(publié pour la première fois en 1973 sous le titre original Whipping Star)

20/09/2021

L'homme stochastique

science-fiction,robert silverberg,l'homme stochastique,libre-arbitre,déterminisme,renaissance spirituelle,silverberg,prédire l'avenirIl faut dire que cela faisait un bail que nous n'avions plus lu un de nos auteurs fétiches de SF. Nous sommes tombés par hasard sur ce roman dans une librairie où nous ne nous attendions pas trouver de la science-fiction, découvrant au passage cette collection SF de Robert Laffont. Notre dernier commentaire sur Silverberg remontait tout de même à début 2015, avec Le Temps des changements, véritable tour de force à notre sens. Nos premiers commentaires concernaient deux romans cultes, L'oreille interne et L'homme dans le labyrinthe. Faute de temps, nous n'avons jamais pu nous atteler à la lecture du Cycle de Majipoor.

La stochastique, définie simplement comme l'art de conjecturer, est le talent que possède Lew Nichols. Cette prouesse lui permet d'être recruté comme conseiller politique de Paul Quinn qui vise la mairie de New York puis carrément la Maison-Blanche. Nichols a tout pour monter en grade mais voilà que fait irruption dans sa vie l'énigmatique Carvajal, capable tout simplement de lire l'avenir et prêt à lui transmettre ce don ô combien convoité...

Consacré Grand Maître de la science-fiction en 2003, Robert Silverberg propose ici une réflexion pertinente sur les concepts de déterminisme et de libre-arbitre, qui n'est pas sans rappeler Les chaînes de l'avenir de Philip K. Dick. Etrangement, le récit en soi, centré sur la stratégie politique, rappelle quant à lui, le premier roman de Dick, Loterie solaire (1955). Cette sorte de "mix" entre deux oeuvres de notre auteur préféré de SF ne nous a pas empêché de lire ce livre d'une traite et avec plaisir. J. N.

Robert Silverberg, L'homme stochastique, Robert Laffont, Pavillons Poche Imaginaire, 2019 (1977), 355 p.

Publié pour la première fois en 1975 sous le titre original The Stochastic Man.

12/04/2021

Les Fantômes du roi Léopold

adam hochschild,les fantômes du roi léopoldIl est évident que nous avions une idée  - en tant qu'historien de formation -  de la "mise en esclavage" effectuée au Congo (l'actuelle République Démocratique du Congo - ou Congo-Kinshasa) à la fin du XIXème siècle par les autorités bélges. Nous n'imaginions pas, par contre, l'ampleur de cette colonisation hyper repressive dont l'unique objectif était bien évidemment l'enrichissement personnel du roi belge de l'époque, Léopold II (1835-1909), désirant rehauser le statut de puissance de la Belgique à un moment où les autres puissances européennes (notamment britanniques et françaises) faisaient la course à la colonisation de l'Afrique.

Dans ce qui deviendra un best-seller, l'historien, écrivain et reporter américain Adam Hochschild (1942 -  ) décortique les crimes coloniaux commis par la Belgique au Congo, c'est-à-dire la réduction en esclavage (accompagnée de mutilations, sévices en tous genres et exécutions sommaires) d'une large population assignée à exploiter les ressources naturelles, notamment le caoutchouc dont l'expédition à Bruxelles servira à renforcer la puissance économique de la Belgique. Cette politique systématique se met en place dans le territoire actuel de la RDC, annexé à titre personnel par Léopold II et devenant l'"Etat indépendant du Congo" (1885-1908).

En parallèle de ce tableau dressant les horreurs infligées aux autochtones, Hochschild raconte l'histoire de ces (anti)héros qui brisèrent le silence et osèrent dénoncer cette colonisation acceptée en Occident au nom de l'exportation de la civilisation : missionnaires, écrivains, avocats, diplomates dont l'action courageuse entraînera le premier mouvement international de défense des droits de l'homme, prémisse de la fondation de futures associations luttant pour les droits de l'homme.

Vu le statut de l'ouvrage (traduit en plusieurs langues), celui-ci a fort logiquement été examiné par de nombreux historiens et académiciens, certains pointant des raccourcis fallacieux et d'autres des erreurs factuelles. Le principal point de discorde concerne le nombre de morts et il est reproché à l'auteur des approximations démographiques. C'est la question la plus problématique car avancer tel ou tel chiffre mène obligatoirement - lorsqu'il y a massacre d'une population spécifique - à aborder les questions de nettoyage ethnique, crime contre l'humanité et génocide. Dans ce sens, certains reprochent à Hochshild qui avance le chiffre de 10 millions de morts un "tour de passe-passe statistique". C'est le principal bémol de l'ouvrage car il impossible d'estimer le nombre de personnes massacrées vu que l'estimation de la population totale du Congo à l'époque ne met personne d'accord. Quant aux morts, les chiffres avancés vont - selon les auteurs des recherches - de 3 millions à 30 millions.

Pour sa part, Hochshild n'hésite pas à parler de génocide, affirmant qu'il "acquit la conviction que le nombre de morts ayant décimé le Congo au siècle dernier était comparable à celui de l'Holocauste" (p. 17). La comparaison est dangereuse et un peu rapide pour la raison déjà évoquée (l'impossibilité de chiffrer la population de l'époque et le nombre de morts) mais également en ce qui concerne la nature du génocide. Celui-ci est défini comme "un crime consistant en l'élimination concrète intentionnelle, totale ou partielle, d'un groupe national, ethnique, ou encore religieux, en tant que tel". Il faut donc prouver qu'il y avait une intention politique (mais également un système planifié et appliqué de manière systémique) d'éradiquer une population. Or, il semblerait que cette politique léopoldienne - toute effroyable qu'elle fut et à juste titre condamnable - avait pour objectif l'enrichissement et son corrolaire la répression. Dans cette optique, l'historienne britannique Barbara Emerson affirme : "Léopold n'a pas fait un génocide. Il était avant tout avide de richesse".

L'utilisation abusive du terme 'génocide' doit expliquer que le premier sous-titre français de l'ouvrage (l'édition de 1998), "Un holocauste oublié", ait été modifié en 2007 en une déclaration moins "radicale" ("La terreur coloniale").

Il n'en reste pas moins que génocide ou pas, l'ouvrage jette une lueur crue et lucide sur les atrocités commises par les colonisateurs belges (et autres) en Afrique, au nom de valeurs civilisationnelles, inspirées des Lumières... A lire absolument. J N

Adam Hochshild, Les Fantômes du roi Léopold. La terreur coloniale dans l'Etat du Congo 1884-1908, Paris, Editions Tallandier, Texto, 2019 (2007), 618 p. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marie-Claude Elsen et Frank Straschitz.