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14/11/2016

Boulevard des banquises

banquise.jpgRomancière en mal de job, Sarah accepte tant bien que mal de réaliser le guide touristique de Gottherdäl, une île perdue - mais non moins habitée - dans l'océan arctique. Au fur et à mesure de ces pérégrinations dans ce lieu qui semble en dehors du temps, elle découvre qu'un lourd secret hante les habitants de l'île, et surtout, elle sombre irrémédiablement dans la folie.

A l'instar du Syndrome du scaphandrier, l'atmosphère est glauque et oppressante. La force du récit est moins dans l'écriture qui est linéaire (ça se lit vite même si c'est lent jusqu'au deux tiers) que dans la description très démonstrative des faits qu'on croirait presque y être (comme par exemple la description de la lingerie sado-maso). Idem pour notre vrai-fausse héroïne. On est tellement plongé dans sa démence qu'on en vient à s’apitoyer sur son sort et à vouloir lui trouver une solution. Il paraît que ce n'est pas le meilleur des Brussolo. On n'a pas d'avis là-dessus puisque c'est uniquement son second roman qu'on lit, et qu'importe, on a pris beaucoup de plaisir à être plongé dans ce décor fantasmagorique, typique du Philip K. Dick de la littérature SF française. J N

Serge Brussolo, Boulevard des banquises, FOLIO SF, 2005 (1990), 252 p.

06/05/2016

Vingt-quatre heures de la vie d'une femme

stefan zweig,vingt-quatre heures de la vie d'une femmeEcrit en 1927, ce récit d'une femme en une journée a été inspirée par Vingt-quatre heures d'une femme sensible (1824) de Constance de Théis (1767-1845). Début du XXème. Une petite pension sur la Riveria. Le départ de la femme d'un des pensionnaires avec un jeune homme de passage sème la consternation et l'effroi. Seule prendra sa défense une vieille dame anglaise distinguée. Ce fait divers lui a en effet rappelé un douloureux souvenir sentimental de jeunesse. On retrouve ici Zweig et son décryptage "clinique" des débordements sentimentaux exacerbés. N. nous explique la structure de cette nouvelle et émet une réserve concernant ces personnages zweigiens "trop cliniques".

 J. N

Stefan Zweig, Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, Le Livre de Poche, 2012, 127 p.

 

30/04/2016

Le voyage dans le passé

stefan zweig,le voyage dans le passé... ou l'amour impossible. Louis, un jeune homme pauvre mais désirant s'affranchir de son carcan social, parvient à gagner la confiance de son patron. Ce dernier en fait non seulement son bras droit mais l'invite à demeurer chez lui. Il y rencontre son épouse. Entre eux naîtra un amour passionnel. Mais voilà que son "bienfaiteur" lui propose de partir en mission au Mexique, synonyme de promotion sociale. Ce voyage ne devait initialement durer que deux ans mais voilà que la Première guerre mondiale pointe son nez et séparant les amants - comme dans Clarissa - pour de nombreuses années.

Neuf ans plus tard, cette figure balzacienne, désormais mariée, retourne en Europe dans la ferme conviction de retrouver cet amour inachevé. Ne se sont-ils pas jurés de s'aimer pour l'éternité ? Hélas, loin des yeux, loin du coeur. La distance (neuf années, c'est long) aura tué dans l'oeuf cette passion mort-née. Mais au-delà de ce rendez-vous manqué, un thème cher au réalisateur Wong Kar-Waï, il s'agit de bien plus que cela ici. Pour une analyse plus poussée, nous vous convions à lire la chronique de notre chère N. sur son blog.  J. N.

Stefan Zweig, Le voyage dans le passé, Le Livre de Poche, 2010, 177 p.

Publié pour la première fois en 1929 sous forme fragemntaire puis sous forme complète en 1976 sous le titre original Reise in die Vergangenheit.

25/02/2016

Amok

images.jpgEcrite en 1922, cette nouvelle du brillant Stephan Zweig qu'on ne présente plus, narre à la première personne l'histoire d'un médecin allemand parti pratiquer en Indonésie au début du XXème siècle. Celui-ci rencontre la nuit sur le bateau le menant aux Indes orientales le narrateur à qui il a ce besoin urgent de lui raconter ce qui lui est arrivé. Son obsession maladive pour une femme la détruira et le détruira. C'est l'amok.

Amok "est un mot de la langue malaise qui désigne un accès de folie furieuse meurtière affectant uniquement les sujets masculins de la région concernée, sur un mode soudain et imprévisible, à laquelle les autochtones menacés mettaient ordinairement un terme en abattant le sujet en proie à cette fureur (...). Le terme a été importé en Europe par les Hollandais, premiers colonisateurs de la région indonésienne. (...) Amok est devenu le préfixe d'expressions désignant des comportements furieux et dévastateurs appliqués à des pratiques variées (...) Et der Amokläufer désigne en allemand un sujet captif d'un processus incontrôlable, dangereux pour son environnement, et souvent fatal pour lui-même." (1) Voici donc ce que nous aurons essentiellement appris à travers ce récit incisif et déroutant. Au-delà de ce drame, Zweig parvient à convaincre que "le mal d'amok résume tous les dysfonctionnements et contradictions de la culture occidentale" (2).

 

Stefan Zweig, Amok, Gallimard, Folio Classique, 2013, 142 p.

Publié pour la première fois en 1922 sous le titre original Der Amokläufer.

 

(1) Préface de Jean-Pierre Lefebvre, p. 11-12.

(2) Idem p. 21.

 

20:41 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amok, stefan zweig

30/08/2015

Un soupçon légitime

61EHfnk8qdL._SX307_BO1,204,203,200_.jpgNous poursuivons notre apprentissage de l'oeuvre de Zweig (nous n'en sommes qu'à quelques nouvelles et un roman). Dans cette nouvelle écrite entre 1935 et 1940 et publiée à titre posthume en 1987 sous le titre original allemand War er es, Stefan Zweig, qui n'a d'égal que lui-même dans l'analyse psychologique des pauvres humains que nous sommes, se penche ici sur les tendances obsessionnelles et les débordements sentimentaux portés au paroxysme. L'action se passe dans la campagne anglaise, à Bath près de Londres (où Zweig s'était exilé un premier temps, fuyant le régime nazi). Ravis d'avoir de nouveaux voisins - un jeune couple, les Limpley - le couple allemand, très heureux jusqu'ici de pouvoir profiter du calme et de l'isolement, va très vite déchanter en raison du côté un peu trop expansif et enthousiaste du mari, John. Voilà qu'ils conseillent à ce dernier d'adopter un chien. Mal leur en a pris. Mis sur un piédestal, ce dernier se transforme en tyran. Et le sentiment d'adulation de la part de John va rapidement virer à l'ignorance totale... Dans ce roman où l'aspect dérangeant va inexorablement monter en crescendo, on ne peut que méditer sur ce thème de la démesure des sentiments, celle-ci pouvant s'immiscer en chacun de nous sans que l'on puisse la contrôler. On regrettera, tout simplement, une analyse psychologique que nous avons trouvé un peu trop tirée par les cheveux. Mais cela n'enlève rien à l'acuité d'une réflexion générale troublante mais juste. Par ailleurs, on notera - le fait est assez rare pour être cité - que le principal protagoniste est un chien et que pour une fois, le récit de Zweig, d'ordinaire très sombre, est parsemé ici d'un ersatz de gaieté, avant bien entendu que la "gravité" ne reprenne le dessus... J. N.

Stefan Zweig, Un soupçon légitime, Le Livre de Poche, 2011, 175 p.

Publié pour la première fois (en allemand et à titre posthume) en 1987.