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25/02/2016

Amok

images.jpgEcrite en 1922, cette nouvelle du brillant Stephan Zweig qu'on ne présente plus, narre à la première personne l'histoire d'un médecin allemand parti pratiquer en Indonésie au début du XXème siècle. Celui-ci rencontre la nuit sur le bateau le menant aux Indes orientales le narrateur à qui il a ce besoin urgent de lui raconter ce qui lui est arrivé. Son obsession maladive pour une femme la détruira et le détruira. C'est l'amok.

Amok "est un mot de la langue malaise qui désigne un accès de folie furieuse meurtière affectant uniquement les sujets masculins de la région concernée, sur un mode soudain et imprévisible, à laquelle les autochtones menacés mettaient ordinairement un terme en abattant le sujet en proie à cette fureur (...). Le terme a été importé en Europe par les Hollandais, premiers colonisateurs de la région indonésienne. (...) Amok est devenu le préfixe d'expressions désignant des comportements furieux et dévastateurs appliqués à des pratiques variées (...) Et der Amokläufer désigne en allemand un sujet captif d'un processus incontrôlable, dangereux pour son environnement, et souvent fatal pour lui-même." (1) Voici donc ce que nous aurons essentiellement appris à travers ce récit incisif et déroutant. Au-delà de ce drame, Zweig parvient à convaincre que "le mal d'amok résume tous les dysfonctionnements et contradictions de la culture occidentale" (2).

 

Stefan Zweig, Amok, Gallimard, Folio Classique, 2013, 142 p.

Publié pour la première fois en 1922 sous le titre original Der Amokläufer.

 

(1) Préface de Jean-Pierre Lefebvre, p. 11-12.

(2) Idem p. 21.

 

20:41 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amok, stefan zweig

30/08/2015

Un soupçon légitime

61EHfnk8qdL._SX307_BO1,204,203,200_.jpgNous poursuivons notre apprentissage de l'oeuvre de Zweig (nous n'en sommes qu'à quelques nouvelles et un roman). Dans cette nouvelle écrite entre 1935 et 1940 et publiée à titre posthume en 1987 sous le titre original allemand War er es, Stefan Zweig, qui n'a d'égal que lui-même dans l'analyse psychologique des pauvres humains que nous sommes, se penche ici sur les tendances obsessionnelles et les débordements sentimentaux portés au paroxysme. L'action se passe dans la campagne anglaise, à Bath près de Londres (où Zweig s'était exilé un premier temps, fuyant le régime nazi). Ravis d'avoir de nouveaux voisins - un jeune couple, les Limpley - le couple allemand, très heureux jusqu'ici de pouvoir profiter du calme et de l'isolement, va très vite déchanter en raison du côté un peu trop expansif et enthousiaste du mari, John. Voilà qu'ils conseillent à ce dernier d'adopter un chien. Mal leur en a pris. Mis sur un piédestal, ce dernier se transforme en tyran. Et le sentiment d'adulation de la part de John va rapidement virer à l'ignorance totale... Dans ce roman où l'aspect dérangeant va inexorablement monter en crescendo, on ne peut que méditer sur ce thème de la démesure des sentiments, celle-ci pouvant s'immiscer en chacun de nous sans que l'on puisse la contrôler. On regrettera, tout simplement, une analyse psychologique que nous avons trouvé un peu trop tirée par les cheveux. Mais cela n'enlève rien à l'acuité d'une réflexion générale troublante mais juste. Par ailleurs, on notera - le fait est assez rare pour être cité - que le principal protagoniste est un chien et que pour une fois, le récit de Zweig, d'ordinaire très sombre, est parsemé ici d'un ersatz de gaieté, avant bien entendu que la "gravité" ne reprenne le dessus... J. N.

Stefan Zweig, Un soupçon légitime, Le Livre de Poche, 2011, 175 p.

Publié pour la première fois (en allemand et à titre posthume) en 1987.

28/08/2015

Le glamour

510Rt7Ch9gL._SX301_BO1,204,203,200_.jpgGrièvement blessé par un attentat à la voiture piégée, Richard Grey se fait soigner dans une clinique britannique. Son ancienne petite amie (ou amante, c'est selon) finit par le retrouver. Hélas, Richard n'a absolument aucun souvenir d'elle. Progressivement, la mémoire lui revient, ce qui permet à Susan d'aborder avec lui une faculté qu'elle possède : le glamour, ou l'art de se rendre invisible... A l'instar de ses autres romans, notamment le vertigineux La séparation, Christopher Priest, maître britannique incontesté des mondes parallèles, poursuit son exploration de la réalité et de sa perception. Moins incisif que le précédent ouvrage cité, Le glamour n'en est pas moins déroutant et demeure un des romans les plus complexes de l'auteur. Celui-ci, histoire de brouiller les pistes et de susciter en nous une remise en cause permanente de ce que nous sommes et de notre perception de tout ce qui nous entoure, a articulé son récit autour de la narration de six protagonistes différents. Un tour de force. J. N.

 

Christopher Priest, Le glamour, FOLIO SF, 2012, 412 p.

Publié pour la première fois en 1984 sous le titre original The Glamour.

 

26/08/2015

Les langages de Pao

téléchargement.jpgAlors que la planète Pao, un peu trop pacifiste et guère préparée à une confrontation militaire, se fait envahir par la civilisation des Brumbos, la seule solution qui lui permettrait de se débarrasser des colons serait de remodeler la structure de son langage. En effet, la langue paonaise, particulière à bien des égards, ne permet pas à ces adeptes d'être pourvus de sentiments comme l'abnégation, la résistance, le stoïcisme...etc. "La langue consistait en noms, en postpositions suffixées et en indicateurs temporels ; il n'y avait ni verbes, ni adjectifs, ni formes comparatives définies, telles que bon et meilleur. Il n'existait pas de mots comme "prestige", "intégrité", "individualité", "honneur", ou "justice", car l'idée que le Paonais moyen se faisait de lui-même - à supposer qu'il se considérât comme une personnalité distincte - était celle d'un bouchon flottant sur un océan de vagues innombrables, soulevé, attiré, bousculé par des forces incompréhensibles (...)".

Dans ce roman des débuts de Jack Vance (1916-2013), "Grand Master" de science-fiction et figure de proue de la SF américaine "à l'ancienne" (l'écriture est linéaire, la psychologie des personnages peu développée), nous soulignerons au-delà du thème - récurrent chez Vance - de la rencontre des civilisations, une réflexion incisive sur les fonctions du langage, résumée dans le paragraphe suivant : 

"Aucune langue n'est neutre. Toutes contribuent à donner une impulsion à l'esprit des masses, certaines avec plus de vigueur que d'autres. (...) Nous ne connaissons pas de langue "neutre"  ; aucune n'est supérieure à une autre, même s'il arrive qu'un langage X soit mieux adapté à un contexte lambda qu'un langage Y. Si nous allons plus loin, nous remarquons que tout idiome induit dans l'esprit des masses un certain point de vue sur le monde. Quelle est la véritable image du monde ? Existe-t-il un langage qui l'exprime ? Premièrement, nous n'avons aucune raison de croire que la véritable image du monde, si tant est qu'elle existe, puisse être un outil très utile ou efficace. Deuxièmement, aucun standard ne nous permet de la définir. La Vérité est contenue dans l'opinion préconçue de celui qui cherche à la définir. Toute organisation d'idées, quelle qu'elle soit, présuppose un jugement sur le monde".

J. N

 

Jack Vance, Les langages de Pao, Gallimard, Folio SF, 2002, 262 p.

Paru pour la première fois en 1958 sous le titre original The languages of Pao.

30/05/2015

Robespierre

maximilien de robespierreSi le débat est clos concernant le patron de la Terreur, période particulièrement sombre de la Révolution française (1793-1794), la Révolution étant désormais « une partie de notre héritage qui ne se discute plus, ajustée qu’elle est à notre destin pour le meilleur et pour le pire », l’auteur a toutefois chercher à expliquer dans le drame révolutionnaire « l’influence commune d’un tribun et d’une secte qui tendaient précisément à confisquer la Révolution pour la faire évoluer selon leurs vues ».

Ce livre ancien, datant de 1961 (il sera suivi par une légion d’ouvrages sur Robespierre), propose, au-delà d’une simple biographie, une réflexion très solide sur le Jacobinisme et ses avatars. Nous en avons retenu quelques passages :

maximilien de robespierre« (…) Le Jacobinisme a des origines plus lointaines, plus occultes dans la mesure où il est le produit, le fruit d’un tempérament. C’est un germe d’intolérance qui tient à la nature de certains individus, une volonté de domination et d’inquisition morale autant que politique, une sorte d’inflexibilité humaine élevée au rang de vertu, une exaspération qui perce périodiquement sous le feu des passions partisanes ; c’est peut-être une forme française de puritanisme ; c’est une humeur. Robespierre n’est qu’un état, un moment, du Jacobinisme, comme d’autres le furent avant lui, sous d’autres visages, sous d’autres enseignes. « Les haines, les rancunes, les jacobinismes de tous les temps… » écrit Sainte-Beuve. Et dans les années mêmes qui suivirent la Révolution, en 1808, un philosophe lucide et pondéré, Joubert, consignait dans son Journal cette réflexion qui semble avoir été formulée d’avance pour ce livre : « Le Jacobinisme est une affaire de tempérament, et il existe dans toutes les circonstances qui mettent cette espèce de tempérament à l’aise et lui permettent de se développer ».

« (…) Des hommes comme Danton, comme Mirabeau, comme Proudhon, ne sont pas jacobins dans la mesure précisément où l’exigence doctrinale ne les absorbe pas tout entiers. Un Robespierre, un Blanqui, n’aime que l’idée. Ce qu’il y a d’âme en eux ne bouge, ne s’émeut qu’en faveur de leur cause. On ne peut concevoir un Jacobin livré au doute, à l’incertitude, au scrupule. Sa morale lui fournit en toute occurrence la réponse qu’exige l’intérêt politique, et cette réponse est un ordre. S’il hésite, s’il discute avec lui-même, il est perdu pour la secte, perdu aussi pour lui-même ».   J. N

 

Pierre Bessand-Massenet, Roberspierre. L’homme et l’idée, Plon, 1961, 317 p.