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31/12/2017

Brèche dans l'espace / En attendant l'année dernière

en attendant l'année dernière,philip k. dick,science-fiction,brèche dans l'espacePreuve en est du parcours littéraire chaotique de notre auteur de S.F préféré, ces deux romans que nous avons lus à la suite lors de vacances passées dans les Cyclades n'ont rien à voir l'un avec l'autre alors qu'ils furent rédigés la même année. C'est rappeler ici que Philip K. Dick a eu des périodes très différentes d'écriture, la seconde étant inaugurée au début des années 1960 avec le cultissime Le maître du Haut-chateau, lauréat du prestigieux Prix Hugo (1). Pourtant Brèche dans l'espace ressemble plus, au niveau de sa structure linéaire et de son intrigue peu complexe à des livres comme Les marteaux de Vulcain ou Les chaînes de l'avenir. Alors qu'il est urgent de trouver une solution au problème de la surpopulation de la terre, des scientifiques découvrent par hasard un portail ouvrant sur un nouvel eldorado. Pour le meilleur ou pour le pire ? Agréable à lire, l'histoire se lit d'une traite et on ne s'y perd jamais.

en attendant l'année dernière,philip k. dick,science-fiction,brèche dans l'espaceC'est la différence essentielle avec En attendant l'année dernière (un titre très "dickien") où dans un monde futuriste, Gino Molinari, secrétaire des Nations unies et "despote obligé" fait de son mieux pour préserver l'humanité d'une destruction imminente. Pour cela, il fait alliance avec les Lilistariens pour se prémunir contre les attaques des Reegs, une race insectoïde... Le personnage principal, Eric Sweetscent, chirurgien spécialisé dans les greffes d'organes et médecin personnel de Molinari a la lourde tâche de sauver l'humanité (rien que ça) tout en tentant de se défaire de l'emprise de Kathy, son épouse envahissante. Tous deux sont amenés à consommer du JJ-180, une drogue à double tranchant. Rendant accro et attaquant le cerveau, celle-ci permet en même temps de se déplacer dans le temps, à moins qu'il s'agisse de voir l'avenir ou encore d'être transposé dans des univers parallèles, ou tout à la fois... C'est là que le lecteur se perd. Délires spatio-temporels, drogues altérant la réalité, réflexion philosophique sur l'humanité mais également sur la place de la technologie, récit traitant de l'avenir de l'humanité sur fond de guerre interstellaire mais centré sur quelques personnages au bord de la rupture, délires mystiques (2)... Du pur Philip K. Dick qu'on adore et qui préfigure des œuvres cultes comme Ubik (1969) et Substance mort (1977). J. N

 

Brèche dans l'espace, J'ai Lu, 2014, 251 p. (Paru pour la première fous en 1966 sous le titre original Crack in the space).

En attendant l'année dernière, J'ai Lu, 2015, 287 p. (Paru pour la première fois en 1966 sous le titre original Now wait for last year).

 

(1) Ce roman phare est actuellement décliné en série TV par le site Amazon. La saison 3 devrait débuter en 2018.

(2) Le secrétaire des nations unies épouse les maladies des humains jusqu'à en mourir puis ressusciter à chaque fois, soit une dimension très religieuse qui rappelle la période mystique de l'auteur.

28/12/2017

Orgasme

download.pngLe maître du roman subversif américain poursuit sa satire radicale de notre société. Soit Penny, jeune femme on ne peut plus normale et future avocate, qui rencontre Linus Maxwell, l'homme le plus riche de la planète. Ne comprenant pas vraiment pourquoi l'homme lui voue un tel intérêt, Penny se laisse quand même emporter dans son rêve, jusqu'à réaliser que Maxwell est obsédé par le plaisir féminin... Dans la même lignée de Snuff qui montrait l'envers de l'industrie pornographique, Orgasme s'attaque à la quête du plaisir féminin, et au passage à l'industrie des sex-toys qui n'en finit pas d'innover. Si le traitement du plaisir féminin prête à des interprétations diverses, il faut aller au-delà de cela et constater que le thème central est en fait l'addiction de nos sociétés à l'excitation, phrase qui apparaît une fois vers le milieu de l'ouvrage. Dans Fight Club (1995), il s'agissait de la société de consommation, ici il s'agit d'une société recherchant systématiquement les sensations fortes. Les deux sont d'ailleurs complémentaires. Hormis le style minimaliste comme à l'accoutumée, le récit est trash et très démonstratif. Probablement l'un des romans les plus aboutis de Palahniuk. J. N

 

Chuck Palahniuk, Orgasme, Paris, Sonatine Editions, 2016, 261 p.

Publié pour la première fois en 2014 sous le titre original Beautiful You.

13:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chuck palahniuk, orgasme

09/08/2017

Comprendre le génocide des arméniens

génocide des arméniens,turquie,hamit bozarslan,révisionnisme,raymond h. kévorkian,vincent duclert,arménie,arméniensA l'heure où le génocide des arméniens ne peut plus être nié mais n'est toujours pas reconnu par la Turquie (où prévaut un révisionnisme d'Etat criseux) mais également l'ensemble de communauté internationale (1), cet ouvrage jette une lueur crue, un siècle plus tard, sur le premier génocide du XXème siècle.

Première synthèse de grande envergure sur ce massacre qui fit 1.2-1.5 millions de morts, l'ouvrage est divisé en 3 parties thématiques. La première (Raymond H. Kévorkian) retrace le processus complexe des massacres et les contextualise, rappelant qu'ils ne surviennent pas ex-nihilo mais s'inscrivent dans le sillage de la politique du sultan ottoman Abbülhamid II. La communauté arménienne de l'Empire ottoman subissait déjà des repressions de grande ampleur en 1894-1895 puis en 1909. L'arrivée des Jeunes-Turcs au pouvoir (1908) ne change pas la donne. Les révolutionnaires du Comité Union et Progrès (CUP) veulent sauver un empire aux abois et décident de le nettoyer de ses communautés chrétiennes - notamment arménienne - considérées comme "ennemis de l'intérieur" et prises pour boucs émissaires dans la perte de territoires que doit céder l'Empire ottoman aux puissances européennes.

La deuxième partie (Hamit Bozarslan), démontrant au passage la continuité entre l'absolutisme hamidien et la politique des Jeunes-Turcs, analyse les fondements idéologiques du génocide des arméniens. Cette politique d'extermination est marquée par le darwinisme social qui est également au coeur de la politique nazie d'extermination des juifs d'Europe (le parallèle effectué entre les génocides des arméniens et des juifs est édifiant). Enfin, la troisième partie (Vincent Duclert) montre comment les puissances européennes portent une certaine responsabilité dans ce génocide, en le laissant se dissoudre dans les traités de paix des années 1920, et s'interroge aussi sur la responsabilité des chercheurs et des hommes politiques dans la question de la reconnaissance de ce génocide (qui ne se pose réellement qu'à partir de 1965) mais également sur les défis que pose ce génocide aux sciences sociales.

Parmi la longue littérature du génocide des arméniens, cet ouvrage pourvu d'une documentation impressionnante (notamment les archives ottomanes et allemandes de l'époque), précis et intelligent, ne laisse pas la moindre zone d'ombre sur la nature génocidaire du massacre des arméniens de 1915. Poursuivre le déni de ce génocide - qui n'a toujours pas donné lieu à une compensation financière pour les arméniens - équivaut tout simplement à de la myopie intellectuelle.  J. N

Hamit Bozarslan, Vincent Duclert, Raymond H. Kévorkian, Comprendre le génocide des arméniens. 1915 à nos jours, Paris, Tallandier, 2015, 494 p.

 

(1) Hormis les Etats-Unis, le Royaume-Uni et Israël, très nombreux sont les Etats qui ne reconnaissent pas officiellement (au niveau donc de l'instance étatique la plus élevée) ce génocide, parmi eux l'ensemble des pays d'Afrique, d'Asie (mis à part le Liban, la Syrie et la Russie) et d'Océanie. Les Etats reconnaissant officiellement le Génocide des Arméniens ne sont que 29 (dont le Vatican). Le premier à s'être engagé dans action est l'Uruguay (le 20 avril 1965).

22/06/2017

L'Empire romain

l'empire romain,pierre grimalA l'instar de Jacqueline de Romilly pour la civilisation grecque, Pierre Grimal (1912-1996) est un spécialiste éminent de la civilisation romaine. Dans cet ouvrage percutant, il propose une reflexion sur l'idée d'Empire, en analysant en premier lieu les sources du pouvoir (introduction) puis en abordant la transition République-Empire et l'avènement de l'Empire (chapitre 1 et 2). C'est ainsi que la structure du livre est thématique (sept chapitres au total dont le dernier traite logiquement de la Fin de l'Empire) et sa lecture nécessite par conséquent une grande concentration. Lire une grande quantité de pages en une seule traite est à conseiller (dans le cas contraire, perdre le fil des idées est une possibilité). D'une longueur de "seulement" 200 pages, cette réflexion n'en est pas moins incisive et permet d'acquérir une connaissance globale de ce que fut l'Empire romain. Indispensable aux amateurs d'antiquité romaine. J. N

 

Pierre Grimal, L'Empire romain, Paris, Le Livre de Poche, 2010, 221 p.

Paru pour la première fois en 1993.

18/11/2016

La vie des Huns

la vie des huns,huns,attila,histoire,steppesOn s'était toujours intéressé, en tant qu'historien de formation, aux Huns, ces fameuses tribus originaires d'Asie centrale et qui déferlèrent sur l'Europe, jouant au passage un rôle dans l'effondrement de l'Empire romain d'Occident en 476. Dans ce voyage intense qui nous fit visiter quatre pays, nous emmenant de Budapest à Athènes, on s'est vite rendu compte qu'on n'avait pas assez de livres sur nous pour remplir les temps que prendraient les trajets séparant les villes que nous avions visitées. Il fallait donc nous en procurer de nouveaux. C'est ce que nous avons fait en nous rendant à l'Institut français de Budapest, situé sur la rive ouest (Buda).

L'idée était de lire quelque chose sur la région. Entre Histoire de la Hongrie et La vie des Huns, préférence au second, pour la raison évoquée plus haut et également du fait qu'on a pas beaucoup aimé l'atmosphère historique révisionniste. Entre lire un gros pavé sur la Hongrie et un sur les Huns, le choix était clair. Le livre date (1931) mais vu l'ancienneté des événements, il ne perd rien de sa pertinence. Si le quatrième de couverture indique "Plus que l'histoire d'une peuple, la biographie d'un peuple vu comme un personnage", il s'agit en fait plus de l'histoire d'un peuple qui guerroya longtemps contre les dynasties chinoises avant d'envahir l'Europe.

La linéarité du récit est un atout car elle permet de comprendre un tant soit peu, et sans perdre le fil des événements , la généalogie complexe de certains peuples nomades (aucun véritable consensus sur l'origine des Huns) partis d'Asie centrale vers l'Ouest. Au passage, il y a démystification du personnage d'Attila qui loin d'être le père de la Hongrie actuelle (comme certains le pensent), ne réussit à fédérer les tribus hunniques que l'espace d'une année (l'historiographie hongroise ne le revendique d'ailleurs pas comme un des pères fondateurs de la Hongrie moderne). Le récit est passionnant et nous a permis de remplir en partie les douze heures passées dans le train allant de Belgrade à Sofia. J. N.

Marcel Brion, La vie des Huns, Paris, Perrin, Tempus, 2013 (1931), 312 p.