06/10/2006
Histoire d'un flop
Est-il possible de réaliser une "bonne" adaptation du cèlèbre roman de Patrick Süskind ? si complexe, déroutant, captivant... Ceux qui ont lu le livre (et ils sont certainement très nombreux), traduit en 45 langues et vendu à plus de 15 millions d'exemplaires, se sont surement posés la question avant d'aller voir le film, sorti en France le 4 octobre. Süskind avait toujours refusé jusque là de céder les droits de son livre (Le parfum) pour une adaptation au grand écran. Et pour cause. Même un réalisateur aussi talentueux que Tom Tykwer (Run Lola run, 1998, Princess & the warrior, 2000) s'est carrément planté. Si le début du film est intéressant - bonne reconstitution du Paris grouillant de la fin du XVIIIème siècle, visages ravagés, mentalités belliqueuses, justice impitoyable... -, la suite est bien trop linéaire, voire ennuyeuse, et ne suscite aucune reflexion, aucun émoi non plus. Un film divertissant, sans plus. Pas étonnant que les très exigeants Cahiers du cinéma affirment : "Pressé de noyer son spectateur de mille senteurs, il [le film] finit comme Grenouille par n'en avoir aucune." (Cf. Cahiers du cinéma, n° 616, octobre 2006).
Un travail technique énorme : 520 techniciens, une centaine de décors, 5200 figurants, film tourné en France, Espagne et Allemagne... Bref on l'a compris, beaucoup de moyens, comme Titanic de James Cameron, pour un résultat substanciel très faible. Aucun travail sur les personnages, notamment sur le principal : Jean-Baptiste Grenouille. Le pire est que le personnage du film (Ben Whishaw) est plutôt beau gosse alors que dans le roman de Suskind, c'est un être hideux et difforme, presque comparable au personnage principal d'Hygiène de l'assassin, le roman très connu d'Amélie Nothomb. Par ailleurs, dommage que les acteurs Alan Rickman et Dustin Hoffman (dans le rôle du parfumier Giuseppe Baldini), excellents d'habitude, soient aussi pathétiques que ponponnés.
Ceux qui n'ont pas lu le roman seront à coup sûr moins déçus que les autres. Ils verront un polar comparable à From hell (2001), qui traite du mystère Jack l'éventreur, le tueur qui écuma les rues de Londres vers la fin du XIXème siècle.
LE PARFUM - Histoire d'un meurtrier (Tom Tykwer, Allemagne, 2006, 135 mins). Avec Ben Whishaw, Dustin Hoffman, Alan Rickman, Rachel Hurd-Wood, Corinna Harfouch.
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29/09/2006
Après Sarajevo
Rares sont les films qui traitent de l'après-guerre. Si le cinéma regorge de très bons films qui portent une refléxion sur la guerre elle-même (Vietnam, seconde guerre mondiale, Balkans...), on ne trouve pas par contre de nombreux long-métrages qui oeuvrent avec acuité à traiter ce thème compliqué. Si on remonte dans le temps, on se souvient de l'excellent Allemagne année zéro (1947) de Roberto Rossellini.
Grbavica ou "Sarajevo, mon amour" (titre français du film), s'attache donc à dépeindre une société en convalescence et en lente reconstruction psychologique (après la guerre de Bosnie, 1990-1996), à travers la relation d'une mère (Esma) et de sa fille (Sara). Comme la plupart de ses camarades, Sara n'a pas de père, mort au combat ("shahid"). Ce constat rappelle tragiquement que la société bosniaque a perdu beaucoup de ses hommes durant la guerre, le massacre de Srebrenica en 1996 a fait entre 8000 et 12000 victimes (hommes, enfants et vieillards), ce qui est considéré comme le plus grand massacre depuis le second conflit mondial. La mère de Sara travaille dur pour subvenir à ses propres besoins et à ceux de sa fille : couture le jour, serveuse la nuit dans une discothèque, pension versée par une association caritative... Dans le Sarajevo d'après-guerre, difficile de sourire lorsque la crise économique sévit, l'hiver est rude... Les visages sont aigris, la solidarité n'est pas de mise et les rapports humains sont très loin d'être amicaux... Sans entrer dans le mélodrame, le récit est poignant et nous porte à refléchir : n'importe qui peut se retrouver dans ce type de situation.
Pour son premier long-métrage, Jasmilla Zbanic a obtenu la récompense suprême au Festival de Venise 2006 : le Lion d'or.
GRBAVICA (Jasmilla Zbanic, Bosnie, 2006, 90 mins). Avec Mirjana Karanovic (Esma), Luna Mijovic (Sara), Leon Pucev (Pelda), Kenan Catic (Samir), Jasna Ornela Berry (Sabina).
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28/09/2006
A Love Song From Bobby Long
Sorti dans les salles françaises il y a quelques semaines, ce film (titre français : "Love song") est paru aux Etats-Unis en 2004. C'est l'adaptation du roman de Ronald Everett Capps, intitulé "Off Magazine Street" (2002). L'histoire se passe à la Nouvelle-Orléans. Après la mort de sa mère qu'elle n'a pas vu depuis longtemps, Pursy (Scarlett Johansson) retourne à la maison familiale. Elle y découvre 2 amis de sa mère, Bobby Long (Travolta) ancien prof de littérature, et Lawson Pines, son acolyte. Les 2 sont plutôt aigris et boivent beaucoup (le premier bien plus que le second). L'arrivée de Pursy semble troubler leur petite vie, loin de vouloir décamper, ils préfèreraient que ce soit elle qui débarasse le plancher. Pour vivre en harmonie, chacun devra apprendre à cohabiter et à écouter l'autre.
On retrouve donc John Travolta, excellent dans ce rôle, à contre-courant, d'écorché de la vie, alcolo, dépravé... un rôle qu'il joue à merveille. Il faut reconnaître qu'on l'a rarement vu dans un rôle (ou un film) intéressant ces dernières années : Be cool (2005), The punisher (2004), Basic (2003), Swordfish (2001), Battlefield Earth (2000), pour ne citer que ceux-là... S. Johansson est toujours resplendissante. Quant à Gabriel Macht (dans le rôle de Lawson Pines), il a débuté sa carrière d'acteur à la fin des années 90. On le retrouvera dans The good shepherd de Robert De Niro (2006) avec entre autres, Matt Damon, Angelina Jolie, John Turturro..
A Love Song From Bobby Long (Shainee Gabel, USA, 2004, 120 mins). Avec John Travolta, Scarlett Johansson, Gabriel Macht, Deborah Kara Unger, Dane Rhodes.
- Présenté au Festival de Venise - 2004.
12:25 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : a love song from bobby long, scarlett johansson, shainee gabel, john travolta, gabriel macht
22/09/2006
Good night, and good luck (reprise)
Sorti dans les salles françaises en janvier 2006, ce deuxième film réalisé par Georges Clooney (après Confessions of a dangerous mind, en 2002) est un hommage à Edward R. Murrow, journalisté très respecté par ses pairs et engagé à l'époque (1953) contre les méthodes (faux procès, mensonges, atteinte au libertés individuelles) du sénateur Joseph McCarthy. Nous sommes donc en pleine guerre froide et en période accrue de "chasse aux sorcières". Directeur de l'information à CBS, Murrow (David Strathairn) va dénoncer dans son émission "See it now" la politique du tristement célèbre McCarthy, s'attirant même les foudres de son supérieur, William S. Paley (Frank Langella). Même menacé, Murrow luttera jusqu'au bout, contre ce qu'il dénonçait comme un système dictatorial, une atteinte aux droits de l'homme, dans un pays (les USA) qui se considère comme la plus grande démocratie au monde. C'est ainsi qu'il va s'atteler à défendre Milo Radulovich, aviateur de l'armée de l'air, accusé à tort (et radié de l'armée) d'être un espion communiste. On considère que les nombreuses attaques portées à McCarthy (il y eut même une confrontation télévisée entre les 2 hommes) furent le début de la chute du sénateur controversé.
"See it now" fut créé par Murrow et son collègue Fred W. Friendly (interprété ici par Georges Clooney). L'émission obtint 4 "Emmy Awards" (Oscars récompensant les meilleures programmes télévisés, en 1953, 54, 57 et 58. La durée de l'émission était de 30 mins, le dernier épisode fut tourné le 7 juillet 1958.
Plusieurs documentaires sur Edward R. Murrow ont été réalisés, ainsi qu'un long métrage : Murrow (Jack Gold, USA, 1985, 114 mins). On peut voir dans ce très bon film de G. Clooney, un clin d'oeil sur l'Amérique d'aujourd'hui, les méthodes de McCarthy rappelant que le 26 octobre 2001, une loi fut votée par le Congrès : le "USA Patriot act" ("Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism"). Cette loi qui renforce les agences gouvernementales (CIA, FBI, NSA...) devait restreindre les libertés publiques (mises sur écoute).
Le film est en noir et blanc, les acteurs sont très bons (meilleur acteur - Festival de Venise - pour David Strathairn) et la période du film est parfaitement reconstituée, concernant les dialogues, la gestuelle et la façon de parler des acteurs. On se croirait vraiment dans un film américain des années 50.
On a vu pas mal de films américains politiquement engagés (contre la politique américaine), sortir cette année. Dans des styles très différents : Jarhead (Sam Mendes, réalisateur de American beauty), V for vendetta (James Mc Teigue), Syriana (Stephen Gaghan, scénariste de Traffic), A scanner darkly (plus implicite, Richard Linklater). Georges Clooney (un futur grand réalisateur) est en train de revêtir progressivement l'étiquette d'un réalisateur engagé. Il est d'aiileurs producteur exécutif dans les 2 derniers films cités.
GOOD NIGHT, AND GOOD LUCK (Georges Clooney, USA, 2005, 93 mins). Avec David Strathairn, Georges Clooney, Robert Downey Jr., Patricia Clarkson, Frank Langella, Jeff Daniels, Ray Wise.
- Prix du meilleur acteur (David Strathairn) - Festival de Venise 2005.
- Prix de la mise en scène (Georges Clooney et Grant Heslov) - Festival de Venise 2005.
- 6 nominations aux Oscars 2005.
- 4 nominations aux Golden Globe 2005.
22:05 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : good night and good luck, david strathairn, george clooney, jeff daniels, robert downey Jr.
20/09/2006
Thank you for smoking
Pas mal du tout cette satire qui raconte comment le très doué Nick Naylor (Aaron Eckart), travaillant pour le lobby du tabac, s'arrange à chaque fois pour contrer les politiques de prévention du tabagisme. Cynique mais séduisant, gros baratineur (un vrai sophiste), Nick a toujours le dernier mot (même lorsqu'il faillit crever, le tabac le sauve) car comme il l'a dit, l'essentiel n'est pas l'essence de ce que l'on dit mais comment on arrive à le rendre crédible (à l'aide d'arguments aussi solides que fallacieux) face à un interlocuteur. Il parvient même à serrer la main d'un cancereux (du tabac) de 15 ans.
Adaptée du roman homonyme de Christopher Buckley, cette comédie drole et efficace met en avant les effets du lobbying sur les processus décisionnels. Difficile de nos jours de défendre la consommation de tabac et pourtant, la proposition du sénateur Finistirre (William H. Macy) d'apposer aux boîtes de cigarettes la photographie d'un crâne de mort (représentant les dangers que fumer cause) sera battue en brêche... Dans le même style, souvenons-nous de Wag the dog (Barry Levinson, 1997), satire sur la manipulation des médias.
Pas mal de clichés mais beaucoup de dialogues intéressants comme cette discussion entre Nick et des 2 "amis" (Maria Bello, David Koechner) des lobbies de l'alcool et des armes, "les marchands de mort". Chacun se vante de tuer un maximum de gens. Mais c'est Nick qui remporte la palme : 1200 morts/jour à cause du tabac. Les armes à feu : 11.000/an. L'alcool ? ses statistiques sont bien plus faibles..., ou encore les conseils que donne Nick à son fils, comment répondre à une question (il n'y a jamais de vérité absolue) par différentes façons et par différents arguments.
Le beau Aaron Eckart (Erin Brockovich, Any given sunday, Paycheck) est exellent dans son rôle. L'inoxydable William H. Macy (Boogy nights, Magnolia, Fargo, The cooler) est toujours aussi bon. Par contre, Katie Holmes est aussi peu convaincante dans ce rôle de journaliste véreuse, prête à tout pour son scoop, que dans celui de jeune avocate ambitieuse (Batman begins, 2005). Il est vrai que quand on sort avec Tom Cruise, toutes les portes sont ouvertes. On remarquera aussi le très bon J.K Simmons dans le rôle du boss insupportalbe (il joue le légendaire J. Jonas Jameson dans Spider Man).
THANK YOU FOR SMOKING (Jason Reitman, USA, 2005, 92 mins). Avec Aaron Eckart, Maria Bello, Cameron Bright, Adam Brody, Sam Elliott, Katie Holmes, David Koechner, Rob Low, William H. Macy, Robert Duvall, J.K Simmons.
14:15 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : thank you for smoking, aaron eckhart, maria bello, jason reitman, j. k. simmons, william h. macy