30/11/2006
Fast Food Nation
Le dernier opus de Richard Linklater (Tape, School of rock, Before sunrise, Waking life, A scanner darkly), mi-fiction, mi-documentaire est l'adaptation du livre éponyme de Eric Schlosser, vendu à 1.4 million d'exemplaires dans le monde (disponible actuellement en France aux éditions Autrement au prix de 19 euros).
"I'm telling you that there is shit in the meat."
Un directeur marketing de Mickey's Burger (l'équivalent de Burger King, Mac Do, Quick et autres) découvre par l'intermédiaire de son supérieur hiérarchique que la présence de coliformes fécaux dans les burgers est attestée. Sidéré, il va remonter la chaîne jusqu'aux élevages de bovins et les abattoirs, découvrant les pratiques illicites du monde de l'industrie agro-alimentaire... Dans les usines, la chaîne étant trop rapide, les travailleurs n'ont pas le temps de bien "traiter la viande", ce qui fait qu'à tous les coups (tous les jours pratiquement), de la bouse de vache est mélangée à la viande qui sera ensuite mangée par les consommateurs. En gros, nous mangeons de la merde depuis belle lurette. Vous l'avez donc compris, un film qui vous donne envie de ne plus mettre les pieds au Mac Do (et chez les autres aussi). Soit dit en passant, on savait déja que le Fast food c'est de la très mauvaise nourriture non ?
Mais il n'y a pas que ça, le film dénonce également les divers dégâts collatéraux engendrés par l'univers impitoyable des grosses entreprises agroalimentaires : appel à des travailleurs immigrés (méxicains car ils coûtent moins cher que les autochtones), surexploitation de ces gens-là, conditions de travail dégoûtantes (à l'abattoir, on peut facilement perdre un bras ou une jambe). Richard Linklater : "Nous voulions des personnages représentant l'intégralité de l'industrie du fast food : les enfants qui travaillent, les ouvriers qui sont employés dans les usines de conditionnement de la viande, la communauté des ranchs... [...] Nous dénonçons les dégâts occasionnés, à tous les niveaux par les lobbies de l'agroalimentaire, autant sur la santé des gens que sur l'environnement." Les nombreuses péripéties du film montrent que tout est relié : les travailleurs méxicains sont des immigrés clandestins, ils ne peuvent pas passer la frontière sans l'aide d'un passeur aussi impitoyable que les lobbiyistes des firmes multinationales, celles-ci, pour faire encore plus de bénéfices et supporter la concurrence des autres, achètent toutes les terres possibles, n'hésitant pas à chasser les propriétaires par le biais de procès qu'elles seront sûres de remporter, impossible par ailleurs de les stopper car comme toujours il y a collusion entre elles et les politiques. Dans le même registre que des films comme Traffic et Thank you for smoking, ce "semi-documentaire" stigmatise la bassesse et l'hypocrisie du business-marketing et porte un regard noir (non sans humour) sur l'état de ce qu'est devenu l'humanité. Un monde cupide, où tout est bon pour faire de l'argent. Car tout ceci après tout est le produit de l'esprit des hommes. J. N
Fast Food Nation (Richard Linklater, 2006, USA, 105 mins). Avec Greg Kinnear, Catalina Sandino Moreno, Wilmer Valderrama, Luiz Guzman, Ana Claudia Talancon, Kris Kristofferson, Bruce Willis, Ashley Johnsson, Ethan Hawk, Patricia Arquette, Avril Lavigne.
- Festival de Cannes - 2006 - En compétition.
- Festival de Londres - 2006 - Présenté.
18:20 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fast food nation, bruce willis, richard linklater, greg kinnear, industrie agroalimentaire, luiz guzman
29/11/2006
A propos du Dahlia
Eh ben non, nous n'avons pas du tout été convaincus par l'adaptation faite par Brian De Palma. La première raison est bien entendu le bafouement total du roman explosif de James Ellroy. Comme pour Le Parfum (le chef-d'oeuvre de Patrick Süskind), adapté par Tom Tykwer, tout dépend du fait qu'on ait lu ou pas le livre. "La fidelité au matériau d'origine est ici parfaitement bafouée, et les Ellroyistes intégristes ne manquerons pas de condamner le bon Brian au bûcher (des vanités ?)", déclare l'excellent magazine Mad Movies (n° 191, nov 2006, "Le Dahlia noir de Brian De Palma - Mission impossible ?, de Fausto Fasulo). En dépit du fait d'avoir vu le film juste après avoir finis le livre (le lendemain même), nous ne nous considérons pas comme des fanatiques d'Ellroy et ne considérons pas que le film ne s'analyse qu'à l'aune de la structure et du contenu du roman. Nous n'entrerons pas non plus dans une analyse détaillée, nous ne sommes pas assez "calés" pour cela. D'ailleurs, les critiques en ont beaucoup parlé déja, certains à tort et à travers d'ailleurs. ex : on reproche un scénario trop complexe. Mais l'intrigue du livre est justement complexe et possède des ramifications aussi tentaculaires que confuses.
Un livre n'est jamais parfaitement adapté, cela est impossbile, nous l'avions compris. Seulement, un minimum doit être respecté. Ce minimum chez Ellroy, c'est l'inventivité verbale crue et acide. Elle façonne les dialogues et constitue un élément-clé de la structure littéraire de l'oeuvre. Ces dialogues là stigmatisent l'atmosphère (tout le monde est corrompu et dépravé, flics, monde du cinéma...) régnante dans le L.A des années 40. Dans le film justement, les dialogues sont baclés. Où sont passés tous ces interrogatoires et ces entretiens "destroy" ? Ensuite, l'oeuvre est fondée sur la relation ambigue qui lie Bucky Bleichert et Lee Blanchard, amis, adversaires sur le ring et inspecteurs-partenaires. Ceci n'est pas vraiment exploité dans le film, tout comme la complexité du personnage interprété par Josh Hartett (Bleichert), homme de principes, mais qui en torture plus d'un lors d'interrogatoires bien musclés (curieusement absents du film). Idem pour le triangle amoureux (Hartnett - Johansson - Eckhart aka Bleichert - Lake - Blanchard) dont on entrevoit qu'une simple esquisse.
Malgré une consistance grandissante acquise de film en film (génial dans Lucky number Slevin), Josh Hartnett était peut-être trop jeune pour interpréter ce personnage très complexe. C'est d'ailleurs Mark Wahlberg qui devait tenir ce rôle mais suite à une embrouille avec la production, il y a renoncé. On explique que Brian De Palma serait le réalisateur idéal, n'est-il pas le maître du film noir ? (Body double, Blow Out, The untouchables). Cette période est certainement révolue et nous pouvons rappeler quelques ratés récents à son actif (Mission to Mars, Femme Fatale). Peut-être que la créativité des scénarios de David Fincher, prévu initialement pour diriger le film, aurait abouti à un résultat plus original et plus solide. Mais ce dernier voulait tourner le film en 3 heures et en noir et blanc, ce qui a fait flipper les producteurs !!
Pourtant, la complexité de l'intrigue du livre, ses inextricables et lointaines ramifications (jusqu'à la frontière du Méxique), le nombre incalculable de personnes qui y sont mêlés de près ou de loin, font que 3 heures n'auraient pas été de trop. Entièrement d'accord avec l'article de Mad Movies, nous nous demandons comment James Ellroy a pu affirmer avec tant d'enthousiasme et de conviction que le film était très réussi (dans la post-face du livre, aux éditions Payot - Rivaves/Noir). Mais après tout, on l'a payé pour ça non ? Sur 20 ans, il a perçu 25.000 dollars/an pour les droits d'adaptation de son roman au cinéma...
The Black Dahlia (Brian De Palma, USA, 2006, 120 mins). Avec Josh Hartnett, Scarlett Johansson, Aaron Eckhart, Hilary Swank, Mia Kirshner, Mike Starr, Patrick Fischler, John Kavanagh, Fiona Shaw.
- En compétition - Festival international de Venise 2006.
- 1 nomination aux Oscars 2006 (Meilleure mise en scène).
- 2 nominations aux Satellite Awards 2006.
12:00 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : the black dahlia, brian de palma, josh hartnett, james ellroy, scarlett johansson, aaron eckhart
25/11/2006
Cinéma du Québec
Du 22 au 28 novembre se déroule au Publicis Cinémas à Paris (129, avenue des Champs-Elysées) la 10ème édition de "Cinéma du Québec". L'occasion pour les cinéphiles de découvrir les productions québécoises. Nous sommes donc partis, Yann mon pote québécois, et moi même voir 2 films cette semaine. Il a dû me faire le traducteur car j'avais un peu de mal avec l'accent. Un policier d'abord : "Bon cop, bad cop", puis "Maurice Richard", une biographie et un hommage au plus grand joueur québécois de hockey sur glace. Plus d'infos concernant Cinéma du Québec sur www.quebec.fr.
Un homme est retrouvé mort à la frontière entre l'Ontario et le Québec. Les polices des deux côtés doivent mener l'enquête conjointement. Martin Ward et David Bouchard sont à des années lumière d'être similaires. Le premier, de Toronto, parle anglais, est méticuleux et très à cheval sur le règlement ; le second, québecois, parle français, est bordélique et fait tout pour bafouer les règles. Ce clash de caractères va faire piétiner l'enquête, tout en la faisant évoluer. Un bon policier, teinté également d'humour.
Bon cop, bad cop (Canada, Erik Canuel, 2006, 120 mins). Avec Patrick Huard, Colm Feore, Patrice Bélanger, Sylvain Marcel, Lucie Laurier, Sarain Boylan.
Lorsqu'il est adolescent, Maurice est déja un futur espoir pour le hockey. La journée il travaille dans une usine pour subvenir aux besoins de la famille, le soir il répète ses gammes. Une fois adulte il est repéré par Dick Irvin, l'entraîneur des Canadians, l'équipe de Montréal. Malgré des blessures à répétition il s'accroche et devient un joueur phare de son équipe. Son élégance (des buts spectaculaires), son ardeur et sa rage de vaincre (un vrai battant) en feront petit à petit "The Rocket", l'idole de tout un peuple. Il battra tous les records et permettra à son équipe de remporter nombreux titres. Posé et placide, il sait néanmoins se défendre lorsqu'on l'agresse (faut pas le chercher, c'est sûr). Lorsqu'en 1955, il est suspendu pour avoir frappé un arbitre, les Québecois descendent dans la rue et les manifestations se transforment très vite en émeutes. Les films biographiques sont souvent décevants, celui-ci est une grande réussite, agrémenté également de très belles images d'époque. Le décor et le contexte de l'époque sont par ailleurs parfaitement représentés. Roy Dupuis excelle dans le rôle de Maurice Richard. Celui-ci, le vrai, est décédé le 27 mai 2000. FILM COUP DE COEUR.
Maurice Richard (Charles Binamé, Canada, 2006, 125 mins). Avec Roy Dupuis, Julie Le Breton, Stephen McHattie, Patrice Robitaille, Pierre-François Legendre, Rémy Gérard.
12:55 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma du Québec, maurice richard, bon cop, bad cop
22/11/2006
Hommage à Altman
Le cinéma a perdu, lundi 20 novembre, un grand réalisateur, Robert Altman, décédé à l'âge de 81 ans dans un hôpital de Los Angeles. Son dernier film, The last show, sortira en France le 6 décembre. On lui devait notamment Mash, Short Cuts, The player, The Gosford park...
Après un diplôme d'ingénieur obtenu à l'université du Missouri, il s'engage dans l'armée et participe à la 2ème guerre mondiale. Attiré par le cinéma, il s'installe à Hollywood où il effectue toutes sortes de petits boulots (même toilettiste pour chiens). Après avoir travaillé comme chauffeur dans une maison de production, il commence à réaliser des courts métrages. En 1955, il réalise son premier long métrage, The Delinquents. Ce succès lui permet de se lancer dans la réalisation de séries télévisées. En 1963, il crée sa propre maison de production, Lion's Gate Films, puis réalise Countdown (avec James Caan et Robert Duval). En 1970, M.A.S.H, comédie loufoque sur la guerre du Vietnam, le revèle au grand public et lui fait acquérir une certaine notoriété : Grand prix du Festival de Cannes, Oscar du meilleur scénario, meilleure photographie (Golden Globe)... Un grand réalisateur est né. Suivront Mc Cabe & Mrs. Miller (1971), Images (1972), The long good-bye (1973), Nashville (1975), 3 women (1977).
Une critique de la société, à tous les niveaux
Après quelques ratés, il s'installe à New-York et retourneà la télévision. Ce n'est que partie remise. Il revient en 1992 avec The Player, une satyre sur le milieu hollywoodien. Nouvelle consécration : Meilleur réalisateur et meilleur acteur (Tim Robbins) au Festival de Cannes et 3 nominations aux oscars. Après Hollywood, il s'attaque à la société américaine (Short Cuts, 1993, Lion d'or à Venise), puis au monde de la mode (Prêt-à-porter, 1994). Dans Gosford Park (2001), il porte un regard moqueur sur l'aristocratie anglaise, à travers une intrigue policière.
En 2002, Robert Altman reçut au Festival de Berlin un Ours d'honneur pour l'ensemble de son oeuvre. C'est un très grand homme de cinéma qui vient de disparaître.
23:15 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : décès robert altman, mash, short cuts, the delinquents
21/11/2006
The prestige
Après Following (1998), Memento (2000), Insomnia (2002) et Batman begins (2005), c'est le 5ème long-métrage réalisé par le jeune (il a 36 ans) Christopher Nolan. Avec une moyenne d'un film tous les 2 ans, celui-ci acquiert un rythme bien soutenu puisque The Dark Knight (aka Batman 2) est prévu pour 2008. Le réalisateur de la "bombe" Memento devient ce que l'on appelle un réalisateur prolifique. Pour l'adapation du roman éponyme de Christopher Priest (qui a valu à l'auteur le World Fantasy Award), Nolan a collaboré pour la deuxième fois avec son frère Jonathan, scénariste du film, comme il le fut également pour Memento.
Dans l'Angleterre victorienne du XIXème siècle, deux amis et brillants apprenti-magiciens sont voués à un grand avenir. Mais la compétition qui les oppose va vite tourner à la rivalité (jalousie oblige) qui elle va se transformer en affrontement sans pitié.
Les fans de thriller et de tours de passe-passe seront ravis. Le talentueux Christopher Nolan a su une nouvelle fois faire de son "produit" un savant mélange. Car si "Le prestige" est un film grand public, il n'en demeure pas moins une excellente refléxion sur les perversités cachées des hommes. Jusqu'où est-on prêt à aller lorsque la gloire, "le prestige" devient une quête obsessionnelle ? Au delà de perdre deux doigts d'une main, semble-t-il. La réponse est ici, à travers les tours de magie permettant aux deux malins et ex-comparses de subjuguer les foules, Nolan nous entraîne dans les arcanes de l'esprit humain, le tout conjugué à une intrigue faite de coups de théâtre et de fausse pistes surprenants. Normal, Nolan est un adepte du thriller (Insomnia, Memento). Impossible de savoir qui est qui et surtout qui l'emportera. Mais finalement, y aura-t-il un vainqueur dans ce jeu malsain ?
N'oublions pas de signaler aussi la prestation de l'excellent Christian Bale.
THE PRESTIGE (USA, Christopher Nolan, 130 mins). Avec Christian Bale, Hugh Jackman, Michael Caine, Scarlett Johansson, Piper Perabo, Rebecca Hall, David Bowie.
16:15 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : the prestige, christopher nolan, christian bale, hugh jackman, michael caine, scarlett johansson, rebecca hall, christopher priest, science-fiction, piper perabo, david bowie