05/08/2008
Blade runner
Parce qu'ils ne supportaient plus la vie sur Mars, six androïdes Nexus 6 (le type de robot le plus évolué) ont assassiné leur gardien et sont partis se cacher sur Terre. L'agent Rick Deckard, inspecteur de la brigade spéciale des Blade Runners est envoyé à leurs trousses. Périlleuse mission car ces androïdes ne sont pas n'importe qui, ils sont presque aussi intelligents que les humains. Mais la paye vaut la peine : 1000 dollars par androïde liquidé. Ainsi, Rick pourra remplacer son mouton électrique par un vrai...
Brillamment adapté au cinéma par Ridley Scott, Blade Runner demeure une des oeuvres fondamentales de Philip K. Dick. Mort en 1982, celui-ci pu se rendre à l'avant-première du film mais mourut avant la sortie en salles de cinéma. Si le thème du robot qui s'affranchit de la servitude est courant en science-fiction, Dick y apporte une touche différente. Son récit est centré sur les humains (comme dans la plupart de ses ouvrages). Il ne pose pas la question habituelle "Et si les robots se rebellaient et prenaient le dessus sur les hommes (Asimov par exemple)" ? Mais pose plutôt le postulat suivant : Et si les humains, être froids, impersonnels, dénués de sentiments, cupides, n'étaient pas plus "humains" que les robots ? Et si ces derniers étaient en fait pourvus de sentiments ?
"[...] Les androïdes rêveraient-ils ? se demanda Rick. Bien sûr, puisqu'il leur arrive de tuer leur patron pour s'enfuir vers la Terre. Vers une vie meilleure, sans servitude. [...]"
"[...] Nous sommes bel et bien des machines, on nous emboutit à la chaîne, comme des capsules de bouteille. Je - moi, personnellement -, je croyais exister en tant que telle, et ce n'est qu'une illusion... Je ne suis qu'un modèle de série parmi des milliers d'autres. Elle frissonna.
Rick ne put s'empêcher de se moquer d'une morosité qu'il jugeait outrée.
- Les fourmis n'ont pas ce genre de sentiments et pourtant elles sont physiquement identiques.
- Les fourmis ! Elles n'ont pas de sentiments du tout. [...]"
Philip K. Dick, Blade Runner, J'ai Lu, n° 1768, 251 p. Traduit de l'américain par Serge Quadruppani. Paru pour la première fois en 1968 sous le titre original Do androids dream of electric sheep ?
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01/07/2008
La conjuration des imbéciles
Déprimé en raison de l'impossibilité de faire publier ce qu'il considérait comme un chef-d'oeuvre, l'auteur de ce livre se suicida en 1969 à l'âge de 32 ans. En 1976, sa mère, munie du manuscrit, parvint à coincer Walker Percy, écrivain et professeur d'université, et à lui faire lire le bouquin. Celui-ci, abasourdi par le génie de John Kennedy Toole, réussit à convaincre un éditeur de publier le chef-d'oeuvre. En 1981, celui-ci reçut le prestigieux Prix Pulitzer ! L'ironie dans tout ça est que le même univers qui rejetta Toole (l'édition), est celui qui le récompensa de la plus prestigieuse des récompenses. C'est donc hélas à titre posthume que l'écrivain remporta sa victoire contre les imbéciles, soulignée par cette citation de Jonathan Switch placée au début de son ouvrage : "Quant un vrai génie apparaît en ce bas monde, on peut le reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui."
La conjuration des imbéciles est une description humoristique de l'atmosphère particulière de la Nouvelle-Orléans, de ces bas fonds, de son franc-parler très spécial... Le livre est considéré aujourd'hui comme essentiel parmi la littérature portant sur les Etats du Sud des Etats-Unis. Brillant.
John Kennedy Toole, La conjuration des imbéciles, 10/18, 2002, 478 p. Traduit de l'américain par Jean-Pierre Carasso. (Paru en 1980 sous le titre original A confederacy of dunces).
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12/05/2008
Journal d'un vieux dégueulasse
"- toi, t'as été en prison, non ? comment c'était ? - rien de bien différent. - ce qui veut dire ? - ce qui veut dire qu'on transpose dans un autre élément la société humaine dans son entier. et les clivages se font en fonction de la spécialité de chacun. les escrocs ne fréquentent pas les voleurs de voitures. lesquels ne fréquentent pas les exhibitionnistes. l'appartenance à l'un ou l'autre des groupes dépend du motif d'inculpation. par exemple, un producteur de films pornos occupe une place de choix dans la hiérarchie carcérale tandis qu'un bourreau d'enfants est rejeté dans l'enfer. - et toi tu les classais comment ? - au même niveau : en cellule. - je vois, mais en quoi un taulard diffère de l'homme de la rue ? - le taulard est un perdant qui aura essayé."
On connaît bien les romans de Bukowsli. Directement inspirés de sa vie, ils parlent de misère, d'alcool et de femme, d'errance, de marginalités, d'emplois humiliants... Vocabulaire cru et grossier, sexe, alcool et débauche. Un roman brillamment subversif.
Charles Bukowski, Journal d'un vieux dégueulasse, Le Livre de Poche, 316 p. Traduit de l'américain par Gérard Guégan. (Paru en 1969 sous le titre Notes of a dirty old man).
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29/02/2008
Waiting period
On doit à Hubert Selby Jr. (1928-2004) Requiem for a dream (adapté au grand écran par Darren Aronofsky en 2000). Son premier roman, Last exit to Brooklyn (1964) suscita une vive polémique lors de sa parution en raison de son caractère violent. 750.000 exemplaires furent vendus la première année. Le style de Selby est marqué par un rythme très rapide et une ponctuation presque inexistante. Dans Waiting period, un homme décidé à se suicider, achète un pistolet. Mais un bug informatique retarde la livraison de plusieurs jours. Durant cette attente, l'homme décide que ce n'est pas lui qui devrait mourir mais les "autres". Dernier ouvrage de Selby, Waiting period est l'ultime description des contradictions d'une société américaine violente.
[...] "Tout le monde cherche toujours à bousculer quelqu'un, quelqu'un de situé plus bas dans la chaîne alimentaire. Quelqu'un auprès duquel se sentir supérieur. Et si vous n'y arrivez pas au boulot alors faites-le chez vous. C'est ça qui est beau dans le fait d'avoir une famille. Une femme à gifler, des gamins à punir et fouetter. On dirait que la seule raison pour laquelle les gens se marient c'est pour avoir quelqu'un à maltraiter en privé, à l'abri des regards."
"A essayé de se suicider quelques heures avant de passer sur la chaise électrique. L'ont conduit fissa à l'hosto, fait venir des spécialistes, lui ont sauvé la vie, puis l'ont rapatrié dare-dare à Sing Sing à temps pour être exécuté. D'une logique implacable. Comme tout le reste dans ce monde. Me demande s'ils l'ont inculpéde tentative de suicide avant de l'exécuter ? Me rappelle pas où j'ai lu ça. Dans une revue de faits criminels, sûrement. Pouvaient pas juste laisser le pauvre diable mourir. Non. Il fallait qu'ils l'exécutent sinon ça n'aurait pas été juste..."
Hubert Selby Jr., Waiting period, 10/18, 2003, 249 p. (Traduit de l'américain par Claro).
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23/01/2008
Machiavel
Entreprendre la biographie d'un auteur, n'est-ce pas vouloir éclairer le sens de l'oeuvre par la vie de son auteur, sa trajectoire individuelle et son appartenance sociale ? Réaliser un tel projet n'est pas aisé à propos de Machiavel. Il faut parvenir à appréhender l'auteur Machiavel indépendamment de trois mythes auxquels il est associé : celui de la Renaissance, "civilisation qui est la mère de la nôtre, qui représente toujours une force vivante avec nous", "guide de notre ère", celui de "l'esprit italien moderne, auquel était réservé l'honneur de servir de modèle à l'Occident" et celui de Florence, "la ville du mouvement, qui nous a légué le souvenir de toutes les idées, de toutes les aspirations individuelles ou générales qui, pendant trois siècles, se sont fait jour dans ce centre intellectuel".
"Tout homme dont le nom devient, à tort ou à bon droit, l'étiquette d'un système, cesse de s'appartenir, et sa biographie indique bien plus les fortunes diverses du système avec lequel on l'a identifié, que sa propre individualité."
Marie Gaille-Nikodimov, Machiavel, Tallandier, 2005, 287 p.
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