28/09/2011
L'oreille interne
Juif new-yorkais, la quarantaine, David Selig estime être un raté. Il n'a pas d'amis, pas de vie sentimentale , n'a pas terminé ses études et occupe son temps à faire les devoirs des étudiants de fac. Bref, il estime ne pas avoir de vie. Pourtant, il possède un talent hors-pair : la télépathie. Las, ce don qui ne lui a jamais vraiment rendu service et l'a coupé du monde, est en train de disparaître. Paradoxalement, cette qualité est finalement son seul lien avec l'humanité. N'ayant aucune idée de ce qu'il lui arrivera lorsqu'il ne sera plus télépathe, il nous raconte sa misère existentielle.
Consacré par les critiques, ce roman est considéré comme le chef-d'oeuvre de Silverberg dont l'oeuvre est plus que prolixe. Mi-fiction, mi-récit autobiographique, cette oeuvre non-linéaire rompt avec les codes du genre. L'auteur a par exemple alterné la narration avec le "je" et le "il" (focalisation interne - focalisation zéro). Dans le même temps, l'écriture sérrée nous permet de vivre au plus près les tourments psychologiques du personnage principal (Selig). Et le tout est accompagné d'une dimension intellectuelle non négligeable puisque Selig présente en détail les dissertations de philosophie qu'il compose pour les étudiants. Bref, les fans de science-fiction décalée doivent absolument lire ce roman culte.
Robert Silverberg, L'oreille interne, Gallimard, Folio SF, 2007, 334 p.
Titre original : Dying inside (publié pour la première fois en 1972).
- Prix Nebula - 1972.
- Prix Hugo - 1973.
- Prix John Wood Campbell Memorial - 1973.
18:17 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : science-fiction, robert silverberg, l'oreille interne, dying inside, david selig, prix nebula, prix hugo
19/11/2010
Stauffenberg
Mais qui était donc Claus Schenk von Stauffenberg, celui qui amorça le fameux attentat raté contre Adolf Hitler le 20 juillet 1944 ? Pourquoi le personnage est-il si peu connu en France ? Spécialiste en histoire contemporaine, Jean-Louis Thiérot affirme qu'il n'avait pas "le charme angélique de Sophie Scholl" (1), qu'il n'était pas "un prolétaire comme Georg Elser" (2) ou qu'il n'avait rien à voir non plus "avec les forces de progrès de l'Orchestre rouge" (3). Antibolchévique, antidémocratique, aristocrate, conservateur, admirateur de la Prusse, fervent catholique, voilà autant d'épithètes qui rendent le personnage peu sympathique et qui expliquent mal la conjuration qu'il mit en place contre le système national-socialiste. Pourtant, il est le seul qui fut à deux doigts de supprimer Adolf Hitler.
Dans cet ouvrage critique, l'auteur revient sur le parcours exemplaire d'une figure centrale de la résistance allemande au nazisme. Cette biographie pertinente et objective, basée sur une bibliographie solide, nous permet de cerner le personnage Stauffenberg et surtout de comprendre la volte-face d'un "soldat" que rien, a priori, ne devait pousser à se rebeller contre le système. Le livre a obtenu le prix Christophe Robert de l'Association des écrivains combattants.
Jean-Louis Thiérot, Stauffenberg, Perrin, 2009, 310 pages.
Stauffenberg au cinéma :
- C'est arrivé le 20 juillet (Georg Wilhelm Pabst, 1955).
- La nuit des généraux (Anatoli Litvak, 1967).
- Opération Walkyrie (Joe Baier, 2004).
- Walkyrie (Bryan Singer, 2008).
(1) Membre du cercle résistant de la Rose Blanche, Sophie Scholl et son frère Hans, furent exécutés en 1943 pour avoir distribué des tracts subversifs à l'université de Munich. Ils avaient respectivement 21 et 23 ans.
(2) Ce petit horloger de Stuttgart avait fait exploser en 1939 une bombe dans une brasserie de Munich. Malheureusement, Hitler avait quitté la place 12 minutes plus tôt.
(3) Dirigé par Leopold Trepper et chapeauté par l'URSS, ce groupe de résistance communiste fut décimé par la répression policière allemande à la fin de 1943.
11:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : stauffenberg, attentat du 20 juillet 1944, seconde guerre mondiale, jean-louis thiérot, hitler
19/09/2010
Samudaripen - Le génocide des Tsiganes
Samudaripen en langue romani (celle des Roms) veut dire "génocide", celui des Roms durant la Seconde guerre mondiale. Entre 1939 et 1945, des centaines de milliers de Tsiganes furent exterminés par les nazis et leurs alliés. Or ce fait fut souvent oublié par l'historiographie et rares sont les ouvrages qui lui sont consacrés. Si le génocide des Juifs est reconnu, celui des Tsiganes ne l'a jamais été et si les premiers continuent de percevoir des réparations (symboliques, financières...), les Tsiganes n'ont jamais rien obtenu au titre de réparations.
Spécialiste des Tsiganes, Claire Auzias apporte un nouveau éclairage sur ce drame jamais reconnu. Et le constat est grave : les Tsiganes ont réellement été massacrés de manière organisée, comme groupe ethnique distinct. Le nombre de Roms exterminés durant la Seconde guerre mondiale est estimé à 200.000.
Claire Auzias, Samudaripen - Le génocide des Tsiganes, Paris, L'Esprit Frappeur, 1999, 204 p.
11:19 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : samudaripen, tsiganes, roms, claire auzias, génocide des tsiganes, seconde guerre mondiale
05/02/2009
Canaris
Wilhelm Canaris fut le célèbre patron de l'Abwehr, les services de renseignements de la Wehrmacht, de 1935 à 1944. Contrairement à la plupart des hauts dirigeants du IIIème Reich, il n'a jamais vraiment été clair de quoi relevait ce personnage ambigü. Résistant ? Chevronné ? Omnipotent ? Anti-nazi ? Incompétent ? Ce qui est certain, comme l'affirme l'auteur dans cet ouvrage, c'est qu'il s'est bâti autour de lui une légende faisant de lui un opposant ardent du régime nazi, ce qui a conduit à sa chute à partir de l'année 1944. Or était-il un farouche résistant au régime d'Adolf Hitler se demande l'auteur ? Grâce à des documents d'archives inédits, Heinz Hohne a dressé un portrait plus nuancé et surtout, une biographie fleuve (plus de 500 pages), des premiers pas de Canaris dans la marine prussienne, en passant par son rôle central dans le financement nazi des troupes franquistes en Espagne, jusqu'à sa direction des services de l'Abwehr et sa mise au pas.
Sans être un nazi, Canaris était d'abord convaincu du bien-fondé du national-socialisme et un inconditionnel de Hitler. Mais ensuite, une rupture s'opère. Véritable militaire, royaliste et nostalgique de l'ordre prussien, Canaris voyait d'un mauvais oeil les purges opérées dans l'armée (que Hitler ne supportait pas). Il s'éloigne définitivement du nazisme et prend contact avec les puissances alliées mais sans jamais vraiment s'impliquer dans une quelconque action subversive. En 1944, il part en disgrace, en raison de son action inneficace au sein des services de renseignements. Puis vint le fameux attentat raté contre Hitler du 20 juillet 1944. Les enquêteurs ratissent large et une dénonciation le cite comme conspirateur. Alors qu'il n'a pas participé au complot (1), Canaris est pourtant convaincu de trahison (2). Le 9 avril 1945, il est pendu au camp de concentration de Flossenburg. Après avoir lu cette biographie très documentée, nous pouvons tirer le constat suivant : pas vraiment nazi ni véritable résistant, Canaris était avant tout fidèle à son pays et lorsqu'il s'est rendu à l'évidence que celui-ci était perdu, il s'est résolu à tenter prudemment de trouver une autre issue. Il avait des plans mais ne les a jamais vraiment amorcés. Nous ne saurons jamais vraiment si ce fut par manque de conviction, lacheté, prudence ou tout simplement faute de moyens.
En 1996, Wilhelm Canaris (ainsi que d'autres résistants au IIIème Reich) est réhabilité à titre posthume par la justice allemande.
Heinz Hohne, Canaris - La véritable histoire du chef des renseignemments militaires du IIIème Reich, Paris, Balland, 1981, 579 p.
(1) Tenu au courant du complot, Canaris ne voulait pas y participer, n'appréciant guère les instigateurs (les considérant comme des amateurs), notamment Stauffenberg qu'il jugeait trop "gauchisant". L'ironie fut que Canaris fut justement liquidé en raison d'une prétendue participation au complot.
(2) Des documents découverts dans son coffre-fort attestaient d'une activité plus ou moins subversive.
19:30 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : wilhelm canaris, hitler, abwehr, iiième reich, seconde guerre mondiale
28/11/2008
Heydrich - Prague. 27 mai 1942
Si nous ne montrons pas la couverture de ce livre, c'est qu'il n'a pas été réédité (il remonte à 1978) et n'est disponible que dans des librairies de livres anciens (ou sur internet). Reinhard Heydrich fut un des dignitaires nazis les plus cruels. Chef du SD puis du RSHA (1), bras droit de Heinrich Himmler, il est nommé Protecteur de Bohême-Moravie en 1941 (en remplacement de Konstantin von Neurath jugé peu efficace). Il fut également le créateur des tristement célèbres Einsatzgruppen, ces groupes d'intervention de la SS, chargés d'exterminer en territoire conquis les élites soviétiques et polonaises mais également Juifs, Tziganes et handicapés. En 1942, il présida la Conférence de Wannsee. "L'archange du mal" était considéré avec Hitler et Himmler comme le plus féroce des nazis. C'est ainsi que la résistance tchèque extérieure (basée à Londres) décide qu'il faut l'éliminer. Fin décembre 1941, deux résistants tchèques, entraînés en Angleterre, Jan Kubis et Josef Gabcik, sont parachutés non loin de Pilsen, en République Tchèque actuelle. Ce livre retrace donc leur mission périlleuse. Prendre leurs repères, gagner la confiance de la résistance tchèque interieure, et surtout parvenir à atteindre celui qui était tout de même le nazi n°1 en Tchécoslovaquie et préssenti selon certains comme le succésseur de Hitler (2).
Après la réussite de l'"Opération Anthropoïde" (touché le 27 mai par le jet d'une grenade, Heydrich décède à l'hopitâl le 4 juin 1942), les nazis lancèrent une vaste opération de représailles. Le 10 juin 1942, le village de Lidice fut effacé de la carte et ses habitants massacrés. Quant aux membres du commando, ils furent encerclés par la Gestapo le 18 juin (suite à une trahison) et se réfugièrent dans la cathédrale Cyrille-et-Méthode. La bataille mena à la mort de certains et au suicide des autres. Les 7 héros périrent.
"La logique de la terreur , son ressort secret, c'est d'exterminer non des coupables mais des innocents - et de les exterminer collectivement. A court terme, l'hystérie collective a toujours valeur d'exemple."
"Il y a deux sortes de crimes parfaits : ceux qui sont camouflés en accident, en suicide ou encore en mort naturelle et ceux dont on ne réussit pas à retrouver l'auteur ou les auteurs."
(1) Le SD (Sicherheitsdienst), créé par Heydrich en 1931, était le service de renseignement du NSDAP, le parit nazi. Quant au RSHA (Reichssicherheitshauptamt), "l'Office central de la sécurité du Reich", il fut créé en 1939 par Himmler et englobait le SD, la Gestapo et la Kriminalpolizei.
(2) Avant son vol mystérieux de mai 1941, qui le rendit prisonnier des Anglais, Rudolf Hess était considéré comme le dauphin de Hitler. En théorie, s'il arrivait quelque chos au Fuhrer, c'est Hermann Göring, n° 2 du régime, qui devait lui succéder. L'auteur affirme p. 121 que certains analystes considéraient que Heydrich était un succésseur potentiel.
François Broche, Heydrich - Prague. 27 mai 1942, Balland, coll. "Les grands crimes politiques", 1978, 216 p.
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