17/11/2008
Le massacre de Katyn
Katyn, 1940. Dans une forêt près de Smolensk en Biélorussie, plus de 4000 cadavres d'officiers polonais sont retrouvés, exécutés d'une balle dans la nuque. En tout, plus de 15.000 membres de l'intelligentsia polonaise seront exécutés par les autorités soviétiques qui devaient de se partager la Pologne avec l'Allemagne nazie. Celles-ci tentèrent d'imputer ce crime de guerre aux Nazis lors du procès de Nuremberg (1945) mais le dossier fut mis de côté car le réouvrir aurait conduit à dénoncer le pacte germano-soviétique de 1939. Ouvertes durant la perestroïka de Gorbatchev, les archives soviétiques permirent d'étayer la thèse selon laquelle le crime fut bien commis par le NKVD de Lavranti Béria. Simple crime de guerre (comme il furent nombreux) ? Pas du tout nous expliquera l'auteur. Le Massacre de Katyn faisait partie intégrante du nettoyage de classe opéré par le pouvoir soviétique afin d'asseoir une domination totale sur une malheureuse Pologne, rayée de la carte.. Son livre constitue la référence en matière de refléxion sur ce crime de l'histoire demeuré longtemps tabou historique.
Le massacre de Katyn vient d'être transposé au cinéma (Katyn, 2007), par le grand réalisateur polonais Andrzej Wajda, mais n'est pas encore sorti dans les salles françaises.
[...] "L'historiographie dans la seconde moitié du XXème siècle a souvent mené ses analyses sans s'arrêter sur le triste fait que les systèmes totalitaires de l'Axe avaient été détruits par une "alliance contre nature" entre les démocraties occidentales et un autre régime totalitaire, le régime stalinien. Cas emblématique de l'ambiguïté intrinsèque de cette approche, Katyn est un défi encore ouvert pour l'historiographie de la Seconde Guerre mondiale."
[...] "L'exécution des officiers polonais en avril 1940 ne peut être comprise que si on la considère comme un élément du processus général de "nettoyage de classe" auquel furent soumis les territoires polonais tombés sous la coupe soviétique."
"La documentation sur Katyn démontrait une rupture totale du parti-Etat soviétique avec une quelconque idée de droit, en particulier avec les principes du droit international, et la négation totale du concept de responsabilité subjective et de culpabilité individuelle."
Historien, Victor Zaslavsky est enseignant à Rome.
Victor Zaslavsky, Le massacre de Katyn, France, Perrin, 2007, 200 p. (Paru pour la première fois en 1998). Traduit de l'italien par Christine Vodovar.
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19/10/2008
Syria's terrorist war on Lebanon
Comme l'affirme l'auteur dans l'introduction, il démontre dans son ouvrage que le rôle de la Syrie dans le processus de paix israélo-arabe a consisté depuis 1974 en une guerre contre toutes les tentatives de résolution pacifique du conflit. Le régime de Assad (père, mais également fis aujourd'hui ?) n'avait nullement l'intention de faire la paix avec Israël car perpétuer le conflit au nom du nationalisme arabe légitimait le régime syrien et le maintenait en position de force. En enrayant le processus de paix (attentats à la bombe, provocations à la frontière israélienne, instrumentalisation des acteurs sur le terrain), la Syrie pouvait des lors se permettre de demeurer au Liban et s'affirmer comme un acteur politique-clé au Moyen-Orient, demeurant quoi que l'on dise, incontournable.
Dommage par contre que le titre de l'ouvrage soit très subjectif et plus ou moins racolleur. Car l'analyse de la politique arabe de la Syrie dans la période 1976 (entrée des troupes au Liban) - 2000 (retrait d'Israël du Liban) est très pertinente. Divisée en plusieurs chapitres traitant chacun de périodes spécifiques, elle explique comment Hafez el-Assad, machiavélique et brillant stratège, manoeuvrait habilement, permettant à la Syrie d'être toujours aux premières loges.
Spécialiste du Moyen-Orient et de l'Islam, Marius Deeb est professeur à l'Université John Hopkins.
Marius Deeb, Syria's terrorist war on Lebanon and the peace process, New York, Palgrave Macmilan, 2003, 285 p.
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10/10/2008
Auschwitz
Producteur, scénariste, réalisateur et directeur des Programmes historiques de la BBC, Laurence Rees transpose ici en ouvrage un de ses nombreux documentaires, Auschwitz : the Nazis and the Final Solution (2005). Récit aussi instructif que poignant, ce livre est principalement basé sur le témoignagne d'anciens détenus (ceux qui survécurent...) des camps de concentration nazis. Rees revient donc sur le fonctionnement des camps, principalement le tristement célèbre Auschwitz, l'application de la solution finale (l'extermination systématique des Juifs) et les conditions de détention mais également le profil sociologique des tortionnaires SS. La plupart de ces derniers, hommes au profil banal, reconnaitront avoir appliqué ce qu'ils considéraient comme de simples ordres mais surtout comme quelque chose qui devait se faire. L'auteur reviendra également sur certains faits inédits, concordant mal avec l'univers glauque des camps, comme par exemple la présence d'un bordel à Auschwitz ou une relation d'amour éphémère entre une détenue juive et un caporal nazi. Mais Laurence Rees a voulu surtout démystifier certaines réalités : si Auschwitz fut le camp qui généra le plus de morts (plus d'un million), l'auteur rappelle, preuves à l'appui, que d'autres camps - moins ancrés dans la mémoire relative à l'Holocauste - comme Belzec, Sobibor ou Treblinka, n'engendrèrent pas autant de victimes (en chiffres) mais procédaient de même à des sélections (""qui" devait mourir") et à des exécutions systématiques. Surtout, dans ces camps-là, on exterminait à une échelle beaucoup plus intensive qu'à Auschwitz. Dans des espaces très réduits (moins de 500 m²), des milliers d'individus étaient éliminés par jour... L'auteur reviendra également sur les cas danois (où il n'y eut ni délation ni repression des Juifs) et Hongrois (le triste génocide des Juifs hongrois, sujet toujours polémique d'ailleurs quant à la réelle implication des autorités hongroises). Implacable, ce livre s'avère être un excellent rempart contre l'amnésie historique.
Laurence Rees, Auschwitz - Les nazis et la "solution finale", Le Livre de Poche, 2005, 475 p. Traduit de l'anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat.
Image célèbre du Ghetto de Varsovie
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06/10/2008
Dans le bunker de Hitler
"Tout devenait de plus en plus surréaliste, détaché de la réalité, dans cette existence souterraine, privée de la lumière du jour. Je vivais au milieu d'une foule de gens inconnus, liés à la toute-puissance d'un homme physiquement épuisé mais mentalement infatiguable. Hitler multipliait des ordres auxquels plus personne ne prêtait attention."
Militaire de carrière, Bernd Freytag Von Loringhoven fut aide de camp (des généraux Heinz Guderian puis Hans Krebs) durant les neuf derniers mois du régime nazi. Participant quotidiennement aux réunions militaires, il fut de ceux qui demeurèrent dans le fameux bunker de Hitler lors du siège de Berlin par les troupes soviétiques. Ne désirant pas mourir dans ce lieu glauque (contrairement à Goebbels et consorts), il s'évade avec un camarade le 29 avril 1945, soit un jour avant l'arrivée des Russes. Sans complaisance ni dramatisme (ni culpabilité), il relate ici son expérience des derniers mois du Troisième Reich : les erreurs tactiques de Hitler, l'égo surdimensionné de ce dernier et son absence de confiance envers qui que ce soit, les frictions entre les SS et la Wehrmacht, le limogeage inutile de nombreux officiers, l'attentat raté du 20 juillet 1944 (perpetré par Stauffenberg), et surtout, l'aventurisme d'un charlatan [Hitler] et la défaite inéluctable après l'échec de l'offensive du front de l'Est.
"La terrible expérience de la guerre, de la dictature nazie et de l'holocauste fait partie de notre histoire. Le retour lucide sur le passé ne doit pas conduire à un mea culpa généralisé et permanent pour les générations futures, mais il participe d'une obligation de vigilance. [...] Quand l'histoire vient éclairer la mémoire, c'est le meilleur des antidotes contre l'intolérance et le retour des illusions."
Bernd Freytag Von Loringhoven (avec François d'Alançon), Dans le bunker de Hitler - 23 juillet 1944-29 avril 1945, Perrin, 2005, 218 p.
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02/10/2008
De quoi Sarkozy est-il le nom ?
Figure importante de la vie intellectuelle française, Alain Badiou est philosophe, écrivain et professeur de philosophie à l'ENS.
"En France, puissance moyenne dont on ne voit pas que l'avenir puisse être glorieux - sauf si elle invente la politique qui soustraira le pays à son insignifiance et en fera une référence émencipatrice planétaire -, l'affect négatif est particulièrement violent et misérable. Il se traduit par la peur des étrangers, des ouvriers, du peuple, des jeunes des banlieues, des musulmans, des noirs venus d'Afrique... Cette peur, conservatrice et crépusculaire, crée le désir d'avoir un maître qui vous protège, fût-ce en vous opprimant et paupérisant plus encore. Nous connaissons les traits de ce maître aujourd'hui : Sarko, un flic agité qui fait feu de tout bois, et pour qui coups médiatiques, financiers, amicaux et magouilles de coulisse sont tout le secret de la politique."
"Pourquoi ce que les politiciens et la presse asservie des pays occidentaux appellent (en France , l'expression vient de Le Pen) le "problème de l'immigration" est-il devenu, dans tous les pays concernés, une donnée fondamentale de la politique des Etats ? Parce que tous ces étrangers qui arrivent, qui vivent et qui travaillent ici, sont la preuve que la thèse de l'unité démocratique du monde réalisée par le marché et par la "communauté internationale" est entièrement fausse. Si elle était vraie, nous devrions accueillir ces "étrangers" comme des gens du même monde que nous."
Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ? Nouvelles Editions Lignes, Circonstances, 4, 2007, 155 p.
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