04/02/2014
Hommage à Philip Seymour Hoffman
L'acteur américain est décédé dimanche 2 février à l'âge de 46 ans dans son appartement de Manhattan. D'après la police locale, la mort aurait été causée par une overdose d'héroïne (1). Après James Gandolfini (juin 2013) et Paul Walker (novembre 2013), Hollywood perd tragiquement un troisième acteur en moins d'un an.
Issu du monde du théâtre (il est diplômé de la Tish School of the Arts de l'Université de New-York), il tourne dans quelques films indépendants et est remarqué pour la première fois dans Scent of a woman (Martin Brest, 1992). Souvent cantonné aux rôles de seconds couteaux, il se fait à nouveau remarquer dans le culte Boogie Nights (1996) de Paul Thomas Anderson qui en fera son acteur fétiche. Hoffman apparaîtra dans cinq des six films réalisés par l'un des cinéastes les plus talentueux de la nouvelle vague américaine, et remportera en 2012 le prix d'interprétation masculine à la Mostra de Venise pour son rôle dans The Master, où il incarnait un leader charismatique, sorte de clin d'oeil à l'apogée du scientologue Ron Hubbard. Entretemps, l'année 2005 avait déjà constitué un tournant dans sa carrière. Il remporte l'ocar du meilleur acteur (et également un Golden Globe dans la même catégorie) pour son interprétation de l'écrivain Truman Capote dans Capote de Bennett Miller.
La force de l'acteur fut de ne jamais se cantonner à un seul registre, capable de jouer les obsédés sexuels (Happiness, 1998 ; Magnolia, 1999), un looser (25th Hour, 2002), un curé (Doubt, 2008), une éminence grise (The Ides of March, 2011)... Son eclectisme lui vaudra d'ailleurs de tourner aussi dans des films indépendants que de cotoyer les grands réalisateurs comme Sidney Lumet (Before the devils knows you're dead, 2007), et d'apparaître dans des grosses productions. Dans Mission Impossible III (2006), il incarnera avec conviction l'ennemi juré de l'agent Ethan Hunt. Nous l'aurions bien vu d'ailleurs interpréter le rôle tant convoité du mauvais dans un James Bond. Il est apparu tout récemment dans A most wanted man d'Anton Corbijn et nous le verrons en novembre prochain dans le premier volet de la troisième partie de Hunger Games (The Hunger Games: Mockingjay - Part 1). La suite par contre, tournée en ce moment-même, se fera sans lui. Hollywood vient de perdre un très grand acteur. J. N
(1) http://nypost.com/2014/02/02/philip-seymour-hoffman-found-dead-in-his-apartment/
09:00 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (2)
03/02/2014
Nymphomaniac 1 & 2
Désormais persona non grata au Festival de Cannes, le cinéaste le plus sulfureux et provocant du moment n'en finit plus de susciter la controverse. Inspirée des récits du marquis de Sade, l'histoire relate le parcours sexuel de Joe, "le canard silencieux", se confessant dans une chambre miteuse à Seligman (Stellan Skarsgard), un vieux célibataire. En huit chapitres (5 dans la première partie, 3 dans la seconde), elle raconte avec force détails les jalonnements - semés d'embûches - d'une vie sexuelle débridée, de sa plus tendre enfance jusqu'à ses cinquante ans. "Innocent", Seligman fait office temporairement de psychanaliste, sorte de réincarnation de Sigmund Freud. Pour adhérer au propos de la psychose féminine, déjà abordé dans Antichrist (2009) et Melancholia (2011), il faut bien entendu apprécier l'univers du réalisateur danois (la question de la dimension misogynique est secondaire), faute de quoi il serait inutile de se déplacer. Heureusement que le film, qui cumule quatre heures pleines, fut découpé en deux parties (sorti en salles à trois semaines d'intervalle), avons-nous envie de dire. Car le premier volet, très vraisemblable (osons le dire), se concentrant sur l'histoire d'une jeune femme désirant assouvir ses fantasmes sexuels quitte à se faire traiter de tous les noms (Seligman fera remarquer par la suite, et à juste titre, que s'il s'agissait d'un homme, personne n'aurait rien eu à dire), laissera le relais à une suite où un sadomasochisme des plus extrêmes constituera la norme. Pris d'un sentiment de jubilation après l'acte 1, nous sommes sortis littéralement terrassés après le second acte. Et dire que cette montée inexorable en crescendo devait durer cinq heures à la base... Au final, cette réflexion philosophico-sexuelle, nouvelle marque de fabrique de Lars von Trier, est plus qu'intéressante dans sa globalité et en vaut largement le détour. Toutefois, âmes sensibles s'abstenir. J. N
Nymphomaniac (Lars Von Trier, Dan/All/Bel/Fr, 2013, 118 min + 124 min). Avec Charlotte Gainsbourg, Stellan Skarsgard, Stacy Martin, Shiah Labeouf, Christian Slater, Willem Dafoe, Uma Thurman, Jamie Bell, Sophie Kennedy Clark.
12:00 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nymphomaniac, lars von trier, charlotte gainsbourg, shiah labeouf, stacy martin, willem dafoe, uma thurman, jamie bell, christian slater, stellan skarsgard
02/02/2014
Le vent se lève
Le dernier de Miyazaki a beaucoup fait parler. Et pour cause, le maître es animation vient de tirer sa révérence après plus de trente ans de bons et loyaux services (l'expression est faible). Celui qui avait débuté en 1979 (déjà) avec Le château de Cagliostro considère qu'il est désormais trop âgé (72 ans) pour réaliser un long-métrage. En 1984, à une époque où les moyens techniques n'étaient pas ce qu'ils sont aujourd'hui, il réalisait Nausicaä, une fable écologique qui restera une référence en la matière. Cette sensibilisation à l'environnement sera agrémentée en 1997 d'une dimension épique avec le culte Princesse Mononoké, premier grand succès du studio Ghibli (15 millions de spectateurs au Japon). L'écologie et le non-recours à la guerre (Le château dans le ciel, 1986) seront d'ailleurs ses thèmes-clés (sa famille dû fuir les bombardements américains lors de la Seconde guerre mondiale), sans oublier bien entendu l'enfance, avec les magnifiques Mon voisin Totoro (1992) et Ponyo (2009), et un autre film culte, Le voyage de Chihiro (2001), première animation japonaise à recevoir un oscar, mais également première du genre à remporter l'Our d'or au Festival de Berlin.
Entre un numéro dédicace des Cahiers du cinéma (janvier 2014), un supplément de Studio Cinélive (décembre 2013), et d'autres publications et commentaires (un article dans les Inrocks), il a beaucoup été dit sur l'ultime bijou du maître à penser du studio Ghibli. Difficile donc d'ajouter quelque chose dix jours après la sortie du film. Certains se sont demandés s'il s'agirait d'un nouveau chef-d'oeuvre bouclant une oeuvre déjà foisonnante. Le débat n'a pas lieu en fait, tant il est difficile de faire mieux que Princesse Mononoké et Le voyage de Chihiro, les deux productions les plus abouties. L'intrigue tourne autour de Jiro, un grand admirateur des avions de guerre façonnés par l'ingénieur italien Caproni. Atteint de myopie, il ne pourra jamais piloter mais compensera ce rêve en devenant lui aussi ingénieur aéronautique, en passe de réaliser un modèle inégalable alors que le Japon va bientôt faire son entrée dans le Second conflit mondial aux côtés de l'Allemagne nazie.
On retrouve donc l'univers grave de la guerre, cher à Miyazaki, mais aussi et surtout le thème des avions, qu'il avait déjà esquissé dans Porco Rosso (1992). L'amour et l'enfance sont eux aussi présents. Ce récit à plusieurs niveaux et thématiques, parfois éprouvant (tant les séquences sont étirées), est comme souvent façonné par des couleurs époustouflantes, dont seul Miyazaki a le secret. On notera au passage que l'affiche du film ressemble d'une certaine manière à La femme à l'ombrelle (voir ci-contre), une toile célèbre de Claude Monet (hommage à l'impressionnisme français ?). On s'attendait peut-être à ce que Miyazaki finisse sur une histoire joyeuse mais c'est oublier qu'il ne fait jamais la même chose deux fois de suite. Ponyo nous avait fait sourire, nous en avions gardé un sentiment de joie et d'apaisement. Ici, ce mélodrame classique ne nous a pas particulièrement ébranlé mais vient s'ajouter à la large panoplie d'un cinéaste à l'imagination débordante, qui manquera beaucoup au monde de l'animation et à qui nous tirons notre chapeau. Jihad Naoufal
Le vent se lève (Hayao Miyazaki, Japon, 2013, 126 min). Voix : Hideaki Anno, Miori Takimoto, Hidetoshi Nishijima, Masahiko Nishimura, Stephen Alpert, Morio Kazama.
- 1 nomination (Meilleur film d'animation) - Oscars 2014 (1)
- 1 nomination (Meilleur film de langue étrangère) - Golden Globes 2014
- Meilleur film d'animation - National Board of Review 2013
- Meilleur film d'animation - Chicago Film Critics Association Awards 2013
- Meilleur film d'animation - Central Ohio Critics Association 2013
- 2 nominations - Awards of the Japanese Academy 2014
- 2 nominations - Blue Ribbon Awards 2013
- Meilleur film d'animation - Boston Society of Film Critics Awards 2013
- En compétion (Lion d'or) - Mostra de Venise 2013
Filmographie de Hayao Miyazaki
2013 : Le vent se lève
2008 : Ponyo
2004 : Le château ambulant
2001 : Le voyage de Chihiro
1997 : Princesse Mononoké
1992 : Porco Rosso
1989 : Kiki, la petite sorcière
1988 : Mon voisin Totoro
1986 : Le château dans le ciel
1984 : Nausicaä
1979 : Le château de Cagliostro
(1) Cérémonie le 2 mars 2014.
11:13 Publié dans Anime, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hayao miyazaki, le vent se lève, japon, ghibli
01/02/2014
Nos enfants nous accuseront
Dans la commune de Barjac (1575 habitants, département du Gard), la municipalité a entrepris, sous l'impulsion d'Edouard Chaulet (maire FDG), d'introduire dans la cantine scolaire la nourriture bio. Initiative courageuse quand on connaît le quasi-monopole de l'industrie agro-alimentaire sur les produits que nous sommes amenés à consommer. Plus connu pour ses commentaires de matchs de football et autres sur Canal +, le réalisateur Jean-Paul Jaud s'attaque ici, à travers ce projet avant-gardiste, à l'empoisonnement des campagnes françaises par la nourriture "manufacturée". Son point de départ est double, d'une part, le constat de statistiques alarmantes : 76.000 tonnes de pesticide déversées chaque année sur le sol français, une augmentation des cancers de 93% chez les hommes en 25 ans. D'autre part, son projet est personnel puisqu'il était atteint d'un cancer du colon (la cause première en est la présence de résidus toxiques dans l'alimentation).
Le documentaire défend une noble cause ou comment mieux s'alimenter, et surtout ne pas seulement constater les dégâts mais prendre les mesures nécessaires pour endiguer le fléau, pour que dans le futur, nos enfants ne nous accusent pas. Il tire justement sa force de son fond alors que la forme laisse à désirer, coupable de ne pas s'inscrire dans la structure conventionnelle qui fait un bon docu. Celui-ci oscille en permanence entre le portrait d'écoliers heureux de manger bio, et de séquences où analystes et autres expliquent les ravages de la nourriture "chimique". Une certaine tendance pamphlétaire et un manque d'analyse détaillée rendent le tout assez maladroit. Ce qui pourrait être jugé avec indulgence à condition de le considérer comme un galop d'essai. Au final, il nous reste à espérer que la démarche environnementale entreprise par Barjac sera suivie par d'autres. Ce qui n'est pas gagné. J N
Nos enfants nous accuseront (Jean-Paul Jaud, France, 2008, 107 min)
14:00 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nos enfants nous accuseront, jean-paul jaud, industrie agro-alimentaire
21/01/2014
Out of the furnace
Braddock, bled paumé de Pennsylvanie. Russell Baze (Christian Bale) galère pour joindre les deux bouts, travaillant dans l'aciérie du coin. Son frère Rodney (Casey Affleck) n'en mène pas large non plus. De retour d'Irak, complètement désillusionné, il écume les petits boulots foireux pour se donner une raison de vivre. Leur père est au seuil de la mort. Le pire survient lorsque Russell se retrouve en prison pour un stupide accident de la route, qui coûte toutefois la vie à un gamin. Et lorsqu'il en sort, c'est pour découvrir que tout son monde s'est écroulé et qu'il doit sauver son frère des griffes d'un caïd local complètement taré (Woody Harrelson). Pour son deuxième long-métrage (1), Scott Cooper a décidé d'aborder la "Rust Belt", cette ceinture industrielle américaine s'étendant de Chicago à la côte Est et largement touchée par la crise économique de 2008, après un premier déclin dans les années 70 (à l'époque, on l'appelait la "Manufacturing Belt"). A travers le récit poignant de deux frères soudés jusqu'à la mort, il dépeint cette classe populaire américaine que nous connaissons mal. Nous apprécions ces films qui parlent des sans-grades et des laissez pour compte, de cette Amérique profonde qui est bien loin des fièvres new-yorkaise et californienne. Dans un style similaire, l'excellent Mud (2012) dépeignait la vie des ruraux dans le Mississipi, l'écorché de service étant campé par l'excellent Matthew McConaughey. Pas franchement éclatant, le scénario tient toutefois la route de par l'histoire sombre qu'il nous conte et essentiellement grâce à une direction d'acteurs impeccable, notamment Christian Bale, qui n'en est pas à sa première prestation brillante. J. N
Out of the furnace (Scott Cooper, USA, 2013, 116 min). Avec Christian Bale, Casey Affleck, Woody Harrelson, Willem Dafoe, Zoe Saldana, Forrest Whitaker, Sam Shepard, Tom Bower.
- 5 nominations - Festival de Rome 2013
(1) Son premier opus, Crazy Heart (2009) remporte deux oscars (Meilleur acteur, Meilleure chanson originale).
16:00 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christian bale, casey affleck, woody harrelson, forrest whitaker, zoe saldana, willem dafoe, sam shepard, tom bower