28/10/2019
The Trial of Ratko Mladic
Le 22 novembre 2017, Ratko Mladic était condamné à la prison à perpétuité par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Institué le 25 mai 1993 par la résolution 827 du Conseil de sécurité de l'ONU, ce dernier avait pour charge de juger les personnes s'étant rendues coupables de violations graves du droit international humanitaire sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, à partir du 1er janvier 1991 (1). Traqué durant 15 ans et arrêté en mai 2011 par la police serbe en Vojvodine (république autonome de Serbie), Mladic - surnommé "le boucher des Balkans" - fut la dernière personne jugée par le TPIY (2) et cette instance basée à La Haye (siège de la Cour pénal internationale) sera dissoute le 31 décembre 2017.
L'occasion était donc de revenir sur ce procès très médiatisé. Le documentaire explique comment l'accusation a procédé pour démontrer que Mladic - commandant de l'Armée de la République serbe de Bosnie-Herzégovine de 1992 à 1996) a commis des actes de génocide, nettoyage ethnique et crime contre l'humanité. Il sera finalement reconnu coupable de 10 chefs d'accusation sur 11 (1 de génocide, 5 de crime contre l'humanité et 4 de crime de guerres). Il est notamment responsable des tristement célèbres siège de Sarajevo (3) et massacre de Srebrenica (4).
Sans véritable analyse ni esprit critique, il a été question ici de démontrer la culpabilité de Mladic. Point de problème à ce niveau-là, les vidéos d'archive (scènes de guerre et déclarations officielles de Mladic notamment) sont convaincantes et indiquent que Ratko Mladic a en effet entrepris des crimes atroces. Toutefois, cela masque les nombreuses critiques pertinentes faites à l'encontre de ce tribunal et remettant à jour le problème de la justice internationale, ce qui nous amène à considérer ce documentaire comme propagandiste (justifier la bonne action de ce tribunal) et inutile... Quant aux critiques, nous pouvons les résumer aux points suivants :
La légitimité
Pour quelles raisons une justice pénale internationale est appliquée à certains conflits (Ex-Yougoslavie, Rwanda) et pas à d'autres, très nombreux depuis la fin de la guerre froide ? (5) Force est de constater qu'aucun soldat américain n'a été jugé pour des crimes de guerre commis par l'armée américaine en Afghanistan et en Irak. La question de la légitimité met donc en exergue une justice internationale sélective et épargnant les pays occidentaux.
La crédibilité
En 2011, Ante Gotovina (un général croate) est condamné par le TPIY à 24 ans de prison pour crimes contre l'humanité à l'encontre des populations serbes. Faisant appel, il est acquitté en 2012. Poursuivi pour crimes de guerre durant la Guerre du Kosovo (1998-1999), Ramush Haradinaj (actuel premier ministre du Kosovo), chef paramilitaire est acquitté par le TPIY en novembre 2012, après que tous les témoins devant comparaître contre lui aient été assassinés (ou décédés dans des circonstances non élucidées). Ces deux cas ont écorné la crédibilité du TPIY.
La compétence
La question de la compétence du Conseil de sécurité de l'ONU à créer un tribunal international a été posée. Autorisé par le chapitre VII de la Charte de l'ONU à intervenir en cas de menace à la paix et à la sécurité internationales, le Conseil de sécurité peut d'après l'article 29 "créer des organes subsidiaires qu'il juge nécessaires à l'exercice de ses fonctions". Le TPIY devait donc être un organe du Conseil de sécurité alors qu'il est officiellement une juridiction indépendante...
L'indépendance
Cette indépendance théorique ne l'est justement pas dans les faits puisque le TPIY était financé par l'OTAN, ce qui soulève la question de la collusion entre ces deux instances et les pressions exercées par l'OTAN, organisation occidentale, au sein de laquelle, les Etats-Unis sont très influents.
En tout état de cause, ces quatre "problèmes" s'emboîtent et constituent un même problème général, celui de la sélectivité de la justice pénale internationale, non épargnée par la question des intérêts (raison d'Etat et autres) des grandes puissances. J N
The Trial of Ratko Mladic (Robert Miller, Henry Singer, 2018, UK, 100 min)
(1) Soit les guerres de Yougoslavie (mars 1991-novembre 2001).
(2) Goran Hadzic (président de la République de Krajina durant la Guerre de Croatie - 1990-1995) fut arrêté après Mladic (juillet 2011) mais il fut libéré en 2015 pour raisons médicales et décéda en 2016.
(3) Le siège de la capitale bosniaque (1992-1995) fut effectué par les forces serbes de Bosnie dont le bombardement et les tirs de snipers menèrent au décès de 5000 civils.
(4) Ce massacre de 8000 hommes et adolescents bosniens dans cette ville musulmane de Bosnie fut perpétré par l'armée serbe de Bosnie, appuyée par les Scorpions, un groupe paramilitaire serbe, actif en Serbie et en Bosnie.
(5) De 1945 (Procès de Nuremberg) aux années 1990, la justice internationale est inexistante. Cela s'explique par la structure bipolaire du système international.
16:04 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tpiy, otan, the trial of ratko mladic, ratko mladic, guerres de yougoslavie, yougoslavie, croatie, serbie, krajina, ex-yougoslavie, kosovo, tribunal pénal international pour l'ex-yougoslavie, justice pénale internationale, justice international
24/10/2019
Marina Abramovic: The Artist is Present
Dire que l'art de Marina Abramovic (née à Belgrade en 1946) est "bizarre" serait sans doute un euphémisme. Du moins pour les profanes en art contemporain que nous sommes. Appartenant au courant artistique de l'art corporel, Abramovic a systématiquement repoussé les limites (autoflagellation et autres...), invitant même le spectateur à faire partie de son oeuvre. C'est là où elle rappelle qu'elle entend, à travers l'art, faire ressortir la nature humaine, au-delà de ses limites, et qu'elle ne conçoit pas cet art sans interactivité. Ce documentaire revient sur les coulisses de la rétrospective, puis la rétrospective elle-même, de l'artiste serbe au Museum of Modern Art à New York en 2012. Loin d'embrasser avec exhaustivité la nature de l'art d'Abramovic, il a le mérite d'en cerner les contours. Qu'on en ressorte choqué ou dérangé n'a pas grande importance. On ne peut qu'être instruit, et fasciné par ce radicalisme extrême. J N
Marina Abramovic: The Artist is Present (Matthew Akers, Jeff Dupre, 2012, USA, 96 min)
- 1 nomination (meilleur documentaire) - Independent Spirit Awards 2013
- Panorama Audience Award - Festival International de Berlin 2012
- 1 nomination (Grand prix du Jury) - Festival de Sundance 2012
- Meilleur film - Festival de Sarajevo 2012
- Meilleur documentaire - Dublin Film Critics Circle Awards 2012
....
17:22 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marina abramovic, moma, art corporel, serbie, marina abramovic: the artist is present
10/08/2019
Pays autorisant le mariage homosexuel
Une tendance qui s'accélère?
Par rapport à août 2013, le nombre d'Etats autorisant le mariage homosexuel passe de 15 à 27, soit une augmentation de 80%. Si le pourcentage de ces pays par rapport aux 193 membres de l'ONU demeure faible (13.9%), il est toutefois en augmentation puisqu'en août 2010, ils n'étaient que 10. En comptant Taïwan (qui n'est pas membre de l'ONU, en raison du litige avec la Chine), cela fait 28 pays, soit une augmentation de 86.67% par rapport à 2013. Si ces chiffres sont élevés en raison du nombre de départ qui est faible, il convient de considérer que la tendance se poursuit, l'évolution entre 2010 et 2019 étant de 180%. Il y a 20 ans seulement, aucun pays n'autorisait le mariage gay.
De même, ce fait devrait survenir prochainement en Irlande du Nord, et est à l'étude au Costa Rica, au Pérou, en Suisse, République Tchèque, Cuba, Chili, Népal, Panama et Venezuela. Sur ces 28 Etats adoptant déjà le mariage gay, 2 ne l'appliquent pas encore sur l'ensemble de leur territoire. Au Mexique, il est autorisé dans le District fédéral de Mexico, dans l'intégralité de 18 Etats (sur 32) et dans certaines municipalités de l'Etat de Querétaro. D'autres Etats fédéraux (Etats-Unis, Brésil, Canada) l'ont également adopté progressivement (par Etat) avant que la loi ne devienne fédérale. C'est l'Etat du Massachusetts (17 mai 2004) qui ouvrit la voie aux Etats-Unis. Au Royaume-Uni, manque donc à l'appel l'Irlande du Nord (application aux autres nations ainsi qu'à la plupart des Territoires britanniques d'Outre-Mer). Le Brésil adopta la loi dans certains Etats à partir de janvier 2012 puis celle-ci devint fédérale en mai 2013. Au Danemark (2012), le Groenland (avril 2016) et les Iles Féroé (juillet 2017) - provinces autonomes - rejoignirent la tendance quelques années plus tard.
Attention toutefois à l'appréciation de ces chiffres car s'il y a en effet une évolution nette ces dernières années, force est de constater que le phénomène touche essentiellement des pays occidentaux qui représentent 71.4% du total. Parmi ceux-là, 57.1% sont en Europe où la situation est assez disparate. Si 11 Etats autorisent une forme d'union civile, 18 autres n'en reconnaissent aucune, dont 6 interdisent explicitement le mariage homosexuel dans leurs textes constitutionnels (Bulgarie, Lettonie, Lituanie, Monténégro, Pologne et Serbie). Si le phénomène devrait s'amplifier en Amérique Latine (21.4% du total actuel), il ne devrait pas par contre évoluer sur le continent asiatique, représenté uniquement par Taïwan. Difficile de l'imaginer par exemple au Moyen-Orient où ultra-conservatisme et homophobie sont des phénomènes socialement ancrés et évoluant très lentement (peine de mort pour l'homosexualité en Iran, en Arabie Saoudite et au Yémen). Même constat pour le continent africain où l'Afrique du Sud fait figure d'intrus et où l'homosexualité constitue encore un crime dans de nombreux Etats (et passible de la prison à vie ou de la peine de mort dans certains).
Enfin, à une époque où conservatisme, intolérance et comportements rétrogrades reviennent en force (ou se maintiennent vaille que vaille) dans nombreuses parties du monde, nous pouvons estimer que 28 Etats c'est déjà pas mal.
J. N
Pays autorisant le mariage homosexuel (par ordre chronologique)
- Pays-Bas (avril 2001)
- Belgique (juin 2003)
- Espagne (juillet 2005)
- Canada (juillet 2005)
- Afrique du Sud (novembre 2006)
- Norvège (janvier 2009)
- Suède (avril 2009)
- Mexique (mars 2010-2019)
- Portugal (mai 2010)
- Islande (juin 2010)
- Argentine (juillet 2010)
- Danemark (juin 2012)
- Brésil (mai 2013)
- France (mai 2013)
- Uruguay (août 2013)
- Nouvelle-Zélande (août 2013)
- Royaume-Uni (mars 2014)
- Luxembourg (janvier 2015)
- Etats-Unis (juin 2015)
- Irlande (novembre 2015)
- Colombie (avril 2016)
- Finlande (mars 2017)
- Malte (septembre 2017)
- Allemagne (octobre 2017)
- Australie (décembre 2017)
- Autriche (janvier 2019)
- Taïwan (mai 2019)
- Equateur (juillet 2019)
09:41 Publié dans Liste/Classement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, royaume-uni, irlande du nord, norvège, suède, islande, finlande, costa rica, pays-bas, belgique, espagne, portugal, argentine, mexique, mexico, canada, etats-unis, luxembourg, autriche, allemagne, taïwan, venezuela, suisse, chili, panama, brésil, querétaro, loi fédérale, mariage gay, pérou, république tchèque, cuba, népal, afrique du sud, groenland, iles féroé, massachussets, mariage homosexuel, danemark, pologne, serbie, lettonie, lituanie, monténégro, bulgarie
06/06/2017
Voïvodine - Gagaouzie
Deux drapeaux étrangèrement similaires, où les divers éléments les composant (3 étoiles jaunes, 3 bandes horizontales bleu, blanc, rouge) sont disposés différemment. Province autonome serbe dont nous avons visité la capitale Novi Sad l'an passé (agréable ville et magnifiques galeries d'art), la Voïvodine (21.500 km², 2 millions d'âmes) est la seule entité politique de Serbie à ne pas s'être détachée de Belgrade, à contrario du Monténégro (2006) et du Kosovo (2008). Il n'y a d'ailleurs pas de désir d'accession à l'indépendance. La diversité ethnique de la région (13% de Hongrois ainsi que 25 autres groupes ethno-linguistiques ; six langues officielles...) est probablement un gage du maintien de l'équilibre politique. En 1989, le statut d'autonomie fut réduit afin d'éviter tout risque de sécession (risque mis en exergue par les soubressauts politiques au Kosovo) mais il fut restauré en 2010.
D'une superficie de 1832 km², la Gagaouzie est également un Territoire autonome, situé au sud de la Moldavie. Comme la Transnistrie, autoproclamée indépendante en 1992 mais non reconnue internationalement, la Gagaouzie tenta au début des années 1990 de se détacher de la Moldavie mais sa situation économique (absence d'industrie, contrairement à la Transnistrie) et géopolitique (la région est enclavée et il n'y a pas de continuité territoriale entre les unités administratives qui la composent, voir plus bas) rendait ce projet irréalisable. Elle obtint toutefois le statut d'autonomie en décembre 1994 et celui-ci fut élargi en juillet 2003. Issus de soldats turcs envoyés dans les Balkans au XIIème siècle pour lutter contre les Slaves, les Gagaouzes ont ensuite été christianisés. Entre 1750 et 1846, ils émigrèrent des Balkans vers la Bessarabie (1). Parlant le gagaouze, un dialecte turc, ils sont chrétiens orthodoxes et sont environ 200.000 dont 150.000 en Gagaouzie. Ils sont également présents en Ukraine et Russie.
Dans les deux cas, les trois étoiles représentent les trois structures administratives composant le territoire en question, soit les régions de Backa, Banat, et Srem pour la Voïvodine, et celles de Comrat, Ceadîr-Lunga et Vulcânesti pour la Gagaouzie. Le drapeau de Voïvodine (proportions 1:2) fut officiellement adopté le 27 février 2004. Les couleurs bleu, blanc, rouge renvoient au drapeau de la Serbie. Celui de la Gagaouzie (proportions 1:2) fut adopté le 31 octobre 1995 mais il n'est pas officiel et il est autorisé pour les usages privés ou commerciaux. J. N, N. A
(1) Jean-Christophe Tamisier (dir.), Dictionnaire des Peuples. Sociétés d'Afrique, d'Amérique, d'Asie et d'Océanie, Larousse, 2001, p. 101.
17:10 Publié dans Drapeau | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voïvodine, serbie, gagaouzie, moldavie, drapeau voïvodine, drapeau gagaouzie
12/12/2014
Indice de liberté de presse - 2014
Pour la quatrième année consécutive, la Finlande - archétype d'un système démocratique abouti - est le pays respectant le plus la liberté de presse, d'après les critères retenus par Reporters sans Frontières. Son classement annuel comprend 180 Etats (179 l'an passé, 178 en 2012). Les Pays-Bas sont seconds et la Norvège troisième.
Les pays scandinaves (dans la définition large du terme 'Scandinavie') sont d'ailleurs tous présents dans le Top 10 qui est également inchangé par rapport à l'année passée, à la différence près que d'une part le Liechtenstein (6e) et le Danemark (7e) et que d'autre part l'Islande (8e) et la Nouvelle-Zélande (9e) échangent de place.
Liberté de presse et niveau de corruption sont tous deux des indicateurs de démocratie. Par conséquent, il est fort logique que parmi les 10 premiers, 7 Etats figurent aussi dans le TOP 10 du classement selon l'Indice de corruption, effectué par l'ONG allemande Transparency International (voir notre note à ce propos).
En bas de classement, l'Erythrée est dernière à son habitude, suivie de la Corée du Nord et du Turkménistan, 3 Etats que l'on peut qualifier sans ambiguïté de "prisons à ciel ouvert". Ce top 10 des bonnets d'âne par rapport à l'an passé, à la différence que le Laos (171e) prend la place de Cuba (170e).
La France et les Etats-Unis sont respectivement 40ème et 46ème, la Russie 148ème. Au sein du continent africain, la Namibie est première (22e), suivie du Ghana (27e). Il faut descendre jusqu'au 91ème rang pour retrouver un pays arabe, le Koweit. Vient ensuite le Liban (106e).
Au niveau progression/régression, le Panama (87e) et l'Equateur (95e) font un bon de 24 places, suivis de l'Abanie (85e) qui en gagne 16. A contrario, la République centrafricaine (109e) enregistre la pire chute (-44). Le conflit en cours n'y est certainement pas étranger. Guerre et absence de liberté sont d'ailleurs intimement liés. Le Guatemala (125e ; -30), le Mali (122e ; -23), et la Zambie (93e ; -21) suivent. Mais il faut surtout noter la forte régression des Etats-Unis, autoproclamés pays de la liberté (-14). Enfin, la Grèce (99e) marque la plus mauvaise régression en Europe (-15) tandis que la Serbie (54e) y accomplit la meilleure progression (+9). J. N
Les 10 premiers
1.Finlande
2.Pays-Bas
3.Norvège
4.Luxembourg
5.Andorre
6.Liechtenstein (+1)
7.Danemark (-1)
8.Islande (+1)
9.Nouvelle-Zélande (-1)
10.Suède
Les 10 derniers
180.Erythrée (-1)
179.Corée du Nord (-1)
178.Turkménistan (-1)
177.Syrie (-1)
176.Somalie (-1)
175.Chine (-2)
174.Vietnam (-2)
173.Iran (+1)
172.Soudan (-2)
171.Laos (-3)
Classement complet
http://rsf.org/index2014/fr-index2014.php
19:20 Publié dans Liste/Classement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grèce, serbie, panama, équateur, albanie, guatemala, république centrfricaine, mali, syrie, somalie, vietnam, iran, soudan, états-unis, indice de liberté de presse 2014, reporters sans frontières, indice de liberté de presse, norvège, pays-bas, finlande, luxembourg, andorre, liechtenstein, danemark, suède, islande, nouvelle-zélande, chine, laos, erythrée, corée du nord, turkménistan