29/03/2020
Lanceurs d'alerte au cinéma
C'est en pleine pandémie de coronavirus (avec un chiffre alarmant de plus de 660.000 personnes atteintes dont 30.000 décédées) que nous publions finalement cette note sur les lanceurs d'alerte. Le virus dévastateur, apparu dans la ville chinoise de Wuhan, a également son lot de lanceurs d'alerte, qui, comme souvent dans ces situations-là, n'ont pas été écoutés par des autorités supérieures incompétentes. Parmi eux, un médecin français qui sonne l'alerte dès 2015, Li Wenliang, premier médecin chinois à tenter de lancer l'alerte sur l'irruption du coronavirus mais censuré par le pouvoir chinois (il décède du virus le 7 février dernier et a été réhabilité à titre posthume par une commission d'enquête), et la médecin Ai Fen, l'"autre lanceuse d'alerte de Wuhan", également court-circuitée par les autorités chinoises mais toujours en vie. Ces personnages (notamment les deux derniers cités) auront peut-être leur histoire portée un jour à l'écran.
Ces derniers années, les films sur les lanceurs d'alerte se sont multipliés. Rien de plus logique puisque les actions des lanceurs d'alerte se sont également multipliées depuis le début des années 2000. Passage en revue des films de ce genre devenu à part.
Un lanceur d'alerte (whistleblower) est un individu ou groupes d'individus qui révèle des comportements illicites et/ou dangereux pouvant constituer une menace pour l'homme (Scandale du Mediator - La fille de Brest, 2015), l'économie (Panama Papers - The Laundromat, 2019), la société (espionnage de la NSA - Snowden, 2016) et l'environnement (pollution de l'eau potable en Californie - Erin Brockovich, 2000). Il est évident de même que ces situations peuvent se croiser.
Médias et pouvoir politique
Animé de bonnes intentions et désintéressé, le lanceur d'alerte porte les éléments qu'il a découvert à la connaissance, le plus souvent, des médias (première puissance de diffusion de la vérité), soit la presse écrite (ancien analyste de la RAND Corporation, Daniel Ellsberg (interprété par Matthew Rhys) transmet en 1971 une étude secrète du ministère américain de la Défense au New York Times et au Washington Post qui révèlent le scandale des Pentagon Papers - The Post, 2017), ou la télévision : en 1995, Jeffrey Wigand (Russell Crowe) dénonce dans l'émission 60 minutes de CBS l'utilisation de substances addictives par l'industrie du tabac qui l'employait. Celle-ci a dû payer 246 millions de dollars de dommages et intérêts pour atteinte à la santé publique (The Insider, 1999).
Après le scandale des Pentagon Papers, le président américain Richard Nixon n'était pas au bout de ses peines. Un an plus tard, 5 hommes étaient arrêtés pour être entrés par infraction dans les locaux du Parti démocrate. Alors que l'affaire était présentée comme un fait divers, les journalistes du Washington Post, Bob Woodward et Carl Bernstein, décident de creuser et sont tuyautés par un informateur secret appelé "gorge profonde" (Liam Neeson). Celui-ci ne révélera son identité qu'en 2005, en la personne de Mark Felt, n° 2 du FBI (Mark Felt: The Man Who Brought down the White House, 2017). Le scandale du Watergate mènera à un complit ourdi par les hautes sphères du pouvoir et entraînera la première et seule démission d'un président des Etats-Unis (All the President's Men, 1976). C'est également la presse US qui contribua durant les années 1950 à la chute du sénateur Joseph McCarthy (et sa tristement célèbre "chasse aux sorcières" des années 1950-1954), en l’occurrence le journaliste Edward R. Murrow (David Strathairn) et son producteur, Fred Friendly (George Clooney), par le biais du journal télévisé de CBS (Good Night, and Good Luck, 2005).
A qui s'adresser
S'adresser directement aux autorités officielles peut également être une (unique) option. C'est ainsi que Daniel J. Jones (Adam Driver), directeur d'une enquête de la Commission spéciale du Sénat américain sur le programme de détention et d'interrogation de la CIA à la suite des attentats du 11 septembre 2011 (The Report, 2019), découvre les méthodes brutales et sadiques de cette dernière, ou ce qui a été appelé "technique d'interrogatoire renforcée". Menant la plus grande enquête jamais effectuée par la Commission du Sénat, Jones ne peut présenter ses résultats qu'à son supérieur, la sénatrice Dianne Feinstein (2014). Cette affaire mènera en 2015 à l'amendement McCain-Feinstein, mettant fin au programme en question. Mais aucun membre de la CIA ne sera poursuivi... Dans The Informant! (2009), c'est la CIA qui collecte les informations de Mark Whitacre (Matt Damon) qui rapporte les pratiques illégales du groupe alimentaire pour lequel il travaillait. Sauf qu'ici le lanceur d'alerte use de sa position pour s'enrichir illégalement, comme quoi certaines situations peuvent être ambiguës.
Une autorité officielle peut être la justice. C'est dont se saisit Lois Jenson (Charlize Theron) durant les années 1990, menant le premier recours collectif pour harcèlement sexuel aux Etats-Unis (date assez tardive pour un pays vantant sa "démocratie") et entre dans l'histoire de ce pays en faisant condamner pour cette accusation la mine qui l'employait dans l'Etat du Minnesota (North Country, 2005). Dans l'Affaire Harvey Weinstein - l'un des scandales sexuels les plus retentissants - pas moins de 93 femmes ont affirmé avoir été agressées sexuellement par l'ex-producteur vedette de Hollywood. Celui-ci a écope le 24 février dernier de 23 ans de prison pour agressions sexuelles et viols. Il ne serait pas étonnant qu'une fiction sur cette affaire voit le jour, centrée à la fois sur les victimes et la vie du prédateur sexuel (en mode "ascension et chute"). Enfin, un lanceur d'alerte peut s'adresser à une association. Découvrant la chasse aux dauphins à Taiji (Japon), Ric O'Barry, ancien dresseur de dauphins devenu activiste, s'adresse à Louie Psihoyos (ancien photographe du National Geographic) qui avec l'aide de l'ONG qu'il dirige (Oceanic Preservation Society) met en place une équipe qui parvient à filmer ce forfait caché par les autorités japonaises et à en faire un documentaire (The Cove, oscarisé en 2009).
A noter de même qu'un média peut être lui-même le lanceur d'alerte. Ce sont des journalistes d'investigation du Boston Globe qui dévoilent au début des années 2000 (obtenant le Prix Pulitzer en 2003) le Scandale d'abus sexuels dans l'archidiocèse de Boston. Entraînant une crise de l'Eglise catholique aux Etats-Unis, cette affaire mènera, notamment, à la démission de l'archevêque de Boston, Bernard Law en 2003 (Spotlight, 2015).
Lanceurs d'alerte et cinéma
La multiplication des lancements d'alerte constituent un filon intarissable pour le cinéma, notamment Hollywood, toujours à l'affût d'un bon coup. Ce thème très à la mode désormais permet, en effet, de renouveler celui - plus général - du héros, bassiné à toutes les sauces au cinéma et à la télévision, et depuis belle lurette. A ce thème réactualisé viennent se greffer trois dimensions attrayantes : la réalité des faits (les personnages ont existé), un plaidoyer pour la justice et la transparence, et le combat de David contre Goliath. Ces deux dernières caractéristiques se combinent parfaitement puisque dans un monde où la justice sociale n'a jamais existé, les dominés réclament justement un partage équitable des ressources, des pratiques économiques transparentes et une justice impartiale. On s'identifie au lanceur d'alerte, celui-ci étant souvent de la classe moyenne et menant une vie ordinaire. Force d'ailleurs est de constater que les films dévoilant des scandales et centrés sur le protagoniste principal présentent des structures narratives similaires.
Une action périlleuse
Si les actions des lanceurs d'alerte entraînent un processus de régulation, de controverse ou de mobilisation sociale, elles mènent de même à une mise en danger du protagoniste. Wigand (The Insider) fut menacé de mort. Le même sort fut réservé à Robert Bilott (Mark Ruffalo) en 2016. Cet avocat d'un grand cabinet partit en guerre contre l'entreprise de produits chimiques DuPont, responsable de l'empoisonnement à petit feu des habitants et des animaux de la localité de Parkersburg (Virginie occidentale). Sa dénonciation médiatique mit en péril sa carrière et sa famille (Dark Waters, 2019). Fondateur de Wikileaks, Julian Assange (interprété par Benedict Cumberbatch dans The Fifth Estate, 2013) est actuellement en prison, à Londres. Quant à Edward Snowden (Joseph Gordon-Levitt), véritable porte-drapeau de cet univers, immortalisé d'abord dans un documentaire oscarisé (Citizenfour, 2014) puis fictivement par Oliver Stone (Snowden, 2016), il est poursuivi par la justice américaine pour espionnage mais a obtenu l'asile politique temporaire en Russie.
En 2004, Dan Rather, journaliste vedette et sa productrice Mary Maples diffusent sur CBS un reportage racontant comment George W. Bush aurait essayé d'échapper à ses obligations militaires entre 1968 et 1974 - grâce à ses connections familiales et politiques - afin d'éviter de participer à la guerre du Vietnam. Les deux audacieux perdront leur emploi (Truth, 2015). Toujours dans le domaine politique (mais dans une dimension plus choquante), le journaliste Gary Webb (Jeremy Renner) du San José Mercury News, perdra la vie pour avoir osé défier la CIA et le gouvernement américain, révélant au grand public en 1996 que ces deux instances avaient monté et orchestré une opération secrète durant les années 1980, consistant à inonder les quartiers afro-américains de Los Angeles de crack en provenance du Nicaragua et à armer en contrepartie la rébellion contra dans sa guerre contre le gouvernement sandiniste (Kill the Messenger, 2014).
L'organisation des nations unies, supposé porte-flamme de la paix et de l'éthique, n'échappe pas non plus aux scandales. Les crimes sexuels commis ces dernières années par des casques bleus sur des mineures en Centrafrique (et dénoncés en 2016 par l'ONG CodeBlue) rappellent l'histoire de Kathryn Bolkovac (Rachel Weisz). Cette policière travaillant pour la compagnie privée américaine DynCorp dans le cadre d'un contrat dépendant de l'ONU, démantèle un réseau de prostitution impliquant des officiels de l'instance internationale en Bosnie-Herzégovine (années 1990). Vu les enjeux financiers (l'ONU a payé 15 millions de dollars à DynCorp) et les possibles retombées politiques, elle faillit y perdre la vie et ne travailla plus jamais pour la justice internationale. Des officiels onusiens durent démissionner mais aucun ne fut poursuivi en raison de leur immunité diplomatique (The Whistleblower, 2010).
Dans le domaine du sport, le neurologue pathologiste d'origine nigériane Bennet I. Omalu (Will Smith) révolutionne en 2002 le monde de la neurologie en découvrant des cas d'encéphalopathie traumatique chronique au sein de la National Football League. Dénonçant les dangers du sport le plus populaire aux Etats-Unis, il se fait vilipender par la NFL (vu les millions de dollars que brasse ce sport) qui tente de ruiner sa carrière (Concussion, 2015).
Lanceurs d'alerte et Guerre d'Irak (2003)
Dans le sillage de la guerre d'Irak de 2003, l'agente de la CIA, Valerie Plame (Naomi Watts), parvient à prouver avec l'aide de son époux (l'ambassadeur Joseph Wilson) que l'Irak ne s'est pas fourni en uranium auprès du Niger, argument qu'utilise le président américain George W. Bush pour justifier une invasion US de l'Irak. Mais les conclusions de son rapport sont ignorées par l'administration Bush... Wilson publie donc le rapport dans le New York Times. Conséquence : des membres de l'administration US dévoilent via la presse l'identité de Valerie Plame, grillant sa couverture (et mettant en danger ses contacts à l'étranger) et la discréditant (Fair Game, 2010).
A la même époque, Katharine Gun (Kiera Knightley) - agente des renseignements britanniques - transmet au quotidien The Observer un document transmis par la NSA et attestant d'un plan américain visant à soudoyer des membres non-permanents du Conseil de sécurité de l'ONU afin d'obtenir leur vote en vue d'une invasion de l'Irak. Gun sera poursuivie par la justice mais finalement acquittée car d'après la justice britannique, la condamner aurait entraîné la justice britannique à reconnaître l'illégalité d'une agression contre l'Irak (Official Secrets, 2019).
Toujours en 2003, l'armée américaine et la CIA sont empêtrés dans le Scandale d'Abou Ghraib. Dans cette prison située à 32 km de Bagdad, des membres des deux institutions infligeaient aux prisonniers irakiens des sévices dépassant l'entendement. C'est l'ONG de défense des droits de l'homme Amnesty International qui dévoilait le scandale, relayée ensuite par les médias américains (Standard Operating Procedure, 2008). Le même scandale touchera une autre prison d'un pays occupé par l'armée américaine, celle de Bagram en Afghanistan, sauf que dans ce cas-là, la torture volontaire mènera au meurtre prémédité de deux prisonniers (Taxi to the Dark Side, 2007). Pays très pauvre (le mot est faible), en guerre sans discontinuité depuis 1989 et foyer de l'islamisme radical, l'Afghanistan sera au cœur du programme secret de drones du gouvernement américain, révélé par The Guardian grâce aux informations de trois lanceurs d'alerte (National Bird, 2015).
Le trident Maison-Blanche/CIA/NSA est d'ailleurs systématiquement dans les mauvais coups. En 2010, c'est grâce, notamment, aux révélations d'anciens employés de la NSA qu'est dévoilée une opération secrète conjointe (renseignements américains, britanniques et israéliens) - appelée "Olympic Games" - visant à détériorer le fonctionnement du programme nucléaire iranien via une cyber-attaque (Zero days, 2016). Cette même NSA aurait pu, semble-t-il, éviter à la première puissance mondiale le plus grand attentat terroriste survenu sur son territoire, d'après les révélations d'un de ses anciens analystes (A Good American, 2015). La CIA et le FBI avaient également les moyens d'arrêter cela mais leur compétition couplée aux manigances de la CIA et à l'incompétence de l'administration Georges W. Bush n'a pas permis de contrecarrer les plans de la nébuleuse Al Qaïda (l'histoire est racontée dans la série The Looming Tower de la chaîne Hulu - 2018).
Récemment : les arnaques du siècle
Le temps passe et les dimensions scandaleuses des affaires s'amplifient. Deux scandales récents et survenus à deux années d'intervalle constituent tout simplement le summum en termes de volume d'informations, de sommes d'argent brassées et d'impact politique ou financier. Le scandale des Panama Papers (2016), impliquant fraude fiscale, évasion fiscale et blanchiment d'argent démarre avec une fuite de plus de 10 millions de documents (2.6 téraoctets de données) attestant de plusieurs milliards de dollars volés (The Panama Papers, 2018). Quant au scandale Facebook-Cambridge Analytica (2018), il révèle l'utilisation illégale de données de 87 millions de personnes (toujours The Guardian) et le rôle fondamental d'une société de stratégie politique dans deux événements politiques majeurs (The Great Hack, 2019).
Quant aux facteurs expliquant la multiplication des lancements d'alerte, ils sont sans aucun doute multiples et nous pouvons mettre en avant parmi ceux-là l'impact des nouvelles technologies (internet et réseaux sociaux). Tout est traçable désormais et rien ne peut être longtemps caché. Nous pouvons ajouter à cela un phénomène mondial de creusement des inégalités socio-économiques et de paupérisation massive des classes moyennes et pauvres. C'est ce facteur - induit par un phénomène de mondialisation ultra-libérale contrôlée par les plus riches - qui explique les crises sociales, économiques ou politiques (souvent les trois à la fois) de 2019 dans de nombreux pays (Chili, Liban, Honduras, Haïti, Iran, Colombie, Venezuela, Irak...etc).
Or, ces inégalités sont essentiellement causées par des combines financières illicites : fraude fiscale et évasion fiscale lorsqu'il s'agit du secteur privé (mais les politiques usent largement de ces pratiques), détournement de fonds (et autres) lorsqu'il s'agit de fonctionnaires de l'Etat. Cette deuxième tendance donne lieu à ce qu'on appelle une kleptocratie, soit le "gouvernement des voleurs" (kleptos = vol ; kratos = gouverner), un terme que l'on peut appliquer à la Russie de Poutine, la Libye de Kaddhafi, la Tunisie de Ben Ali, le Liban depuis belle lurette et bien d'autres... C'est d'ailleurs le titre d'un documentaire décryptant le Scandale 1MDB, démarrant en Malaisie et ayant des ramifications mondiales (The Kleptocrats, 2018). C'est ainsi que la possibilité pour des spécialistes de tracer tout et n'importe quoi via internet et la poursuite (le monde ne change pas) en parallèle de pratiques financières illégales mènent au dévoilement régulier de scandales : Offshore Leaks (2013), LuxLeaks (2014), SwissLeaks (2015), Panama Papers (2016), Football Leaks (2016), Bahamas Leaks (2016), Paradise Papers (2017), Football Leaks 2 (2018), Mauritius Leaks (2019), Luanda Leaks (2020)... La liste est longue (pour des scandales récents de tout genre, voir la série-documentaire Dirty Money (2018 - ) de Netflix) et devrait continuer à constituer un filon intarissable pour le cinéma ou la télévision.
J. N
Fictions/documentaires liés au dévoilement de comportements illicites (liste non-exhaustive).
- Official Secrets (Gavin Hood, 2019)
- Dark Waters (Todd Haynes, 2019)
- The Great Hack (Karim Amer, Jehane Noujaim, 2019) - documentaire
- XY Chelsea (Tim Travers Hawkins, 2019) - documentaire
- The Report (Scott Z. Burns, 2019)
- The Laundromat (Steven Soderbergh, 2019)
- The Kleptocrats (Sam Hobkinson, Havana Marking, 2018) - documentaire
- The Panama Papers (Alex Winter, 2018) - documentaire
- The Post (Steven Spielberg, 2017)
- Mark Felt: The Man who Brought Down the White House (Peter Landesman, 2017)
- Snowden (Oliver Stone, 2016)
- Zero Days (Alex Gibney, 2016)
- National Bird (Sonia Kennebeck, 2016) - documentaire
- La fille de Brest (Emmanuelle Bercot, 2016)
- Concussion (Peter Landesman, 2015)
- Spotlight (Tom McCarthy, 2015)
- Truth (James Vanderbilt, 2015)
- A Good American (Friedrich Moser, 2015) - documentaire
- L'enquête (Vincent Garenq, 2014)
- Citizenfour (Laura Poitras, 2014) - documentaire
- The Fifth Estate (Bill Condon, 2013)
- We Steal Secrets: the Story of Wikileaks (Alex Gibney, 2013) - documentaire
- The Whistleblower (Larysa Kondracki, 2010)
- Fair Game (Doug Liman, 2010)
- The Informant! (Steven Soderbergh, 2009)
- The Cove (Louie Psihoyos, 2009) - documentaire
- Standard Operating Procedure (Erroll Morris, 2008) - documentaire
- Taxi to the Dark Side (Alex Gibney, 2007) - documentaire
- North County (Niki Caro, 2005)
- Good Night, and Good Luck (George Clooney, 2005)
- Erin Brockovich (Steven Soderbergh, 2000)
- The Insider (Michael Mann, 1999)
- Silkwood (Mike Nichols, 1983)
- All the President's Men (Alan J. Pakula, 1976)
01:34 Publié dans Documentaire, Film, Liste/Classement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : the report, adam driver, dianne feinstein, lois jenson, charlize theron, north country, oceanic preservation society, boston globe, louie psihoyos, ric o'barry, the cove, daniel j. jones, benedict cumberbatch, irak, joseph wilson, niger, fair game, panama papers, the great hack, the kleptocrats, ai fen, li wenliang, coronavirus, zero days, mossad, cia, the looming tower, harvey weistein, mauritius leaks, russie, luxleaks, swissleaks, bahamas leaks, paradise papers, offshore leaks, kleptocratie, luanda leaks, football leaks, liban, chili, iran, honduras, cambridge analytica, facebook, netflix, the panama papers, lanceur d'alerte, edward snowden, daniel ellsberg, mark felt
23/02/2020
Zero Days
Après le visionnage de quelques documentaires réalisés par l'américain Alex Gibney, on a pu cerner ce qui intéresse ce réalisateur prolixe, considéré en 2010 par le magazine Esquire comme un des documentaristes les plus importants du moment, dans un article relevant le fait qu'il était "le biographe des hommes mauvais".
Il est évident que le natif de New York s'intéresse essentiellement à des actes illicites commis par les humains, soit le fameux scandale financier Enron (Enron: The Smartest Guys in the Room, 2005), l'arnaque Lance Armastrong (The Armstrong Lie, 2013), la torture effectuée par l'armée américaine dans une prison en Afghanistan et menant à l'assassinant de deux détenus (Taxi to the Dark Side, oscar du meilleur documentaire en 2008), le décorticage du fonctionnement de l'Eglise scientologue aux Etats-Unis (Going Clear: Scientology and the Prison of Belief, 2015), la fraude massive effectuée par un laboratoire pharmaceutique (The Inventor: Out for Blood in Silicon Valley, 2019), etc...
Zero Days raconte la découverte en 2010 d'un programme informatique appelé Stuxnet, conçu par la NSA et faisant partie d'une opération appelée "Olympic Games" et visant à déstabiliser voire détruire le programme nucléaire de la République islamique d'Iran. A travers de nombreux entretiens dont des lanceurs d'alerte anonymes ayant travaillé pour la NSA mais également des personnalités politiques de premier plan (notamment des anciens directeurs de la CIA et de la NSA), on apprend qu'il s'agissait d'une opération conjointe impliquant la NSA, la CIA, le commandement de l'armée américaine et les services de renseignements britanniques et israéliens. Le virus Stuxnet attaqua en juin 2009 le site nucléaire iranien de Natanz, provoquant une dégradation de l'uranium enrichi par les centrifugeuses.
On apprend ici que comme souvent les autorités israéliennes voulurent aller plus loin que leurs homologues américaines et mirent en place (sans les consulter) une attaque plus agressive, ce qui permit la révélation de ce programme top secret. Que les Etats - notamment les Etats-Unis - commettent des actes peu moraux afin de déstabiliser des Etats déclarés déviants ou tout simplement ennemis n'a rien de nouveau ou d'étonnant. Le documentaire permet en fait de confirmer deux tendances se mettant progressivement en place depuis plusieurs années : l'autonomie (voire l'indépendance) d'Israël vis-à-vis des Etats-Unis dans la conduite de sa politique étrangère (officielle/officieuse) et la place de plus en plus importante au XXIème siècle de la cybercriminalité dans les conflits inter-étatiques. J N
Zero Days (Alex Gibney, USA, 2016, 113 min)
- Sélection officielle - Festival de Berlin 2016
12:29 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : programme nucléaire iranien, iran, israël, nsa, cia, etats-unis, royaume-uni, alex gibney, zero days, cybercriminalité, cyber-attaques, stuxnet, natanz, site nucléaire de natanz, centrifugeuse, uranium, olympic games, lanceur d'alerte
26/01/2020
The Great Hack
"Toutes mes interactions, l'utilisation de ma carte de crédit, mes recherches, ma position, ce que j'aime, tout est récupéré en temps réel puis associé à mon identité. Les acheteurs ont donc un accès direct à mon pouls émotionnel. Grâce à ces informations, ils se battent pour mon attention. Ils me gavent d'un flux constant de contenu conçu sur mesure pour moi et que je suis le seul à voir (...). Mes peurs, ce que j'aime, mes intérêts, mes limites et jusqu'où aller pour les franchir."
C'est avec ces mots que débute, en voix off, ce documentaire constituant une alerte concernant les dérives d'internet, et plus précisément l'utilisation à mauvais escient des données personnelles.
En mai 2018, la société de publication stratégique Cambridge Analytica (Etats-Unis) était au cœur d'un scandale mondial de vol d'informations. En effet, dans le but d'effectuer du ciblage politique favorable - en 2016 - au Brexit (Royaume-Uni) et à l'élection à la présidence américaine de Donald Trump, CA a utilisé les données personnelles de plusieurs dizaines de millions d'utilisateurs de facebook. Ces informations ont servi ensuite à influencer les intentions de vote d'électeurs indécis, via ce qu'on appelle dans la sphère internet le "targetting messaging".
Force donc est de constater que, ni plus ni moins, cet accès illégal à des informations a engendré deux véritables tremblements de terre politiques. L'affaire est d'autant plus désolante que les deux scrutins en question furent serrés (aux Etats-Unis, cela s'est joué - à peu de choses près - dans trois Etats). Le scandale Facebook-Cambridge Analytica (qu'on peut considérer comme le plus grand scandale de vols d'informations via internet) remet également à l'ordre du jour le problème de traque à grande échelle - via des systèmes électroniques hyper-sophistiqués - de données privées permettant de cerner les univers (sociaux, économiques, politiques, psychologiques...etc) des individus. Dans ce domaine-là, ce scandale constitue ainsi un second coup de tonnerre après l'Affaire Edward Snowden (2013). A l'heure où l'intensité du lien social est de plus en plus faible un peu partout et où fake news, complotisme et désinformation pullulent sur le web, cette affaire met également en exergue les dérives engendrées par le web social et plus particulièrement les réseaux sociaux.
Décryptant comment Cambridge Analytica a opéré dans le cadre des deux élections citées, le documentaire se concentre sur Britanny Kaiser, ancienne directrice au développement des affaires chez CA et lanceuse d'alerte (après qu'un premier lanceur d'alerte - Christopher Willie, également analyste chez CA - ait révélé l'affaire) et fournit les témoignages de David Carrol (professeur de design multimedia, ayant poursuivi CA en justice) et Carole Cadwalladr (journaliste d'investigation travaillant pour The Guardian et The Observer) qui - prenant le relais des lanceurs d'alerte - a révélé au grand public les activités louches du tandem Cambridge Analytica/Facebook.
Scandales financiers (notamment les tristement célèbres Panama Papers) et vols d'informations constituent désormais, à la fois, le nœud gordien et la pierre angulaire du fonctionnement politico-économique de notre planète. Triste réalité quand on sait que ces pratiques ne vont pas cesser (comment le pourraient-elles?). Dans l’œil du cyclone et en faillite, Cambridge Analytica disparaît le 2 mai 2018 mais dirigeants (dont l'ancien directeur général, Alexander Nix) et algorithmes se retrouvent dans une autre société spécialisée dans l'analyse de données (et créée par la société mère de CA...), Emerdata Limited. Sanctionné par la justice américaine, Facebook a du payer en juillet 2019 (au moment où ce documentaire était diffusé) une amende de 5 milliards de dollars, somme que le réseau social le plus populaire n'aura probablement pas de problème à refaire assez rapidement.
Engagé politiquement (et nommé comme meilleur documentaire lors de la prochaine cérémonie des BAFTA Awards), ce documentaire diffusé le 24 juillet 2019 sur Netflix constitue un plaidoyer pour une plus ample protection des données personnelles, gage d'une véritable gouvernance démocratique. Un combat vain?
J N
The Great Hack (Karim Amer, Jehane Noujaim, USA, 2019, 114 min)
01:18 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : internet, vol d'informations, facebook, alexander nix, netflix, ciblage politique, etats-unis, royaume-uni, donald trump, brexit, scandale, edward snowden, fake news, lien social, britanny kaiser, christopher willie, the guardian, the observer, emerdata limited, bafta awards, carole cadwalladr, david carrol, cambridge analytica
13/01/2020
Unseen Enemy
Alors que nombreuses fictions ont été dédiées à la propagation spectaculaire d'un virus, ce documentaire constitue un avertissement aux humains quant à la possibilité de futures épidémies. En effet, depuis 30 ans, trente nouvelles maladies sont apparues, ayant le potentiel de se transformer en pandémies. Cette potentialité est renforcée par des mobilités humaine de plus en plus accrues (mondialisation oblige), des métropoles surpeuplées et une croissance démographique mondiale toujours en augmentation. En décembre 2013, le virus Ebola, apparu en Guinée, avait ensuite touché le Liberia et la Sierra Leone mais également (dans une moindre mesure) le Mali, le Sénégal, le Nigéria, les Etats-Unis, l'Espagne, l'Italie, et le Royaume-Uni. Cette maladie est transmissible par la salive, l'urine, le sang ainsi que les matières fécales.
La réalisatrice Janet Tobias a rencontré des scientifiques (médecins et chercheurs) qui ont fait face à des pandémies, notamment le virus H1N1 (2009, 1.4 milliard d'individus touchés), le virus Zika (Brésil, 2016), l'Ebola, mais également la petite vérole (ou variole), éradiquée en 1977 et qui aurait causé 500 millions de morts au XXème siècle (chiffre à vérifier). Soutenant que nous faisions face précédemment à des déclenchements (essentiellement) de virus et qu'il y a désormais un grand risque de gigantesques épidémies, le documentaire explique au grand public, à travers les trois premiers cas mentionnés, comment il est possible de lutter ensemble afin de réduire au minimum le risque d'épidémie, tandis que la fièvre touche chaque année 5 millions d'individus et en tue 200.000.
Hélas, comme nous le savons, dans un monde de plus en plus globalisé et écrasé par l'utralibéralisme économique, les inégalités ne cessent de se creuser et c'est justement dans les pays marqués par une grande pauvreté et dotés de moyens très insuffisants que les virus apparaissent. Dans le même temps, le budget mondial alloué à la sécurité militaire et policière est équivaut à dix fois celui de la sécurité biologique, ce qui en dit long sur la possibilité d'amélioration des conditions sanitaires. Assez désolant comme statistique (les humains ne changent pas), ce fait n'anéantit pas pour autant tout espoir. Car comme le rappelle, à la fin, ce documentaire, de simples réflexes quotidiens contribuent grandement à limiter (voire contrecarrer) le déclenchement d'un virus. Instructif.
J N
Unseen Enemy (Janet Tobias, 2017, USA, 97 min)
09:47 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : unseen enemy, épidémié, pandémie, ebola, zika, fièvre, h1n1, janet tobias, petite vérole, variole, inégalités, sécurité biologique
09/01/2020
A Good American
On apprend ici que le travail de William Binney à la NSA (où il a travaillé durant 30 ans) aurait pu faire éviter les attentats du 11 septembre 2001 mais qu'il fut court-circuité par de hauts responsables de la célèbre agence de renseignement américaine.
Démissionnaire le 31 octobre 2001, William Binney avait en septembre 2002 (avec deux autres lanceurs d'alerte - Edward Loomis et J. Kirk Wiebe) demandé à l'inspection générale du Département américain de la Défense d'enquêter sur les activités de la NSA, celle-ci ayant "dépensé des millions et des millions" sur le projet de surveillance Trailblazer (qui s'est révélé inefficace) qui remplaça ThinThread, projet mis en place par Binney et Loomis, s'avérant plutôt efficace (Binney était parvenu à prévoir les événements en Tchécoslovaquie de 1968 et l'invasion soviétique de l'Afghanistan en 1979) et qui coûtait beaucoup moins cher.
Stoppé trois semaines avant les attentats du 11 septembre 2001, ThinThread aurait permis d'éviter le plus gros attentat terroriste survenu sur le territoire des Etats-Unis, avance le documentaire, éléments à l'appui. Cette assertion (ainsi que le travail de Binney) permet de confirmer définitivement le fait que les autorités américaines auraient pu (du?) éviter les attentats des tours jumelles de New York (et du Pentagone). Vue sous un autre angle, elle amènerait à considérer que la première puissance mondiale a délibérément laissé faire, pour quelque raison obscure, ce qui entend que cet attentat constituait une machination américaine. Mais verser, du coup, dans la théorie du complot est un pas que nous ne franchirons pas. Hormis les nombreuses raisons qui ne poussent pas à adopter cette posture (notamment la faiblesse intellectuelle de la théorie du complot), nous pourrions estimer que les croisements d'intérêts économiques et politiques qui expliquent souvent ce type de situation (l'abandon du projet ThinThread) ne mènent pas nécessairement à laisser faire un attentat de grande amplitude. Mais bien entendu, cette histoire n'aide pas (et même accentue) à résoudre les zones d'ombre entourant les attentats du 11 septembre 2001...
Critiquant durement l'administration Bush (et dans le viseur du FBI), William Binney a poursuivi durant le mandat de Barack Obama (2008-2012) sa dénonciation des activités de la NSA, affirmant que celle-ci effectuait une surveillance de masse, allant même jusqu'à témoigner que celle-ci violait délibérément la constitution des Etats-Unis. Préfiguration d'Edward Snowden, le plus célèbre des lanceurs d'alerte, Binney affirma à propos de ce dernier qu'il avait "rendu un grand service au monde entier". J N
A Good American (Friedrich Moser, Autriche, 2015, 100 min)
10:00 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : friedrich moser, william binney, attentats du 11 septembre 2001, nsa, thin thread, trailblazer, espionnage, etats-unis, lanceur d'alerte, edward snowden, edward loomis, j. kirk wiebe, a good american