24/04/2020
Indice de liberté de presse - 2020
La pandémie actuelle du Coronavirus/Covid-19 est du pain béni pour de nombreux gouvernements. Dans certains cas, elle permet de masquer la crise économique aiguë traversée en ce moment (Liban) mais plus généralement, elle fournit un prétexte à de nombreux gouvernements pour restreindre encore plus les libertés individuelles, notamment la liberté de la presse.
C'est ce qu'affirme l'ONG Reporters sans Frontières qui a publié le 21 avril 2020 son classement annuel de la liberté de la presse. C'est le cas par exemple de la Chine (177e) et de l'Iran (173e) - les deux premiers foyers de l'épidémie - qui ont mis en place des dispositifs de censure massifs. En Irak (162e), la licence de l'agence de presse Reuters a été suspendue car cette dernière a remis en cause via une dépêche les chiffres officiels concernant le coronavirus. Au Turkménistan (179e), l'un des pays les plus autoritaires et fermés au monde et où il y a officiellement zéro cas de coronavirus, l'emploi du mot "coronavirus" est passible d'une peine de prison. Considéré comme l'Etat le plus autoritaire au monde (et où il n'y a également - officiellement - aucun cas de contamination), la Corée du Nord occupe la dernière place du classement.
Si l'Occident se classe généralement bien (8 Etats dans le TOP 10, 16 dans le TOP 20) et que les pays nordiques occupent encore une fois le TOP 4 (voir classement ci-dessous), il n'échappe pas pour autant à cette tendance mondiale de musellement des médias. En pleine dérive autoritaire depuis des années, la Hongrie (89e, -2 places) de Viktor Orban a fait passer une "loi coronavirus" sanctionnant jusqu'à 5 ans de prison ferme la "diffusion de fausses informations" concernant le virus.
Progressions et régressions
Pour la 4ème année consécutive, la Norvège - exemple de démocratie - demeure 1ère du classement. Mais la meilleure progression est à créditer à la Malaise (101e) et aux Maldives (179e), après une alternance politique (en Malaisie, le premier ministre Najib Razak a quitté le pouvoir en 2018) qui leur fait respectivement gagner 22 et 19 places. Le Soudan (où l'ancien dictateur Omar el-Bashir a été écarté l'an passé) gagne de même 16 places. Les pires reculs sont du côté des pays en développement : Haïti (83e) et les Iles Comores (75e) perdent respectivement 21 et 19 places.
C'est la région Asie-Pacifique qui marque le recul le plus important (+1.7%). Généralement modèle de démocratie, l'Australie perd 5 places (26e) tandis que Singapour (158e) - Etat autoritaire - en perd 7. La région Moyen-Orient/Afrique du Nord demeure par ailleurs le coin le plus dangereux pour le journalisme, où l'Arabie Saoudite (170e, +2) et l'Egypte (166e, -3) sont - au niveau mondial - les pays où il y a le plus de journalistes emprisonnés.
Si l'Europe et l'Amérique sont généralement les bons élèves de ce classement, cela n'empêche pas des reculs notoires dans certains Etats. La première puissance mondiale - les USA - n'est "que" 45ème (+3) tandis que la première puissance d'Amérique du Sud - le Brésil - est 107ème (-2). Dans ces deux cas, les présidents (respectivement Trump et Bolsonaro) participent activement de cette état de la liberté de la presse, de par leur attitude anti-démocratique et anti-médias, incitant même publiquement à une haine contre les médias.
Même l'Europe occidentale n'échappe pas à une certaine régression. La France, où les journalistes sont victimes d'agressions policières (crise des gilets jaunes) n'est "que" 34ème (-2). Le Royaume-Uni ne fait pas mieux (35e, -2) tandis que des démocraties authentiques comme la Belgique (12e, -3) et la Suisse (8e, -2) régressent également.
Dans le monde arabe, c'est la Tunisie (une transition démocratique plutôt réussie lors du Printemps arabe) qui se classe le mieux (72e, 0) tandis que le Liban (107e, -1) est le pays arabe du Moyen-Orient qui fait le mieux (107e, -1), suivi du Koweït (109e, -1). Les 20 derniers pays du classement sont fort logiquement des pays du sud et autoritaires. Certains sont également instables sur le plan politique. Il convient de même de souligner la corrélation entre crise économique et répression (ou absence de confiance envers) des médias. En effet, tous les Etats marqués par une crise socio-économique durant la période 2019-2020 (Liban, Irak, Iran, Bolivie, Chili, Haïti, Equateur..etc) régressent. En tout état de cause, cette reculade de la liberté de la presse un peu partout semble devenir une normalité. Et c'est une très mauvaise nouvelle. J. N
TOP 20
1. Norvège
2. Finlande
3. Danemark
4. Suède
5. Pays-Bas
6. Jamaïque
7. Costa Rica
8. Suisse
9. Nouvelle-Zélande
10. Portugal
11. Allemagne
12. Belgique
13. Irlande
14. Estonie
15. Islande
16. Canada
17. Luxembourg
18. Autriche
19. Uruguay
20. Suriname
Les 20 Etats les moins bien classés
161. Tadjikistan
162. Irak
163. Somalie
164. Libye
165. Guinée Equatoriale
166. Egypte
167. Yémen
168. Azerbaïdjan
169. Bahreïn
170. Arabie Saoudite
171. Cuba
172. Laos
173. Iran
174. Syrie
175. Vietnam
176. Djibouti
177. Chine
178. Érythrée
179. Turkménistan
180. Corée du Nord
Classement complet
15:11 Publié dans Liste/Classement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : norvège, finlande, danemark, erythrée, corée du nord, turkménistan, chine, donald trump, trump, bolsonaro, bolivie, chili, soudan, singapour, maldives, reporters sans frontières, coronavirus, covid-19, indice de liberté de presse, indice de liberté de presse 2020, journalisme, irak, iran, liban, tunisie, tadjikistan, haïti, france, etats-unis, brésil, malaisie, iles comores, cuba, vietnam, yémen, djibouti, syrie, laos, portugal, pays-bas, jamaïque, costa rica, nouvelle-zélande, koweït, suède, suisse, equateur, rsf
16/04/2020
Fortune Global 500
Le deuxième plus ancien magazine américain consacré à l'économie, Fortune (fondé en 1930 et édité à New York), publie chaque année, parmi d'autres classements économiques, la liste des 500 premières firmes multinationales selon le chiffre d'affaire, le Fortune Global 500. Cette note survient maintenant car pour la première fois - en 2019 - le nombre d'entreprises chinoises du TOP 500 (129) dépasse celui des entreprises américaines, témoin d'une montée en puissance économique de la Chine qui se poursuit et symbole d'une concurrence américano-chinoise à son comble et certainement amplifiée par la pandémie actuelle du Coronavirus/Covid-19.
A cette statistique édifiante, il faut également souligner que l'évolution du classement depuis 2001 permet de constater que la part de l'Amérique du Nord dans celui-ci a sensiblement baissé tandis que celle de l'Asie orientale a ostensiblement augmenté, symbole là aussi d'une montée en puissance d'une région qui s'affirme grâce à ses ports mondiaux (Shanghai, Singapour, Shenzhen), sa double façade maritime (Chine-Japon) et ses gigantesques métropoles (constituant également des places boursières importantes comme Hong Kong ou Tokyo) dont nombreuses figurent en 2019 aussi bien dans le TOP 10 des villes plus chères que dans celui des Villes abritant le plus de milliardaires.
Classement par pays
1. Chine 129 (25.8%)
2. Etats-Unis 121 (24.2%)
3. Japon 52 (10.4%)
4. France 31 (6.2%)
5. Allemagne 29 (5.8%)
6. Royaume-Uni 17 (3.4%)
7. Corée du Sud 16 (3.2%)
8. Suisse 14 (2.8%)
9. Canada 13 (2.6%)
10. Pays-Bas 12 (2.4%)
Autre manifestation de la puissance économique chinoise, la présence dans le TOP 5 (voir ci-dessous) de trois firmes chinoises dont Sinopec (pétrole) en 2ème position. Si la Chine, première, occupe un quart du classement, les 9 pays suivants représentent 61% des Firmes. Fort logiquement, les pays "du nord" occupent le trois quart du classement puisque Singapour, Taïwan, l'Italie, l'Espagne, l'Australie et l'Irlande placent plusieurs FMN. Aux 10 premiers Etats viennent s'ajouter 23 autres (soit 32 Etats reconnus + Taïwan qui n'est pas membre de l'ONU). Parmi ces 23, figurent 9 pays "du sud" dont la situation économique s'est considérablement améliorée sur les 30-40 dernières années, rappelant au passage que désormais on ne peut plus parler d'un sud unitaire, les situations étant très contrastées.
13 pays placent une seule firme dans ce dernier classement : la Norvège (Equinor, 113e), le Luxembourg (Arcelor-Mittal, 120e), la Thaïlande (PTT, 130e), la Malaisie (Petronas, 158e), l'Indonésie (Pertamina, 175e), la Belgique (Anheuser-Busch InBev, 192e), la Suède (Volvo, 253e), le Danemark (Maersk Group, 294e), la Pologne (PKN ORLEN Group, 410e), la Turquie (Koç Holding, 423e), l'Autriche (OMV Group, 459e), la Finlande (Nokia, 466e) et les Emirats Arabes Unis (Emirates Group, 476e).
R. H, J. N
TOP 20 des firmes multinationales
1. Walmart (USA)
2. Sinopec (Chine)
3. Royal Dutch Shell (Pays-Bas)
4. China National Petroleum (Chine)
5. State Grid (Chine)
6. Saudi Aramco (Arabie Saoudite)
7. BP (Royaume-Uni)
8. Exxon Mobil (USA)
9. Volkswagen (Allemagne)
10. Toyota (Japon)
11. Apple (USA)
12. Berkshire Hathaway (USA)
13. Amazon.com (USA)
14. UnitedHealth Group (USA)
15. Samsung Electronics (Corée du Sud)
16. Glencore (Suisse)
17. McKesson (USA)
18. Daimler (Allemagne)
19. CVS Health (USA)
20. Total (France)
Classement complet
21:02 Publié dans Liste/Classement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fortune, fortune global 500, new york, etats-unis, firmes multinationales, firmes transnationales, chine, france, pays-bas, allemagne, royaume-uni, japon, corée du sud, suisse, canada, australie, irlande, singapour, taïwan, sinopec, saudi aramco, walmart, volkswagen, toyota, maersk, total, royal dutch shell, daimler, bp, amazon, amazon.com, apple, berkshire hathaway, unitedhealth group, samsung, samsung electronics, glencore, exxon mobil, mckesson, cvs health, china national petroleum, state grid
23/02/2020
Zero Days
Après le visionnage de quelques documentaires réalisés par l'américain Alex Gibney, on a pu cerner ce qui intéresse ce réalisateur prolixe, considéré en 2010 par le magazine Esquire comme un des documentaristes les plus importants du moment, dans un article relevant le fait qu'il était "le biographe des hommes mauvais".
Il est évident que le natif de New York s'intéresse essentiellement à des actes illicites commis par les humains, soit le fameux scandale financier Enron (Enron: The Smartest Guys in the Room, 2005), l'arnaque Lance Armastrong (The Armstrong Lie, 2013), la torture effectuée par l'armée américaine dans une prison en Afghanistan et menant à l'assassinant de deux détenus (Taxi to the Dark Side, oscar du meilleur documentaire en 2008), le décorticage du fonctionnement de l'Eglise scientologue aux Etats-Unis (Going Clear: Scientology and the Prison of Belief, 2015), la fraude massive effectuée par un laboratoire pharmaceutique (The Inventor: Out for Blood in Silicon Valley, 2019), etc...
Zero Days raconte la découverte en 2010 d'un programme informatique appelé Stuxnet, conçu par la NSA et faisant partie d'une opération appelée "Olympic Games" et visant à déstabiliser voire détruire le programme nucléaire de la République islamique d'Iran. A travers de nombreux entretiens dont des lanceurs d'alerte anonymes ayant travaillé pour la NSA mais également des personnalités politiques de premier plan (notamment des anciens directeurs de la CIA et de la NSA), on apprend qu'il s'agissait d'une opération conjointe impliquant la NSA, la CIA, le commandement de l'armée américaine et les services de renseignements britanniques et israéliens. Le virus Stuxnet attaqua en juin 2009 le site nucléaire iranien de Natanz, provoquant une dégradation de l'uranium enrichi par les centrifugeuses.
On apprend ici que comme souvent les autorités israéliennes voulurent aller plus loin que leurs homologues américaines et mirent en place (sans les consulter) une attaque plus agressive, ce qui permit la révélation de ce programme top secret. Que les Etats - notamment les Etats-Unis - commettent des actes peu moraux afin de déstabiliser des Etats déclarés déviants ou tout simplement ennemis n'a rien de nouveau ou d'étonnant. Le documentaire permet en fait de confirmer deux tendances se mettant progressivement en place depuis plusieurs années : l'autonomie (voire l'indépendance) d'Israël vis-à-vis des Etats-Unis dans la conduite de sa politique étrangère (officielle/officieuse) et la place de plus en plus importante au XXIème siècle de la cybercriminalité dans les conflits inter-étatiques. J N
Zero Days (Alex Gibney, USA, 2016, 113 min)
- Sélection officielle - Festival de Berlin 2016
12:29 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : programme nucléaire iranien, iran, israël, nsa, cia, etats-unis, royaume-uni, alex gibney, zero days, cybercriminalité, cyber-attaques, stuxnet, natanz, site nucléaire de natanz, centrifugeuse, uranium, olympic games, lanceur d'alerte
20/02/2020
Democracy Index - 2019
Le Economist Intelligence Unit, centre de recherche associé au journal économique britannique The Economist (1843) a publié fin janvier 2020 son classement régulier des Etats selon leur "niveau de démocratie" (classement effectué depuis 2006).
L’indice de démocratie se concentre sur 5 catégories générales :
- Processus électoral et pluralisme
- Libertés civiles
- Fonctionnement du gouvernement
- Participation politique
- Culture politique
Le classement comprend 167 Etats. Après l’étude faite, ces derniers sont répartis en 4 catégories :
- les démocraties complètes (Indice de 8 à 10) – 22 Etats
- les démocraties incomplètes (Indice de 6 à 8) – 54 Etats
- les régimes hybrides (Indice de 4 à 6) – 37 Etats
- les régimes autoritaires (Indice inférieur à 4) – 54 Etats
La force de ce classement est de montrer – entre autres – que les régimes politiques ne se classent pas en deux catégories simples : démocraties / dictatures. Il y a plusieurs "niveaux" de démocraties. Le classement rappelle également qu’il y a toujours au XXIème siècle plus de régimes "non-démocratiques" que de régimes "démocratiques". En effet, si les démocraties incomplètes (54) et les régimes autoritaires (54) sont à égalité, les régimes hybrides/autoritaires (91 ; 54.5 %) sont plus nombreux que les démocraties complètes/incomplètes (76 ; 45.5 %).
Les pays nordiques (3 premiers rangs) sont des exemples de démocraties complètes (ils ont également un niveau de corruption très faible). Le bas du classement est composé de pays du Moyen-Orient et d’Afrique. Le pays le plus autoritaire d’Europe – la Biélorussie – est 150ème. Au Moyen-Orient, le pays arabe le plus démocratique est le Liban (106e) tandis que le pays arabe le mieux classé est la Tunisie (53e). La France et les Etats-Unis ne sont respectivement "que" 20ème et 25ème. L'Afrique du Sud se classe le mieux en Afrique (40ème). La Russie de l'autoritaire Vladimir Poutine est 134ème et la Chine de Xi Jinping 153ème. J. N
TOP 10 des démocraties
1.Norvège (9.87)
2.Islande (9.58)
3.Suède (9.39)
4.Nouvelle-Zélande (9.26)
5.Finlande (9.25)
6.Irlande (9.24)
7.Danemark (9.22)
Canada (9.22)
9.Australie (9.09)
10.Suisse (9.03)
Les Etats les moins démocratiques
158.Yémen (1.95)
159.Arabie Saoudite (1.93)
Tadjikistan (1.93)
161.Guinée Equatoriale (1.92)
162.Turkménistan (1.72)
163.Tchad (1.61)
164.Syrie (1.43)
165.Centrafrique (1.32)
166.Congo-Kinshasa (1.13)
167.Corée du Nord (1.08)
13:22 Publié dans Liste/Classement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : indice de démocratie, democracy index, economist intelligence unit, the economist, royaume-uni, somalie, syrie, corée du nord, liban, france, etats-unis, guinée équatoriale, turkménistan, tchad, centrafrique, congo-kinshasa, rdc, norvège, suède, islande, suisse, nouvelle-zélande, finlande, irlande, danemark, canada, australie, yémen, arabie saoudite, tadjikistan, démocratie, dictature, régime hybride, indice de démocratie 2019, democracy index 2019, chine, russie, afrique du sud, tunisie
26/01/2020
The Great Hack
"Toutes mes interactions, l'utilisation de ma carte de crédit, mes recherches, ma position, ce que j'aime, tout est récupéré en temps réel puis associé à mon identité. Les acheteurs ont donc un accès direct à mon pouls émotionnel. Grâce à ces informations, ils se battent pour mon attention. Ils me gavent d'un flux constant de contenu conçu sur mesure pour moi et que je suis le seul à voir (...). Mes peurs, ce que j'aime, mes intérêts, mes limites et jusqu'où aller pour les franchir."
C'est avec ces mots que débute, en voix off, ce documentaire constituant une alerte concernant les dérives d'internet, et plus précisément l'utilisation à mauvais escient des données personnelles.
En mai 2018, la société de publication stratégique Cambridge Analytica (Etats-Unis) était au cœur d'un scandale mondial de vol d'informations. En effet, dans le but d'effectuer du ciblage politique favorable - en 2016 - au Brexit (Royaume-Uni) et à l'élection à la présidence américaine de Donald Trump, CA a utilisé les données personnelles de plusieurs dizaines de millions d'utilisateurs de facebook. Ces informations ont servi ensuite à influencer les intentions de vote d'électeurs indécis, via ce qu'on appelle dans la sphère internet le "targetting messaging".
Force donc est de constater que, ni plus ni moins, cet accès illégal à des informations a engendré deux véritables tremblements de terre politiques. L'affaire est d'autant plus désolante que les deux scrutins en question furent serrés (aux Etats-Unis, cela s'est joué - à peu de choses près - dans trois Etats). Le scandale Facebook-Cambridge Analytica (qu'on peut considérer comme le plus grand scandale de vols d'informations via internet) remet également à l'ordre du jour le problème de traque à grande échelle - via des systèmes électroniques hyper-sophistiqués - de données privées permettant de cerner les univers (sociaux, économiques, politiques, psychologiques...etc) des individus. Dans ce domaine-là, ce scandale constitue ainsi un second coup de tonnerre après l'Affaire Edward Snowden (2013). A l'heure où l'intensité du lien social est de plus en plus faible un peu partout et où fake news, complotisme et désinformation pullulent sur le web, cette affaire met également en exergue les dérives engendrées par le web social et plus particulièrement les réseaux sociaux.
Décryptant comment Cambridge Analytica a opéré dans le cadre des deux élections citées, le documentaire se concentre sur Britanny Kaiser, ancienne directrice au développement des affaires chez CA et lanceuse d'alerte (après qu'un premier lanceur d'alerte - Christopher Willie, également analyste chez CA - ait révélé l'affaire) et fournit les témoignages de David Carrol (professeur de design multimedia, ayant poursuivi CA en justice) et Carole Cadwalladr (journaliste d'investigation travaillant pour The Guardian et The Observer) qui - prenant le relais des lanceurs d'alerte - a révélé au grand public les activités louches du tandem Cambridge Analytica/Facebook.
Scandales financiers (notamment les tristement célèbres Panama Papers) et vols d'informations constituent désormais, à la fois, le nœud gordien et la pierre angulaire du fonctionnement politico-économique de notre planète. Triste réalité quand on sait que ces pratiques ne vont pas cesser (comment le pourraient-elles?). Dans l’œil du cyclone et en faillite, Cambridge Analytica disparaît le 2 mai 2018 mais dirigeants (dont l'ancien directeur général, Alexander Nix) et algorithmes se retrouvent dans une autre société spécialisée dans l'analyse de données (et créée par la société mère de CA...), Emerdata Limited. Sanctionné par la justice américaine, Facebook a du payer en juillet 2019 (au moment où ce documentaire était diffusé) une amende de 5 milliards de dollars, somme que le réseau social le plus populaire n'aura probablement pas de problème à refaire assez rapidement.
Engagé politiquement (et nommé comme meilleur documentaire lors de la prochaine cérémonie des BAFTA Awards), ce documentaire diffusé le 24 juillet 2019 sur Netflix constitue un plaidoyer pour une plus ample protection des données personnelles, gage d'une véritable gouvernance démocratique. Un combat vain?
J N
The Great Hack (Karim Amer, Jehane Noujaim, USA, 2019, 114 min)
01:18 Publié dans Documentaire, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : internet, vol d'informations, facebook, alexander nix, netflix, ciblage politique, etats-unis, royaume-uni, donald trump, brexit, scandale, edward snowden, fake news, lien social, britanny kaiser, christopher willie, the guardian, the observer, emerdata limited, bafta awards, carole cadwalladr, david carrol, cambridge analytica